Frères et sœurs bien aimés, les textes de la Messe de ce dimanche attirent notre attention sur la nécessité de prendre soin de notre âme.

Durant l’épidémie de Covid19, et sa sortie, nombre de personnes disaient ou s’écrivaient par mail ou par courrier : « Prenez soin de vous ». Formule agréable, bienveillante mais qui n’engage que celui qui l’entend. Prendre soin de soi ! Oui, il est nécessaire de prendre soin de soi comme de toutes les créatures ici-bas : prendre soin des créatures.

Si notre culture contemporaine se préoccupe avec ardeur de la santé du corps, et à juste titre, notamment dans le milieu médical : que de découvertes, que de progrès, dans les sciences, la médecine, l’anesthésie, pour aider à soigner les personnes, à dépasser les handicaps, les maladies – de très belles choses – à remettre les gens debout.

Nous sommes appelés à prendre un soin, tout aussi égal sinon plus, pour l’âme, ce principe de vie. Car l’âme anime le corps humain ! Un corps sans âme, s’appelle un cadavre.

Il est plus important et même essentiel de prendre soin de son âme que de son corps – même si les deux sont nécessaires. Prendre soin de son âme est une exigence fondamentale qui donne sens à notre vie sur la terre, et prépare en nous notre destinée éternelle dans le Royaume de Dieu.

Frères et sœurs bien aimés, nous sommes de passage ici-bas. Il faut sans cesse se le redire. Nous avons tendance à capter les créatures comme si notre séjour ici-bas était éternel. Mais combien d’accidents, de maladies, nous rappellent avec douleur que nous sommes de passage, en pèlerinage. Pourquoi s’attacher à tant de choses alors qu’un jour nous allons tout laisser ? Vous savez la phrase de Job (du Livre de Job) qui a tout perdu, et qui dit : « Nu je suis sorti du sein de ma mère (comme tous les bébés du monde), nu j’y retournerai » (dans le sein de la terre). Quand on meurt, on n’emporte rien sauf ce que l’on a fait de bien.

Prendre soin de son âme est nécessaire à plusieurs niveaux. Il y a une approche psychologique qui peut aider, qui parfois est nécessaire pour mieux discerner, analyser, les conflits que l’on peut avoir, les difficultés ; c’est opportun, c’est un Don de Dieu, une grâce. Mais cela n’atteint pas la profondeur de l’âme. La psychologie, si utile qu’elle soit, ne peut atteindre en profondeur l’être humain que Dieu seul peut connaitre, là où lui seul peut agir, guérir et solliciter. Tout cela n’est pas opposé ou contradictoire, c’est complémentaire ; c’est une analyse, comme un scanner qui permet de mieux analyser les choses. Quand on voit une personne et que l’on voit son scanner, il n’y a pas de différences, c’est la même personne mais avec des approches différentes.

Prendre soin de soi, prendre soin de son âme, n’est pas réservé à une élite pseudo-spirituelle ou à une partie des membres de l’Église, du peuple de Dieu. Tous et chacun, toutes et chacune, sont concernés. Ce mot « prendre soin » renvoie au terme de « curé ». Qu’est-ce qu’un curé ? C’est un prêtre, c’est celui qui prend soin ! De quoi et de qui ? Qui prend soin des personnes qui sont sur son territoire, qui renvoie à un aspect territorial des choses ; le curé prend soin des âmes : la cura animarum : le soin des âmes. Tous les prêtres, nous avons le devoir de nous occuper des âmes mais le curé a plus particulièrement charge territoriale. D’où l’importance par exemple pour les mariages ou le baptême, de se référer au curé.

Cela a donné le mot aussi « aller faire une cure » : prendre soin ; si on a des rhumatismes, il y a des stations qui aident à améliorer la situation du malade.

Le soin de l’âme est quelque chose de profond et engage notre éternité. Nous avons en quelque sorte deux niveaux de vie (sans être schizophrène) : à savoir, la vie ordinaire, qui est notre prise de conscience des choses ordinaires, une conscience biologique : il fait froid, il fait chaud, les choses sont agréables ou désagréables ; puis une conscience plus psychologique où nous analysons les choses, les conflits intérieurs, les unités intérieures, ce qui m’ouvre des perspectives, ce qui les ferme…

et notre monde git au niveau de la psychologie.

