Homélie du lundi 1er octobre 2018 – Jubilé du retour des moines à l’Abbaye de Sénanque

Ste Thérèse de l’Enfant Jésus – Année B

Par Mgr Jean-Pierre Cattenoz

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur

Le style oral a été conservé

 

Je suis heureux de venir présider cette Messe d’action de grâces en la fête de Ste Thérèse de l’Enfant Jésus car c’est vraiment une sainte qui a eu une mission de la part du Bon Dieu, c’est de nous rappeler l’Évangile tout simplement !

Alors comment est-ce qu’elle a fait la petite Thérèse ?

D’abord il faut savoir ou se rappeler qu’elle était la dernière de sa famille et que… elle avait très vite compris que pour obtenir des choses, et ben il fallait jouer la petite dernière qui se fait chouchouter, cocooner par ses sœurs et puis par ses parents… ça, elle l’avait très bien compris. Et puis comme elle a perdu sa maman très tôt et que son père était très attentif à ses filles, notamment à la petite dernière, et bien Thérèse a compris que le Bon Dieu, il était un peu comme son père ; et que si elle voulait obtenir quelque chose de lui, il fallait qu’elle agisse exactement comme elle agissait avec son père.

Et à partir de là vous avez toute la sainteté de Thérèse !

Alors la sainteté de Thérèse c’est finalement de comprendre que… avec le Bon Dieu, faut être comme des petits enfants ! Et pourquoi ? Alors c’est là où on peut creuser un peu pourquoi faut-être comme des enfants ? Qu’est-ce qui caractérise un enfant ? Y’a deux choses :

La première, c’est qu’il ne peut rien faire par lui-même. Il est totalement dépendant de sa mère, de son père, totalement !

Et en même temps, un petit enfant, il a une confiance totale dans sa mère et son père… et bien la petite Thérèse, elle va faire la même chose avec le Bon Dieu ! Elle sait qu’elle est totalement dépendante de lui, que toute seule elle n’arrivera à rien ; mais elle vit dans une confiance totale par rapport à son Père du ciel ; et en fait elle rejoint quelque chose d’encore plus profond car elle nous aide à comprendre que… il faut que nous devenions des enfants, tous !

Parce que si j’osais vous demander où est-ce que vous serez dans 40 ou 50 ans ? À peu près tout le monde sauf peut-être les plus jeunes un peu plus mais dans 60 ans, où est-ce que vous serez ?

-Vous me répondez pas ?

-Pourtant on sait tous très bien où est-ce qu’on sera ?

Mais en même temps souvent on voit les choses dans le vague ! En fait on est fait – selon St Paul, je prends St Paul dans la lettre aux Éphésiens –

« Il nous a élus dès avant la création du monde pour que nous soyons saints et immaculés en sa Présence dans l’amour, déterminant par avance que nous serions pour lui des enfants adoptifs dans l’unique bien-aimé »

Notre place c’est d’être dans le Christ, or le Christ c’est le Fils bien-aimé du Père ! Il n’a absolument rien à lui !

Mais il se reçoit totalement de son Père d’instant en instant ; ou plutôt pour lui c’est éternellement.

Mais nous, notre place c’est d’être dans le Fils bien-aimé, alors il faut qu’on apprenne à vivre à la manière du Fils, c’est-à-dire à nous dégager de tous nos avoirs qui nous engluent terriblement pour accepter de nous recevoir du Père, d’instant en instant, pour toujours… et ça c’est le chemin de sainteté que la petite Thérèse viens nous montrer !

Alors en même temps, quand elle était entrée au Carmel, elle avait envie d’avoir toutes les vocations à la fois !

Et puis elle trouvait pas comment elle pourrait faire ! Et à l’oraison un jour, elle en avait tellement assez qu’elle a ouvert sa Bible et puis elle est tombée d’abord sur St Paul qui dans la lettre aux Corinthiens disait « C’est quand je faible que je suis fort ! », alors la petite Thérèse, elle a compris qu’il fallait vraiment qu’elle reste un enfant.

Et puis après elle va lire le chapitre 13ème de la lettre aux Corinthiens, de la 1ère lettre, où St Paul nous dit « Moi, je vais vous montrer le chemin qui est le plus rapide pour la sainteté, c’est le chemin de l’amour »… et là Thérèse a une illumination et elle écrira dans son petit cahier où elle résumera sa vie : « Au cœur de l’Église ma Mère, je serais l’amour, alors je serai tout ! ».

Car si y’a pas de cœur dans un corps, et ben il lui manque l’essentiel, y’a besoin d’un cœur !

Et bien Thérèse au cœur de l’Église, elle sera ce cœur vibrant d’amour et ainsi elle pourra embrasser toutes les vocations.

Et là, il me semble que dans une Abbaye, et bien votre vocation elle est là aussi !

Elle est d’être vraiment, au cœur de l’Église, cette source d’amour qui jaillit du cœur de Dieu pour nous rassembler tous en lui ; et je pense à ce que me disait un évêque du Tchad, il y a déjà quelques vingt ans… il me disait « Moi mon Église, elle ne sera fondée véritablement que le jour où il y aura un monastère dans mon diocèse… parce que c’est une pièce vitale ! »

Et moi je lui ai répondu « Bah oui, c’est comme dans la petite Thérèse, c’est le cœur même de la vie d’une Église ».

