Chers frères et sœurs,

nous rejoignons le Christ au soir du Jeudi-saint dans la salle aménagée pour la fête avec des coussins, puisque selon les paroles mêmes de Jésus, il s’agit de célébrer la Pâque, la dernière, qu’il désire d’un grand désir, avec ses disciples.

Jésus, contrairement à l’agitation extérieure de la ville, ou à la fièvre du Sanhédrin, est paisible ; Il prend tout le temps de faire ses adieux, et d’éclairer aussi un peu plus ses disciples sur ce qu’Il va faire, le sens profond qui leur échappe comme à nous-même bien souvent encore. Il semble pourtant que Jésus veuille leur entrouvrir, du moins partiellement, ce grand Mystère de la Sagesse divine sur l’humanité, demeuré caché à cause de la chute (celle dont parle St. Paul aux Corinthiens) : puisqu’avant les siècles, Dieu l’avait prédestinée pour notre gloire, Lui qui en est désormais secrètement l’Artisan par son incarnation, sa mort sacrificielle évoquée, et sa Résurrection proclamée.

St Jean introduit donc ce dernier repas, qu’on peut déjà appeler le « mémorial eucharistique », par le récit du « lavement des pieds » qui semble au premier abord étranger à l’ordonnance de cette cérémonie rituelle qui commémore la pâque juive de l’Exode, mais qui prophétise la pâque du Christ qui doit nous délivrer du monde des ténèbres. Jésus veut exprimer très concrètement par ce geste insolite, ce qu’exige de solidarité humaine cette plénitude d’Amour de Dieu qu’Il vient révéler aux croyants. Il fait remarquer aux apôtres la singularité de son geste, car bien qu’Il soit le Maitre souverain, Il se fait le serviteur très aimant des hommes, et cela d’une manière tout-à-fait extrême. Le Christ ne nous aime pas en effet du bout des lèvres, mais Il s’engage très librement dans l’acte du don total de Soi. Là est le gage de cette libération messianique par laquelle Il réalise le passage à l’Alliance nouvelle de l’Église.

Ainsi Jésus se laissera-t-Il bientôt conduire jusqu’à l’immolation douloureuse de la Croix, y consentant avec l’assurance qu’Il ressuscitera bientôt. Ce sera pour Lui une démonstration d’obéissance onéreuse à l’amour du Père pour le rachat des péchés des hommes. Ce sera pour nous le sacrement du témoignage de cet Amour qui se dépasse incessamment, pour nous entrainer selon notre mesure, à faire de même. Car l’Amour de Dieu ne peut plus se dissocier de l’expression de l’Amour du prochain : à travers son sacrifice souverain, le Christ est lié à jamais à son immense Corps mystique, dont nous sommes en tant que baptisés les membres ; c’est pour cela que nous sommes, par voie de conséquence, conviés à un minimum de participation ecclésiale à son mystère pascal.

Tout le mémorial du mystère de l’offrande du Christ se trouve en effet concentré dans cette institution eucharistique ; par la grâce de son trop grand Amour ; elle pourra être renouvelée en sa mémoire par tous les prêtres (dans leur grâce spécifique de l’Esprit) ayant la même intention que le Christ sur ce pain et ce vin présentés dans le cadre liturgique, parce que Lui-même l’a accomplie (l’offrande) une fois pour toutes, et ordonné de la réitérer à ses disciples.

Voilà l’invention grandiose et étonnante issue du grand amour de Jésus en faveur de ceux qui croiront en Lui. C’est elle qui nous force en ce jour très particulier à le remercier, à l’adorer et à veiller, pour demeurer en sa Présence autant que les circonstances, à chaque jour, le permettent.

Amen.

 

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