Il y a un niveau plus profond : le niveau spirituel qui est le propre de l’être humain. Parfois on dit : « cet homme est spirituel ! »… tous les êtres humains sont spirituels ! Y compris les athées, les libres penseurs, puisque c’est le propre de la nature humaine d’être spirituel. Donc on dit une tautologie !

Nous sommes appelés à être spirituels, c’est-à-dire à être un être humain, un homme, une femme… normal… si on est spirituel, on est tout simplement normal !

Si on ne vit pas une vie spirituelle, c’est que l’on abime en quelque sorte une partie de notre humanité.

Mais alors où est la caractéristique chrétienne là-dedans ? Si tout le monde est spirituel…

C’est la vie de grâce qui nous est donnée par le Christ Jésus. La vie de grâce ou la vie surnaturelle qui nous est donnée par le Christ. Le Père nous communique par son Fils, dans l’Esprit Saint, sa propre vie. Voilà la caractéristique de la vie chrétienne, qui n’est pas d’être spirituel, mais de vivre de la Vie trinitaire qui est propre à la vie chrétienne. Ce sont des distinctions importantes pour éviter de vivre dans une douce confusion qui conduit dans des impasses cruelles.

Nous sommes appelés à prendre soin de notre âme ; et cela, comment ? Et bien, par analogie comme on le fait pour le corps – il y a des traitements pour le corps ; certains se font bronzer, ce qui est toujours dangereux et peut provoquer des maladies de la peau – mais nous sommes appelés à nous faire « bronzer » surnaturellement devant le Saint Sacrement (évidemment ce sont des images que j’emploie), de se laisser habiter par la Présence de Dieu ; et là, il n’y a aucun danger de maladie !

Nous sommes appelés à employer les moyens qui nous sont donnés par Dieu même, pour prendre soin de notre âme. Le soin fondamental, c’est que notre âme soit orientée vers sa finalité, c’est-à-dire vers Dieu ! Nous avons été créés pour Dieu, par Dieu, pour vivre avec Dieu ici-bas et dans l’éternité. C’est le but de la vie humaine personnelle et collective… on l’oublie ! On est pris dans le tourbillon des soucis ! Jésus nous dit, quand il sème la graine : il y a celle qui tombe sur les sentiers, celle qui tombe sur les rochers, puis celle qui est envahie par les ronces, les soucis du monde ; on est enrobé de soucis.

Nous sommes appelés à nous dégager pour prendre du recul afin de s’occuper de ce qui est essentiel, puis de ce qui est second ; de ce qui est important, et ensuite secondaire. Il y a beaucoup de choses secondaires que nous mettons au premier plan et qui nous troublent jour et nuit.

Nous sommes appelés à prendre ces moyens fondamentaux, pour vivre une vie de foi. Vivre dans la foi, qui est un Don de Dieu – la foi est un Don qui nous permet de vivre un acte théologal, c’est-à-dire qui touche directement Dieu – et à partir de là, de vivre en cohérence avec la foi : si je suis un grand pianiste et que je ne joue jamais du piano, c’est un peu gênant au final… si je me dis chrétien et que je ne prie pas, et que je n’ai pas une vie en conformité avec ma foi, c’est quand même légèrement incohérent…

Nous sommes appelés à une vie de foi. Cette vie de foi a comme deux rails (comme les Tgv) ; un rail qui nous met en communion avec Dieu (Dieu qui a toujours l’initiative et qui vient à nous), et notre réponse envers Lui, c’est la prière. Une vie de prière. Est-ce que j’ai prié personnellement ce matin, depuis que je suis levé ? Est-ce que j’ai eu un contact avec Dieu ? Ou est-ce que je vis en « ronron » : « je suis chrétien, je vais à la Messe…etc… »

Nous sommes appelés à avoir ce contact personnel avec Dieu, à être réveillés, à être vivifiés ;

appelés à vivre des sacrements (qui sont des Dons de Dieu). Le baptême a fait de nous le Temple du Saint Esprit (d’un certain côté, nous sommes un tabernacle ambulant !) : nous sommes habités par la Trinité…

Donc, d’être vivifié par le sacrement de l’Eucharistie…

On dit : « Mais je suis obligé d’aller la Messe ! »… mais je suis obligé de respirer ! Si j’arrête de respirer, je meurs !

La Messe, ce n’est pas parce que c’est une obligation, c’est parce que c’est un acte d’amour qui est nécessaire à la vie chrétienne. Il ne faut pas inverser les termes sinon on ne comprend plus rien.