Alors ça apparait contradictoire parce que vous êtes pas directement engagés dans la pastorale du diocèse et en même temps, bien, vous êtes ce poumon d’amour au cœur de l’Église.

Et puis y’a quelque chose, moi, que je trouve toujours bouleversant, chaque fois que j’entre dans des vieilles Abbayes cisterciennes ou bénédictines : c’est que dans ces monastères, et ici c’est le cas aussi, la pierre parle de Dieu !

C’est étonnant de voir comment… vous entrez dans le cloitre, on a l’impression que Dieu s’est incarné pour prendre visage humain, qu’on puisse le rencontrer ! Et tout d’un coup, vous entrez dans l’Abbatiale et là, vous êtes comme aspirés vers le ciel… et je sais que pendant tout un temps de ma vie, j’ai habité à côté de Fontenay, l’Abbaye de Fontenay là en Bourgogne, et j’avais dit au propriétaire :

« Cette Abbaye, elle vous appartient pas ! »

Il m’a répondu : « Mais ! Ma famille l’a payée ! »

Je lui ai dit : « Malgré tout l’argent du monde, elle vous appartient pas ! Et c’est un trésor de l’Église ».

Et c’est vrai que – du coup il m’avait donné une clé pour pouvoir entrer prier quand je voulais – mais pour moi c’était bouleversant, quand je me mettais assis dans l’Abbatiale, j’avais l’impression que j’étais comme attiré vers le ciel, simplement parce que les pierres me parlaient du ciel !

Et puis quand j’étais assis dans le cloitre, et bien, on avait vraiment l’impression que Dieu était là au milieu de tous nos engagements humains, il était là tout simplement au milieu de nous et il nous invitait à faire corps avec lui au cœur de l’Église…

Et puis y’avait aussi la salle du chapitre, ça c’est un lieu où on l’impression que… ben c’est un lieu où on va écouter… car les moines… je dis toujours avec un peu d’humour qu’ils font partie de la tribu des grandes oreilles… c’est-à-dire qu’ils doivent être à l’écoute d’abord de la Parole de Dieu, puis à l’écoute du silence ! Car c’est un de nos pères du désert qui avait cette très belle parole :

« Dieu, il parle le silence ! »

Et ça aujourd’hui, c’est dramatique, on sait plus faire silence ! Mais le silence, c’est la langue de Dieu. Alors moi dans ce lieu, je trouve que… y’a tout pour aider, nous aider nous, tous et chacun, à entrer dans ce mystère d’un Dieu qui est venu se faire l’un de nous pour nous entrainer vers la réalisation de son projet divin qui est de nous rassembler tous en lui.

Et c’est là où…qu’est-ce qu’on fait ici-bas ?

Moi ça m’arrive de me dire « mais qu’est-ce qu’on fiche sur la terre ? »… vous vous posez jamais des questions comme ça ? Bah, qu’est-ce que je fais ici-bas ?

Et ben, moi ma réponse, c’est simplement « je me prépare à mon éternité ».

Car on est tous fait pour partir, on partira tous ! Personne n’y échappera !

Mais par contre, et bien, ici-bas on a à répondre à cet appel de Dieu qui a voulu qu’on puisse l’aimer ; et pour ça il est prêt à tout sauf à nous obliger à l’aimer !

Alors, ici-bas sur ce chemin de vie, on est invité à entrer dans cette histoire d’amour avec lui ; et dans ce lieu de Sénanque, et bien, même les pierres vous parlent de ce projet d’amour de Dieu ; alors surtout ne passez pas à côté de cette réalité merveilleuse.

Et puis dans les Abbayes cisterciennes, y’a toujours une chose : c’est que c’est très dépouillé… y’a l’autel qui est au cœur de l’Abbatiale ; et l’autel, c’est vraiment là où on participe pleinement à l’unique sacrifice de la Croix… où l’innocent qui porte sur lui le péché du monde… il continue à laisser déborder de son cœur transpercé : le cœur source de l’amour… il laisse déborder les torrents de l’amour et de la miséricorde divine.

Et puis la seule statue qui y est, c’est la Vierge Marie… Pourquoi ? Parce que… elle est la Mère, celle qui a enfanté le Fils de Dieu, ici-bas ; et c’est celle qui a enfanté, dans la puissance de l’Esprit Saint, le corps du Christ à partir de la Pentecôte, et qui continue à l’enfanter.

Et je terminerai en vous rappelant… ce que j’avais posé la question au Cardinal Journet – qui fut mon premier professeur de théologie à Genève – et je lui avais demandé « Pourquoi vous aimez tant la Sainte Vierge ? ».

Il avait 87 ans, moi j’en avais à peine vingt, alors il disait toujours « Alors, tu vois, mon petit, hein ! Eh bien, pourquoi j’aime la Sainte Vierge ? Et ben, c’est parce que plus je la regarde, plus je découvre en elle le mystère de l’Église ; et plus je la contemple, plus je découvre en elle l’Esprit Saint »

Et bien avec la Vierge Marie et l’Esprit Saint, nous avons tout ce qui nous faut pour pouvoir cheminer vers la plénitude de l’amour.

Amen !

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