Chers frères et sœurs, nous voici donc entrés dans le Temps liturgique de l’Avent – adventus – ce terme qui peut être traduit par : ‘arrivée’, ‘venue’, ‘attente’, ‘présence’ ; il y est signifié par ce mot que le Christ est non seulement avec nous mais parmi nous, mieux encore : proche de nous. Il est même en nous car il peut attirer à Lui, et communiquer sa vie à tout homme qui croit en Lui, par ce que nous appelons la Foi. L’Avent, cela signifie aussi que durant ce Temps, nous faisons mémoire de la première venue dans la chair (ce que nous appelons l’Incarnation) du Fils de Dieu, en pensant déjà à son retour définitif à la fin des Temps (ce que nous appelons la Parousie).

Nous reconnaissons que le Christ présent parmi nous, devient notre compagnon de marche tout au long de la vie de l’Église. L’Église est le sacrement du Christ qui marche avec elle vers la plénitude du Royaume des cieux.

Dans l’Avent, nous faisons mémoire de la première venue du Seigneur mais aussi du second avènement du Seigneur à la fin des Temps. Nous entrevoyons déjà dans la lumière de la foi et de l’espérance, ce que sera ce second avènement. Celui-ci sera la proclamation totale et définitive de la miséricorde du Père, la joyeuse certitude que tout existe et subsiste dans cette miséricorde et dans cette grâce, car l’amour infini du Père par son Verbe, englobe toute créature de toute éternité, dès avant la fondation du monde comme dit st Paul.

L’Église, dont nous sommes les membres vivants par le baptême, n’est pas l’échafaudage provisoire de ce que sera le Royaume à la fin des Temps ; elle est bien plutôt la gardienne de l’espérance en laquelle elle-même s’accomplira en plénitude à la fin des Temps.

Une des images peut-être les plus parlantes pour comprendre cela, qui est employée par les Saintes Écritures, est celle de la Fiancée préparant ses noces. Car l’Église est à la fois la Mère, la sainte Mère dont nous recevons tout, et le corps vivant encore inachevé que nous construisons par nos actes et par notre adhésion de foi au Seigneur Jésus. L’Église est à la fois la Mère vénérée qui veille sur chacun de ses enfants, et en même temps la Fiancée qui se prépare à ses Noces.

Dans sa lettre apostolique pour l’entrée dans le troisième millénaire, intitulée tertio millennio adveniente, st Jean Paul II écrivait que dans le christianisme, le point de départ, c’est l’Incarnation du Verbe. À la différence d’autres religions, la caractéristique du christianisme est, que ce n’est plus seulement l’homme qui cherche Dieu mais c’est Dieu qui vient en personne parler de lui-même à l’homme, et lui montrer le chemin véritable qui lui permettra de l’atteindre (ce que les théologiens dans leur jargon appellent « l’auto révélation de Dieu » : Dieu se révèle lui-même, il prend l’initiative de se faire connaitre en envoyant son Fils).

Nous ne pourrions rien connaitre de Dieu, frères et sœurs, si Dieu n’avait pris, et ne prenait chaque jour, l’initiative de venir vers l’homme.

Le christianisme qui a Jésus Christ pour fondement est la religion de la gloire : « Là, on existe dans la nouveauté de la vie, à la louange de la gloire de Dieu » comme st Paul l’écrit dans sa Lettre aux Éphésiens.

En Jésus Christ, Dieu ne parle pas seulement à l’homme mais il part à la recherche de l’homme comme le Bonus Pastor, le Bon Pasteur, vers cet homme créé à son image et à sa ressemblance. Dieu fait ainsi parce qu’il aime sa créature de toute éternité dans le Verbe, son Fils, et qu’il veut l’élever à la dignité de fils adoptif.

Nous voici donc entrés dans ce Temps liturgique de l’Avent, qui durant quatre semaines nous conduira en nous prenant par la main, jusqu’à la grotte de Bethléem, là où le Mystère de l’Incarnation se donne non seulement à toucher mais à voir. Quand les anges dans la nuit de Noël, eurent quittés les bergers pour le ciel, ceux-ci (les bergers) se dirent entre eux : allons voir la parole ! Quelle curieuse expression !

Comme le dit l’un de nos frères dans la vie monastique au XIIème siècle, Guerric d’Igny, je le cite : « Dieu ne pouvait nous parler comme à des êtres spirituels mais seulement comme à des êtres charnels ; son Verbe s’est fait chair afin que toute chair puisse, non seulement entendre, mais également voir la parole sortie de la bouche du Seigneur ». Le judéo-christianisme, c’est la religion de la Parole !

« Tenez-vous prêt ! »… C’est la grande interpellation de ce Temps de l’Avent… Sortez de votre sommeil ! Tenez-vous debout !… sinon physiquement au moins spirituellement ; ces mots sont des injonctions adressés à chacun de nous, en notre for intérieur.

Nous ne pouvons pas nous contenter, de ce que le Pape François appelle dans le langage franc et direct que nous lui connaissons : un christianisme light qui s’adresse à un Dieu spray, c’est-à-dire un christianisme sans la Croix. [1]

Le pape Pie XI a dit, je le cite : Le grand problème de notre temps, ce ne sont pas les puissances néfastes, mais la somnolence des bons.

Attendre le second avènement du Christ en homme debout, c’est vivre déjà, dès aujourd’hui, de la gloire du Royaume. Nous ne vivons pas ici-bas uniquement dans les douleurs, comme si la béatitude n’était donnée qu’à la fin des Temps. Comme dit encore le moine Guerric d’Igny, je le cite : « Puisque le premier avènement est celui de la grâce, et le dernier, celui de la gloire, l’avènement présent est à la fois celui de la grâce et de la gloire : c’est-à-dire qu’il nous faut, par les consolations de la grâce, gouter déjà d’une certaine façon la gloire future ».

La naissance du Verbe incarné à Bethléem, que nous nous apprêtons en ce Temps d’Avent à célébrer nous rappelle l’éternelle nouveauté du christianisme : le monde vieillit, le Christ Lui en sa Personne, et en la Personne de son Église, demeure toujours nouveau. Notre humanité, il est vrai, nous ne le savons que trop est vieillie par le péché et son écorce est noire comme celle de l’arbre en hiver mais comme dit le poète Charles Péguy, on voit au mois de Pâques un sang nouveau monter et poindre sous la dure écorce du cœur ; de ce sang nouveau nait un bourgeon d’espérance si humble que le premier venu peut le faire sauter avec l’ongle.

Frères et sœurs, c’est à nous chrétiens, d’aider ce bourgeon à naitre en sa fragilité en manifestant au monde l’humanité de ce que Paul appelle le nouvel Adam, l’homme nouveau, secrètement à l’œuvre par la grâce dans le cœur de tout homme.

Amen !

[1] « Le « chrétien light » qui au lieu d’aimer le roc aime les belles paroles, les belles choses et qui s’adresse « à un dieu spray », un « dieu personnel », avec une attitude « de superficialité et de légèreté ». (Méditation matinale en la chapelle de la maison Sainte-Marthe ; Jeudi 27 juin 2013)

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