Frères et sœurs bien aimés,

Ce commandement de l’amour, de l’agape, est l’expression humaine de l’amour dont Dieu s’aime lui-même au sein de la Trinité ; il veut communiquer ce même amour à tous les hommes ; il veut que nous agissions ainsi, en lui, dans cet amour et par amour.

Avant d’être un commandement, ou des commandements, c’est-à-dire une demande expresse et non facultative, c’est une parole qui nous est adressée ; Dieu nous adresse sa Parole ; sa Parole c’est son Verbe, c’est son Fils, ce Logos éternel, la Parole même de Dieu qui vient nous rejoindre. Cette Parole est une parole de vie ; elle vient rejoindre chaque être humain pour lui apporter lumière et vie. Dans son prologue Saint-Jean écrit : « La vie était la lumière des hommes ».

Cette Parole de Dieu vient nous rejoindre dans la structure même de notre être, notre point le plus profond ; cette Parole de Dieu nous révèle ce que nous sommes ; que sommes-nous ? Le fruit de l’amour de la Trinité. Chaque être humain est le fruit de l’amour de Dieu. Et cette même Parole nous révèle la source, la cause, mais aussi la finalité même de notre vie, son terme ultime : le but. Durant le pèlerinage terrestre de chacun et de chacune, la Parole de Dieu qui devient chair en Marie de Nazareth, s’adresse à nous comme à des disciples ; mieux encore : des proches, des amis, des frères, des sœurs, les membres d’une même famille (on lisait ça hier dans la première lecture de la fête des apôtres Simon et Jude). Nous sommes de la famille de Dieu par le baptême, nous sommes des proches, des intimes, des familiers.

« Cette parole est lumière pour nos pas, lampe sur notre route » comme dit le psaume 118. Cette Parole nous guide de façon permanente et efficace, sans erreur possible. Cet amour nous rejoint dans la structure même de notre être humain, comme nous venons de le dire, cet être que nous sommes, créé à l’image et à la ressemblance de Dieu : ce Dieu qui est Amour, mais aussi dans l’économie du Salut ! Qu’est-ce que l’économie du salut ? C’est la manière dont le Seigneur se sert pour réaliser le Salut éternel des hommes, par et dans le sang de la Croix du Christ.

Ce Salut est accompli sur la Croix par Jésus, par amour mais sur la Croix ; et nous, nous avons à nous ouvrir à cet amour du Christ, cet amour crucifié et ressuscité, ce Jésus crucifié et ressuscité, par une réponse personnelle d’amour.

Enfin cet amour divin imprègne et transfigure notre être (nous sommes des êtres-relation) avec les autres, sans exception ; c’est l’expression de cet amour du prochain : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Ces deux paroles sont paroles de vie ; ces deux commandements sont paroles de vie et de lumière.

Mais le Seigneur les formule comme des commandements pour nous permettre de traverser l’épaisseur de l’obscurité de la vie humaine, aussi bien dans son intensité que dans sa durée.

De ces deux commandements – qui obligent – se déclinent les autres commandements, qui simplement sont l’amour de Dieu et du prochain, c’est une question de cohérence.

De cette révélation, de cette demande expresse du Seigneur, découle pour nous, frères et sœurs, deux attitudes concrètes, à savoir : fonder notre vie sur l’amour de Dieu et participer à l’œuvre de la miséricorde divine.

Nous sommes appelés à fonder notre vie sur l’amour de Dieu, quelle que soit notre vocation : célibataire, marié, séparé, veuf, consacré, prêtre, moine… Le psalmiste nous fait prier (nous venons de le prier) : « Je t’aime Seigneur ma force ».

Le Seigneur est notre roc. Qu’est-ce qu’un roc ? C’est un rocher qui dépasse et qui est solide ; une forteresse !

Une forteresse, c’est bâti sur un piton rocheux imprenable avec des gardes dans les sentiers de surveillance.

« Il est mon libérateur, mon bouclier » : (souvent on parle du bouclier nucléaire), les Romains avaient un bouclier – c’était la force des armées romaines – c’est un bouclier qui était à hauteur de l’autre, et qui empêchait les objets, les flèches, de taper sur le soldat.

« Mon fort mon arme de victoire » : notre arme à nous, ce ne sont pas les mitraillettes, ce n’est pas la bombe atomique, ce ne sont pas les mirages : les F-16 ou tout ce que vous voulez… notre arme, nous, c’est le Seigneur qui nous défend.

Est-ce que, dans notre quotidien, frères et sœurs, le Seigneur est vraiment notre force, notre roc, notre bouclier, notre arme de victoire ? Est-ce que vraiment nous nous appuyons sur Jésus, dans les difficultés de la vie ? Où est-ce que nous le disons et nous employons des moyens seulement humains – il faut envoyer les moyens humains ! – mais seulement humains : nous nous débrouillons par nous-mêmes.

Non ! Nous sommes appelés à nous appuyer sur la grâce de Dieu.

Oui, abandonné et confiant dans les mains de notre Père du ciel, alors nous pouvons et nous pourrons, affronter dans la paix du cœur tous les défis présents, et à venir, quelles que soient l’importance et la profondeur, l’ampleur, de ses défis, qui sont là, et qui vont venir.

Fonder notre vie sur le Christ qui est le rocher. Mais aussi, participer à l’œuvre de miséricorde du Créateur et du Sauveur envers tous les hommes, en tendant la main de différentes manières à tout être humain en difficulté. Ce que la Bible résume dans l’aide et le secours à « la veuve et l’orphelin et le respect de l’immigré », qui est une formule qui englobe toutes les difficultés des personnes pauvres ou en état de précarité.

Notre amour de Dieu, frères et sœurs, se vérifie à notre amour de charité envers le prochain, à notre charité fraternelle, à notre amour envers quiconque est dans la difficulté, et même le lointain, pas simplement le prochain : le lointain dont on se fait proche – trouver les moyens d’être proche même si géographiquement on est loin.

Répondre aux nécessités, aux besoins du prochain, dans l’expérience de la rencontre avec autrui, jour après jour, sans se lasser, sans se décourager, sans devenir blasé.

Cela peut s’exprimer dans des actions importantes et ponctuelles, comme dans l’humble répétition et la fidélité à une aide permanente, quotidienne, ordinaire.

Aider l’autre à se relever ; aider l’autre à vivre ; aider l’autre à prendre son autonomie, ou tout simplement à terminer sa course ici-bas, en étant avec.

Frères et sœurs, puisse l’Esprit-Saint nous donner à tous, et à chacun, à chacune d’entre nous, ce matin, la lumière, la force, la douceur et la délicatesse, pour agir avec amour dans un service efficace et concret, non pas éthéré et platonique, pour aider notre prochain ; un amour et un service désintéressés, gratuits, sans attendre de retour, pour soulager, alléger et partager : « être avec », la souffrance de nos frères et sœurs en humanité, dans l’attitude et la charité même du Christ Jésus notre Sauveur. Amen !

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