Homélie du dimanche 26 juin 2022 – 13ème dimanche du Temps Ordinaire — Année C

Par le Frère Jean-Marie

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Frères et sœurs bien aimés, Jésus monte à Jérusalem : on monte puisque la ville est à 900 m d’altitude.

Jésus monte avec ses disciples à Jérusalem avec un visage déterminé, c’est-à-dire un visage qui exprime sa volonté d’accomplir jusqu’au bout la volonté de son Père qui est aux cieux ; d’adhérer, de choisir et de mettre en œuvre ce pourquoi il est venu parmi nous, Lui, le Verbe éternel, le Logos de toute éternité, uni substantiellement dans une relation au Père et à son Esprit, s’est fait homme dans le sein de la Vierge Marie : l’Immaculée, celle dont le cœur immaculé (que nous avons fêté hier) comme une bonne terre, reçoit la Parole de Dieu à tel point que la Parole se fait chair en elle.

Oui ! Ce but, cette mission, est de sauver les hommes : apporter le Salut éternel, accomplir le Salut du monde, venir nous sauver chacun et chacune d’entre nous. Ce qui meut Jésus, c’est l’amour, c’est le moteur (si je puis dire) de sa vie, cet agapè (l’amour spécifiquement chrétien, qui désigne l’amour de la Trinité et l’amour dont les chrétiens sont appelés à vivre les uns avec les autres, qui est au-delà du sentiment personnel ou du rythme cardiaque)…cet agapè, ce lien  avec son Père et son Esprit Saint.

Aimer son Père, faire aimer le Père, Lui, l’envoyé du Père, et aimer la mission que le Père lui a confié ; telle est la source de son choix, de la détermination de Jésus, de sa décision de monter vers la ville Sainte pour y vivre et se livrer à la Passion pour le Salut du monde.

Jésus est venu jeter un feu sur la terre, c’est lui-même qui le dit, et il est pressé jusqu’à ce que ce feu d’amour agapè, qui est l’Esprit Saint, embrase l’âme de tous les disciples et de tous les hommes sans exception. Telle est la mission de Jésus, de l’Église à sa suite : que les hommes soient divinisés, soient déifiés ici-bas, dans ce lien, cette relation de foi, de la créature avec son Créateur et dans l’au-delà, dans la plénitude de la vision béatifique. C’est le but de notre vie, de l’humanité… notre but n’est pas d’accumuler des biens, de chercher un plaisir, une attitude hédoniste, de repli sur soi, et de jouir de toutes nos pores, de tout ce que la vie peut nous apporter… tel n’est pas le message chrétien !

Nous sommes là dans cet amour du Christ, du Père, de l’humanité, comme à la source même de ce qui constitue notre vie de baptisé : vivre et agir dans l’agapè, dans l’amour, tout accomplir par amour, par charité. Est-ce que cet amour de Dieu nous meut aujourd’hui ? Est-ce que ce matin au plus profond de mon être, je peux dire : oui, l’amour de Dieu est présent et me conduit. Sommes-nous habités ce matin par cette charité brulante envers Dieu et envers le prochain, quel qu’il soit ? Qu’est-ce qui nous habite ce matin ? Cet amour, ce feu qui nous presse ? Ou bien les idées fixes qui nous habitent habituellement, notamment la réussite personnelle, le souci de l’avenir de telle chose… ou pire encore, un vide existentiel, l’indifférence ; comme des cadavres qui marcheraient tout seuls !

Cet amour de Dieu est exigeant, il nous demande d’avancer toujours. La vie nous demande d’aller de l’avant. Dans l’évangile selon st Marc, Jésus est toujours devant, il marche toujours ; Jésus nous entraine, nous marchons à sa suite. Il y a une dynamique. Nous nous reposerons dans l’éternité. Ici-bas, nous sommes appelés à marcher, à avancer, à construire, à bâtir.

Il n’y a pas de place pour les regards en arrière ; il n’y a pas de place pour s’installer ; il n’y a plus de place pour s’occuper de ce qui est important aux yeux du monde : c’est-à-dire ce qui ne sert à rien. Nous sommes là pour transformer nos relations humaines afin de les immerger dans le Cœur du Christ pour les transfigurer. Même les relations les plus légitimes, les plus belles, les plus proches : non pas les supprimer… les transfigurer.

L’attitude de Jésus nous oriente vers Jérusalem mais il ne s’agit pas d’une destination géographique ; il nous conduit vers la Jérusalem d’en haut : là où le chœur des anges et nos frères ainés dans la foi nous attendent ; là où Il est, là où Il se trouve aujourd’hui… au Ciel.

Le Seigneur nous indique également les formes à prendre pour aller dans ce lieu, dans cet état : à savoir la douceur, la force, la fermeté, l’humilité. Jésus exclut toute violence. Et quand les apôtres Jacques et Jean veulent « en toute charité » détruire le village des samaritains qui ne les accueille pas, Jésus les rabroue, les réprimande. Jésus n’emploie jamais la force et la violence, plus exactement la force de la douceur, la force de la vérité, la force  de la foi, la force de l’Esprit Saint, ça oui ! Mais pas la violence, pas la force militaire. Ne dit-il pas au moment de sa Passion aux apôtres et à Pierre : est-ce que le Père ne pourrait pas me donner douze légions d’anges – à savoir que chaque légion compte six mille soldats.

Oui, nous pouvons être souvent habités par cette attitude de Jacques et Jean : nous allons régler les problèmes de l’Église et du monde en faisant descendre le feu du Ciel pour détruire ceux qui ne pensent pas comme nous, ceux qui s’opposent à nos projets, ceux qui nous gênent… les réduire en cendres, les écraser.