Puis de se purifier de ses péchés ; après le baptême malheureusement, nous restons pécheurs, nous sommes sanctifiés, mais sans arrêt, il y a une ressaisie ; et le sacrement de pénitence et de réconciliation est là pour nous ressaisir, nous redonner la dynamique du baptême. Un peu comme les sportifs : ils font 100 m, il s’arrêtent, ils soufflent et repartent. Un match de football : il y a une mi-temps.

Nous sommes appelés à reprendre souffle de manière régulière. L’Église nous appelle à recevoir ce sacrement fréquemment, régulièrement – en fonction des possibilités – mais on choisit dans notre vie. Il faut choisir cet acte de se renouveler. Évidemment, le sacrement de pénitence est là pour nous purifier de nos péchés, pour éviter d’être des sépulcres blanchis ; Jésus parlant de certains chefs pharisiens disait : « Vous êtes des sépulcres blanchis »… c’est-à-dire un tombeau, avec les décorums… c’est beau…mais dessous ce sont des cadavres… espérons que nous ne soyons pas simplement gentils, mignons, en apparence mais que ce ne soit pas des ossements pourris à l’intérieur.

Nous sommes appelés à avoir une âme en communion avec Dieu. Si l’âme est immortelle, elle peut être morte au niveau de sa relation avec Dieu, d’où la nécessité de recevoir la miséricorde de Dieu, qui est infinie, inépuisable, quels que soient les péchés : on peut avoir commis tous les péchés (c’est à éviter), Dieu peut nous pardonner si nous sommes sincères.

Si nous voulons revenir à lui, rien n’est impossible à Dieu. Cependant encore faut-il revenir ! Dieu ne nous force jamais.

Et là, on prend soin de son âme, on retrouve l’amitié avec Dieu. On nettoie notre âme. C’est nécessaire ! On se lave tous les jours (c’est à souhaiter)… il faut aussi savoir laver son âme pour recevoir Jésus, et avoir cette communion avec lui ; d’avoir cette délicatesse d’âme : vous savez, il y a les gens un peu « gros sabots », bruts de décoffrage, puis il y a des personnes plus délicates. Bien, envers Dieu, il y a cette attitude de délicatesse, de répondre aux appels de Dieu.

L’autre rail de notre Tgv, c’est le service du prochain ; ce sont les deux premiers commandements : « Tu aimeras, tu adoreras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme, de toute ta force, de toute ton intelligence et tu aimeras ton prochain comme toi-même ».

Et Jésus va encore plus loin – il n’enlève pas cela – mais il dit : « Je vous donne un commandement nouveau ». Jésus nous a donné 1 commandement ! Ce n’est pas beaucoup, on ne peut pas se tromper, on ne peut pas l’oublier ! C’est : « Comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ».

La référence n’est plus mon amour envers le prochain, parce que si je ne m’aime pas moi-même, mon prochain va en profiter à plein tarif ! Mais si la référence n’est plus soi-même mais le Christ-Jésus qui a donné sa vie et qui est mort sur la croix – et la Messe renouvelle le sacrifice du Christ – eh bien, ce n’est jamais fini. La miséricorde pour soi-même et pour les autres, est toujours ouverte.

Et l’attention aux autres : l’attention au niveau spirituel d’aider les autres à rencontrer Dieu, avoir cette délicatesse, avoir le courage de témoigner avec respect, avec tendresse ; mais aussi les œuvres de miséricorde corporelles : d’aider les autres, toutes catégories (malheureusement le monde est rempli de misère).

Nous sommes appelés à être attentifs envers nos proches, les moyens puis les lointains, afin de porter secours, d’aider avec ce regard fraternel, de prendre les hommes et les femmes qui nous entourent comme des frères et sœurs, et pas comme des adversaires, des ennemis, des envahisseurs, des enquiquineurs… non ! De les regarder comme Dieu les regarde : les enfants de Dieu.

Même s’ils combattent l’Église, d’avoir cette prière pour eux, cette tendresse ; Jésus nous dit : « Priez pour vos ennemis, pardonnez à ceux qui vous persécutent ». Il ne nous a pas dit : « rendez le mal pour le mal » !

Nous sommes appelés à avoir ce changement, et ainsi, nous prenons soin de notre âme.

Prendre soin de son corps, prendre soin de son âme et avoir une vie unifiée, un chemin d’unification pour rendre gloire à Dieu et s’occuper de bonheur du prochain.

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