Homélie du dimanche 3 Février 2019

4ème dimanche du temps ordinaire – Année C

Par le Frère Jean-Baptiste

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé

 

Frères et sœurs en deuxième lecture, nous venons d’entendre l’une des plus belles pages du Nouveau Testament, page que l’on appelle souvent « l’Hymne à la Charité ».

« Vous, qui cherchez à obtenir ce qu’il y a de meilleur parmi les Dons de Dieu, je vais vous montrer la voie qui les surpasse tous… »

Pour Ste Thérèse de l’Enfant Jésus, ce cantique fut pour elle une véritable illumination, car lorsqu’elle tomba sur ce passage du chapitre 13ème de la 1ère Lettre aux Corinthiens, il lui révéla le sens de sa vocation au Carmel :

« Je compris alors, écrit-elle, que l’Église qui est composée de beaucoup de membres… comme un corps en a besoin… que pour que ce Corps puisse vivre et aimer, il lui fallait aussi un Cœur… Enfin je l’ai trouvé ma vocation ! Je serai au sein de ma Mère, l’Église, l’Amour ! »

Cet Amour qui devait lui donner une âme si ardente pour les missionnaires de la fin du XIXème siècle. Mais c’est St Paul qui l’a écrit lui-même ce texte magnifique, il jaillit de son expérience.

Nous savons d’après les hellénistes qu’il existe trois mots grecs pour désigner le seul mot français « d’amour » :

« Éros », qui traduit le désir passionné de posséder un être pour en être heureux ; c’est un désir égocentrique qui évoque souvent l’amour physique.

Ensuite, il y a le mot « philia » que Jésus, lui-même, a employé à l’adresse de Pierre après sa résurrection ; il s’agit de l’amour d’amitié qui consiste plus dans le fait d’aimer que d’être aimé. C’est la sympathie naturelle, l’amour bienveillant, désintéressé et effectif.

Enfin, il y a le mot « agapè » qui désigne l’amour gratuit et libre qui résulte d’un choix, de l’estime que l’on porte pour quelqu’un ; amour comportant une affection spécifique ; terme particulièrement approprié disent les exégètes, pour désigner non seulement l’amour de Dieu envers les hommes mais aussi l’amour des chrétiens pour Dieu, et par extension, la charité que l’on doit exprimer à l’égard du prochain.

C’est en ce dernier sens que St Paul l’emploie ici et en bien d’autres passages, d’ailleurs dans ses lettres. Chez lui ce mot « agapè » est employé aussi bien pour parler de l’amour de Dieu que pour l’amour du prochain ; car finalement il est issu de l’Esprit, comme il le dit un peu plus loin dans cette même épitre aux Corinthiens. L’Esprit est répandu dans le cœur des chrétiens, il s’agit d’un amour théologal qui s’incarne dans la plupart de nos situations critiques.

L’hymne, on peut s’en apercevoir, se compose de trois parties qui suivent un développement croissant. D’abord sur la nécessité de l’amour, ensuite sur ses caractéristiques, enfin sur l’excellence de l’amour. Dans la première partie, c’est celle où l’expression littéralement paradoxale « s’il me manque l’amour » revient comme un refrain et qui va jusqu’à affirmer « sans l’amour je ne suis rien ».

On le voit aussi, comme cela se trouve dans d’autres lettres de St Paul, l’amour se trouve personnifié. Et ces traits de l’amour peuvent illustrer des attitudes du christ comme le rapporte, aujourd’hui, justement le texte évangélique de Nazareth : le comportement de Jésus face à ses compatriotes, face au manque d’accueil dans la synagogue.

« Il supporte tout, il n’entretient aucune rancune, il fait confiance en tout, il espère tout, il endure tout »…jusqu’à la passion : St Paul soulignant l’aspect de la patience de cet amour « d’agapé ».

Enfin en troisième lieu, avec l’excellence de l’amour qui vient de Dieu, St Paul explique l’aspect passager et l’imperfection par rapport aux autres charismes : en particulier, il s’arrête sur les limites de la connaissance de Dieu ici-bas avec son caractère limité, partiel et obscur qui le conduit à augmenter son espérance en la future perfection quand adviendra l’achèvement.

« Ce jour-là, je connaitrai vraiment Dieu comme il me connait ».

Il conclut sur la condition chrétienne présente ; qu’elle se trouve reliée, cette charité, aux deux autres vertus théologales que sont la foi et l’espérance. En soulignant avec conviction que c’est la charité qui est la plus grande des trois : à cause certainement de sa valeur évangélique de perfection communicative. Il est heureux de constater que cette révélation de l’amour divin rejoint notre expérience humaine, qui a compris que la réalité la plus importante de l’existence se réalise dans le mystère de l’amour, auquel tout se ramène finalement et demeure cependant très difficile à saisir. Preuve sans doute que notre création d’homme est bien à l’image religieuse de Dieu.

L’homme laissé à lui-même est toujours ambigu dans son amour, dans sa façon d’être aimé ; ce qui est certain, c’est que le Seigneur nous invite à ne rien refuser de l’amour qui nous habite, surtout lorsque nous sommes chrétiens, car nous avons l’assurance que le Saint Esprit est en nous et il travaille en nous, avec nous !

La vocation de Jérémie nous dévoile un aperçu de la progression de l’amour et nous expose comme les conditions. D’abord, avoir la conscience de cet appel de Dieu pour être en relation avec lui, reconnaitre cet amour de prédilection qui est personnel. Ensuite le Seigneur réclame de nous une obéissance confiante, vigoureuse, qui permet de juguler la peur, comme celle qui guettait le prophète Jérémie.

C’est en s’appuyant sur le Seigneur que l’amour pourra nous libérer des contraintes de ce bas monde. Ce qui entraine, il ne faut pas s’en étonner, une certaine incompréhension vis-à-vis des autres – même une solitude – mais qui est vite assumée par la prière du cœur ou bien par celle de l’Église, la prière liturgique.

Historique de nos Homélies

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