Frères et sœurs bien aimés,

En ce cinquième dimanche de Carême, l’Église comme une mère, nous conduit sur le chemin de la lumière et de la vie. Cet évangile de la Résurrection de Lazare nous introduit au Mystère de la Résurrection de Jésus.

Les lectures du premier dimanche de Carême nous ont conduits au désert avec Jésus ; celles du second dimanche de Carême (le récit de la Transfiguration), nous ont conduit à la lumière ; le troisième dimanche de Carême, avec l’eau vive donnée à la Samaritaine, nous avons été désaltéré ; et après nous avoir donné l’espérance de la vie avec la guérison de l’aveugle né au quatrième dimanche, en ce jour, nous nous ouvrons à la plénitude de la vie trinitaire par la résurrection de Lazare.

Lazare ressuscité anticipe la résurrection du Christ. Si nous ne vivons pas notre foi (croire en la résurrection de Jésus, croire que l’on ne mourra pas), et si nous ne vivons pas de notre foi, à quoi cela sert-il ?

Nous avons des étiquettes de chrétien, de catholique, de moine… mais si notre vie n’est pas animée par cette foi, vivifiée par cette foi, nous sommes des personnes creuses, des vases vides, des citernes vides et fêlées.

Nous sommes appelés à prendre conscience et à recevoir ce Don de la foi, ce Don de la vie ; et de vivre conformément à notre foi.

Jésus nous dit « Je suis la résurrection et la vie ».

Jésus nous donne d’être, d’être totalement, et vraiment, ce que nous sommes ; et ce que nous sommes appelés à être. Cela se réalise au creux même de notre faiblesse. Des fois dans les parcours psychologiques, intéressants, quand vous avez à faire à des « coaching » (qui sont très bien par ailleurs), on vous parle de la baguette magique : « si vous aviez une baguette magique, que feriez-vous ? »… La baguette magique n’existe pas, frères et sœurs …le problème est là. La baguette magique, c’est la Parole de Jésus qui vient nous chercher au creux de notre faiblesse.

Le Seigneur ne supprime pas les difficultés de la vie, la souffrance, la mort, les échecs ! Jésus vient nous ressaisir au creux de la souffrance, des échecs, des trahisons et de la mort. Voilà la réalité et la beauté de notre vie chrétienne ; ne fuyons pas la réalité ; nous sommes au cœur de la réalité et du malheur du monde mais ressaisis par la puissance du Christ ressuscité qui vient nous transfigurer.

Le Seigneur nous sauve et le Salut vient de lui seul ; nous n’apportons rien à Dieu. C’est Lui qui se donne à nous et nous apporte tout.

Cependant, Il veut, et il fait, dans sa propre liberté, son grand amour pour nous, nous faire participer à notre propre salut et au salut de l’humanité. Il nous y appelle, il veut que nous y participions.

Il veut, et il fait, que nous soyons co-responsables, co-constructeurs, proactifs de ce dessein de salut. « Si Dieu t’a créé sans toi, il ne peut te sauver – et ne veut – te sauver sans toi » ; Il demande notre consentement.

Hier, nous fêtions l’Annonciation : Marie a dit Oui ; elle a donné son Fiat ; elle a consenti ! Dieu nous appelle à nous ouvrir à sa Parole et à consentir à son amour. Il veut une Alliance ; Il ne veut pas une effraction.

Ces textes bibliques de la Messe d’aujourd’hui nous ouvre à la réalité foncière de notre existence humaine : Dieu nous aime ; il veut accomplir, c’est-à-dire, développer jusqu’à son terme le projet créateur de bonheur voulu par Lui pour l’homme. Dieu veut notre bonheur, il nous a créés pour le bonheur et il nous appelle à une plénitude de bonheur ; mais il y a un chemin à parcourir, un développement, un devenir. Nous sommes appelés à vivre auprès de Lui, corps et âme… voilà l’espérance chrétienne ! Notre vie ne s’arrête pas au cimetière. C’est temporaire. Tous les cimetières sont temporaires. Nous ressusciterons corps et âme, tous les êtres humains depuis la création du monde jusqu’au retour en gloire du Christ. Voilà notre espérance, celle que nous devons affirmer face à l’individualisme, face au scepticisme, face au nihilisme. Le Seigneur nous aime et il nous ressaisit entièrement.