Jésus nous demande de décroitre intérieurement par humilité pour laisser la place au Seigneur et laisser la place aux autres ; d’accepter le refus de l’autre et de continuer son chemin, sans mépriser l’autre, sans vouloir le piétiner. Nous sommes appelés à changer de cœur, et si nous avons des premiers mouvements qui ne sont pas des péchés mais des réactions un peu violentes, nous sommes appelés à transformer notre vie pour nous laisser prendre par le Cœur du Christ qui est doux et humble.

Jésus apporte et donne le Salut éternel en s’offrant lui-même. Jésus fait tout ! Il est l’unique sauveur et l’unique médiateur entre Dieu et les hommes.

Cependant, il nous appelle ce matin, chacun et chacune d’entre nous, à être ses disciples – et nous le sommes sinon nous ne serions pas dans cette chapelle – Il nous appelle par grâce, par miséricorde, en Lui, à participer au Salut du monde, à être insérés dans sa propre mission. À la fois, le Christ accomplit toutes choses : il est l’unique Sauveur ; et en même temps il appelle à sa suite ses disciples et tous les hommes, à participer à cette œuvre de Salut : participation gratuite, aimante, où Il nous fait co-responsable du Salut éternel de nos frères ; au cœur même de nos fragilités, de nos péchés, de nos limites, de nos peurs, de nos violences, qui nous habitent. Jésus appelle chacun et chacune à le suivre, tel Élisée par rapport à Élie dans la première lecture, tel l’apôtre Paul, et tous nos frères et sœurs ainés dans le pèlerinage de la foi qui nous précèdent. Bref ! Ceux qui ont réussi leur vie !

Pour cela, frères et sœurs, nous sommes appelés à nous alléger, nous vider de tout ce qui n’est pas important, afin que notre vie réponde à l’appel du Seigneur Jésus – pas simplement avec nos lèvres, nos discours ou nos écrits – mais en vérité.

Frères et sœurs, qu’est-ce que Jésus nous demande ce matin pour répondre à son appel ? Quel que soit notre âge, notre situation, notre état, que nous est-il demandé par Jésus ?

Il nous appelle chacun et chacune à tout donner, par amour et pour l’amour de Jésus, et à actualiser ce don. Il ne s’agit pas de quelque chose de passé où l’on ferait un flash-back émouvant pour se rappeler ce qui s’est passé. Jésus nous demande de vivre aujourd’hui dans ce don.

Quand nous parlons de l’évangile, quand nous parlons de la Tradition de l’Église, quand nous parlons de Jésus, est-ce que nous sommes habités par ce feu ou est-ce que nous répétons de façon plus ou moins consciente, plus ou moins endormie, des choses auxquelles nous n’adhérons pas profondément ? Est-ce que vraiment la vie de Jésus, la docilité à l’Esprit Saint, est constitutive de notre vie quotidienne ? Ou est-ce que nous répétons des formules, fut-ce le Credo, mais en étant semi-anesthésiés ? (les anesthésies sont très utiles quand on va être opéré mais en dehors de ça, il faut éviter d’être à moitié endormi !).

Nous sommes appelés à vivre consciemment de cet amour, à nous laisser saisir par cet amour ; un amour personnel qui nous appelle chacun et chacune d’entre nous, et à y répondre. Et là, nous pourrons transmettre ce que nous avons vécu, ce que nous croyons. Mais c’est une foi qui s’exprime par la charité, une foi, une doctrine, qui est enracinée dans un vécu et non pas dans des formules répétées qui deviennent dans notre propre cœur, des formules creuses qui n’apportent rien. Mais si nous n’avons rien à apporter, qu’allons-nous dire aux autres ?

Quel va être le contenu de la mission des baptisés ? Du vent !

Nous sommes appelés à vivre de Jésus, à vivre en Jésus ; à nous laisser convertir chaque jour, en chaque instant et si nous trébuchons, chutons : remonter ! Comme nous y invite Paul dans la seconde lecture tirée de l’épitre aux Galates : de « Marcher sous l’action de l’Esprit ». Quelle liberté ! De vivre sous l’action de l’Esprit Saint ! Comme nous le dit la prière d’ouverture de la Messe où nous avons prié, et juste avant cette prière, on fait un temps de silence pour nous concentrer, être attentif… Voilà la nouveauté de la vie chrétienne, non pas une addition d’interdiction, une addition d’obligations qu’on cocherait comme à des examens, où on cocherait et on aurait réussi, on serait de bons chrétiens, parce qu’on a tout casé !

Non ! Bien sûr qu’il y a une vie morale, bien sûr qu’il y a des exigences, bien sûr qu’il y a des interdits mais notre vie n’est pas basée sur des interdits ! Mais sur la relation à Dieu qui nous propose sa propre vie et à partir de là, une vie qui jaillit et qui peut entrainer les autres. Ce n’est pas en faisant des séries d’interdictions que nous allons remplir les églises ou appeler l’humanité à se convertir… On assomme les gens d’interdiction ! Nous sommes appelés à vivre de l’Esprit, dans cette vie qui nous transforme, qui nous fait comprendre que nous sommes aimé et unique comme les autres. Nous pouvons vivre de cet amour filial, de cette adoption filiale, et de vivre en humanité les uns avec les autres, non pas comme des ennemis avec la haine au cœur, la vengeance, mais par l’amour, par la fraternité.

Frères et sœurs bien aimés, en ce dimanche, faisons à nouveau le choix de Dieu de manière concrète, consciente, où nous nous engageons au plus profond de notre être.

Le choix de suivre Jésus, le choix de l’amour, de la miséricorde… Amen !

 

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