Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

Chers frères et sœurs, la question essentielle posée à la vie humaine, c’est la mort ; et si l’on n’y répond pas, notre foi reste comme en suspens, et pour nous, et pour ceux qui attendent de nous une réponse à cette question : pourquoi la mort ?

La révélation biblique accepte la réalité de la mort et ne la considère pas, comme certains courants de pensée, comme une chute dans le néant ou comme une apparence illusoire – pensons à la Maya dans l’hindouisme : dans le cycle des renaissances dont il faut s’évader par la gnose, ou par la piété, la bhakti des hindous.

Pour le livre de la Genèse, la mort vient du péché de l’homme, et elle creuse une telle séparation d’avec la vie terrestre que tout essai de reprendre contact avec les morts est interdit : pensons aux fameux épisodes du roi Saül et de la sorcière d’Endor et aussi à la parabole de Jésus sur Lazare et le mauvais riche ;

« Il n’est pas le Dieu des morts mais des vivants ».

Mais si la mort est bien la mort, la vie est la vie. Et la vie est pour Dieu. Et quand l’amour de Dieu envahit la vie de l’homme, il n’est plus possible que cet amour subsiste, tienne encore, dans ce monde créé, dans ce monde matériel. L’amour de Dieu conduit son peuple au-delà de la mort et du temps, transformant l’instant de la mort par une mutation qui est dite « résurrection » ou bien : « éternité anticipée ». Déjà, les psaumes écrits avant Jésus Christ, avant l’incarnation du Verbe, pressentaient cet amour qui ne savait mourir ; et qui est appelé à s’épanouir en plénitude de joie, comme dit un psaume : dans l’extase en ta droite pour l’éternité. Parler de la mort, pour les chrétiens, c’est parler de la vie ; non seulement celle de Jésus vivant à jamais : « Je suis la résurrection et la vie », mais la nôtre, car nous sommes devenus enfants de Dieu, « fils de Dieu » en étant « héritiers de la résurrection », comme nous l’a dit l’évangile de ce jour.

De nos jours, nombres de nos contemporains sont ignorants de la vie éternelle, ou bien comme les Sadducéens, ne veulent pas croire en la résurrection. Il n’est pas en notre pouvoir de les en persuader ; mais par contre, il est de notre devoir de vivre, dès ici-bas, de la puissance de la résurrection.

Nous avons entendu le récit d’évangile avec ce cas de figure, et la question posée qui nous parait un peu étrange : « De qui, après la mort, cette femme aura été l’épouse, puisque sept hommes l’ont eue pour femme ? ». Et Jésus, comme souvent dans les évangiles, répond en déplaçant la question : « Dans le monde à venir, il n’y a plus de mari ni d’épouse, car ceux qui sont jugés dignes d’entrer dans le Royaume des cieux ne se marient pas ; ils sont semblables aux anges, ils sont fils de Dieu ». Fils de Dieu !

L’apôtre Paul, dans sa Lettre aux Galates, dit que : « En Christ, il n’y a ni « mâle ni femelle » (littéralement) ; de même, en Christ, il n’y a ni juifs ni grecs ni esclave ni homme libre ».

Paul ne nie pas la différence homme-femme mais il sait que dans le Christ, elle est dépassée, elle est transcendée.

Et cela est capital pour nous encore aujourd’hui. Dans ses lettres, Paul repart toujours de la relation personnelle et communautaire avec le Christ Jésus, pour que cette relation soit véritablement Vie dans l’Esprit Saint.

La morale chrétienne ne nait pas d’un système de commandements, d’interdits, mais elle est la conséquence de notre amitié avec le Christ. Cette amitié, nous le savons, est véritable – et Jésus ne cesse de nous l’enseigner – quand elle s’incarne et se réalise dans l’amour du prochain. La vie éternelle, que nous appelons aussi la vie dans le Royaume, ne supprime pas la distinction homme-femme mais elle la transcende ou plus exactement, elle la transfigure. Nous pouvons dire que dès ici-bas, le couple homme-femme, avec toute la richesse qui jaillit de la différence et donc de la complémentarité, n’est pas un absolu ; dans le Christ, l’homme et la femme sont Un comme le Christ, l’esclave et l’homme libre sont Un.

Cette liberté jaillit d’une tension qui est inhérente au christianisme. Tension entre le principe de liberté dans le Christ et les règles précises de conduite morale ; tension entre le principe de l’égalité des deux sexes dans le Christ et l’existence dans la vie sociale, familiale, d’un ordre qui respecte ces différences.

Le débat est très actuel dans notre société aujourd’hui.

La filiation divine accordée dans le Christ Jésus est l’héritage des promesses faites jadis à Abraham et à sa descendance ; cette filiation divine est pour tous ! Par le baptême et notre insertion dans le Corps du Christ qu’est l’Église, nous entrons dès ici-bas dans un nouvel ordre de choses où la référence au Christ est la seule règle à retenir et la règle fondamentale ; « Il n’y a plus ni homme ni femme car tous, vous n’êtes qu’Un en Jésus Christ » dit Paul.

Dans le Christ nous ne sommes plus une seule chose mais plutôt, si l’on peut dire, une seule Personne. Cet ordre nouveau apporté par le Christ s’inscrit à l’intérieur d’une société, au temps de Paul comme aujourd’hui, qui a ses codes culturels ; cet ordre nouveau, apporté par le Christ, assume les cultures, il les transcende, il ne les supprime pas. Nos coutumes sociales, culturelles sont bonnes ici-bas, du moins, là où elles n’offensent pas le dessein créateur de Dieu, mais elles ne sont pas le dernier mot : « Dans le Christ, vous ne faites plus qu’Un ; Il est l’alpha et l’oméga de vos existences » : le principe et la fin.

Laissons la parole, si vous permettez, pour terminer au grand théologien orthodoxe du siècle dernier, Paul Evdokimov : « Tout être humain, dans l’état conjugal en situation de tension, peut dépasser le plan des fractures historiques, culturelles, qui ne sont que l’ombre des choses à venir » – comme dit st Paul dans la lettre aux Colossiens.

Oui, frères et sœurs, être homme est une bénédiction ; être femme est une bénédiction ; être Un dans le Christ est encore mieux. L’un et l’autre (être homme, être femme) sont voulus par Dieu dans le dessein de la Création.

« La différence des sexes n’est pas une déficience de la nature, elle a une signification positive et une signification pour l’éternité, car toute créature a son sens propre qui est sa manière particulière d’être image de l’Essence divine » dit Édith Stein, la carmélite Ste Thérèse Bénédicte de la Croix.

La vie en Christ nous fait gouter dès ici-bas cette unité. Qu’elle grandisse toujours au sein du peuple de Dieu et en chacun de nous.

Et que l’Esperance donnée par l’Esprit Saint nous accompagne tout au long de nos jours.

Amen.

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