Si vous le voulez, frères et sœurs, nous pourrions retenir trois caractéristiques de ces textes :

Tout d’abord, le Seigneur assume toute réalité douloureuse sur notre terre. Dieu n’est pas absent. Le silence de Dieu n’est pas l’absence de Dieu. Personne n’est oublié. Personne n’est laissé au bord du chemin – pendant que le Tgv passe… Dieu veut ouvrir nos tombeaux comme nous disait le prophète Ézéchiel dans la première Lecture ; il vient ouvrir nos tombeaux… à la fin, mais aussi il veut ouvrir nos tombeaux aujourd’hui, ce matin, toutes les formes de tombeaux, tout ce qui nous rend prisonnier. Dieu veut nous libérer ! Il assume toute réalité douloureuse. Il n’y a pas un être humain qui soit abandonné par Dieu.

Ensuite, le Seigneur nous saisit corps et âme dans notre personne toute entière ; il vient nous rejoindre en cette jonction terrible qui se nomme : la mort. Ce passage mystérieux que lui-même, Jésus, a vécu, qu’il assume avec nous et qu’il parcourt avec nous ; personne n’est seul au moment de la mort (ou on pourrait dire tout le monde est seul). Mais le Seigneur vient nous assister, nous accompagner. Il marche avec nous dans cette descente de la mort, traversée pour aller avec lui. On va de Jésus, par Jésus, à Jésus !

La clé de ce passage se nomme : la confiance ; faire confiance, c’est-à-dire, donner sa foi ; donner sa foi à la Personne du Seigneur qui ne nous laissera pas, surtout au moment de la mort ; même si c’est surprenant : un accident, une maladie foudroyante, les attentats, etc… mais aussi dans la vieillesse, c’est-à-dire, l’usure de la vie. Le Seigneur est avec nous, même si nous devons nous préparer à la mort, non pas pour avoir peur mais nous préparer. Quand une rencontre est importante, nous nous préparons à cette rencontre. A fortiori pour la mort.

Enfin, le Seigneur nous communique son Esprit Saint, son Esprit de vérité, son Esprit de vie. St Paul nous dit dans la deuxième Lecture de ce jour : « L’Esprit vous fait vivre »… Frères et sœurs, depuis ce matin, combien de fois avons-nous fait référence à l’Esprit Saint ?

Combien de fois depuis ce matin ou cette nuit, nous sommes-nous mis en docilité à l’Esprit Saint ? Nous sommes appelés à nous laisser conduire par l’Esprit Saint mais cela doit être du concret, pas de la théorie… pas : « Dieu nous aime… nous ressusciterons… Dieu est amour… »

Mais si cela n’a pas d’effet dans notre vie, à quoi cela sert-il ? Et qu’allons-nous dire à nos frères et sœurs en humanité ? Dire qu’il faut être gentil… honnête, poli… c’est d’une banalité accablante, parfois rare, mais accablante ! Le Seigneur nous appelle à donner sa propre vie ! Ne pas être simplement des chrétiens gentils ! Des moines gentils ! Il veut des chrétiens saints, des moines saints !

Durant cette fin de carême, nous sommes appelés à nous laisser conduire par cet Esprit Saint, en prenant toutes nos décisions en Lui, en prenant toutes nos orientations en Lui et par Lui, en nous laissant guider par cet Esprit, unis les uns aux autres.

Alors que cette célébration eucharistique en ce cinquième dimanche de Carême, nous fasse progresser dans cette prise de conscience que le Seigneur est vivant, qu’il nous communique son Esprit Saint – d’être docile à cet Esprit Saint, d’être en dialogue avec Lui, en correspondance – afin de vivre vraiment en chrétien et de vivre de la vie du Christ aujourd’hui. Non pas de manière théorique, ou velléitaire ou pour demain… aujourd’hui.

Et de construire dans la puissance de la grâce, avec nos frères et sœurs dans l’Église, le Royaume de Dieu qui est déjà présent et qui vient.

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