« Tout ce qu’il vous dira, faites-le », dit Marie à ceux qui servaient.
Frères et sœurs bien aimés, la Vierge Marie nous donne l’attitude juste et libre envers notre Seigneur Jésus. C’est elle, Marie, qui était invitée et présente à ces Noces de Cana, village proche de Nazareth ; Jésus et ses disciples sont arrivés après, mais selon les experts du grec ancien « ils ont été acceptés en cours de route ». Ils participent à la joie des nouveaux mariés avec leurs familles et leurs amis comme pour toute noce. Or, un incident dû à un manque de prévoyance se produit durant ces noces. On manque de vin ! Le vin, un signe de fête et de joie surtout dans la première Alliance, et le milieu méditerranéen, mais aussi le vin signe du festin messianique de la venue du Sauveur, et signe eschatologique, c’est-à-dire de la fin des temps (« eschatologie » voulant dire : parler de la fin des temps).
Les noces au temps de Jésus, en ce premier siècle de notre ère, pouvaient durer une semaine, voire plus, comme en témoigne le livre de Tobie, où Tobie dit à son gendre de rester deux semaines pour fêter le mariage avec sa fille. D’où la nécessité de prévoir, nourriture et des boissons en abondance pour accueillir tous les invités durant la période de fête. Marie est présente, silencieuse et paisible, croyante et confiante, attentive à tout et à tous, captant une information délicate qui s’échappe… « on manque de vin ».
Jésus vient de commencer son ministère public. Il a quitté Nazareth. Joseph est mort. Marie reste à Nazareth, ou suit son Fils de temps en temps pour le revoir et participer à sa mission par sa prière et sa foi, son espérance et sa charité. Jésus est parti à Capharnaüm, ville située au bord du lac de Tibériade ; Il a reçu le baptême dans le Jourdain par son cousin Jean le Baptiste, avant que ce dernier soit arrêté et plus tard décapité par Hérode. Jésus est parti quarante jours au désert pour être tenté par Satan, le Diable, se préparer à cette lutte (d’annoncer le Royaume de Dieu qui est contrecarré par le Diable, le diviseur).
Jésus commence à prêcher dans cette région de Capharnaüm et appelle à la conversion « car le royaume de Dieu est proche » ; c’est pour cela qu’il est venu du Père. Jésus vient d’appeler ses premiers disciples et fait communauté avec eux, avec ce groupe « les douze » qui représente les douze tribus d’Israël. Marie, sa mère, connaît mieux que personne la situation de l’ouverture messianique du ministère de son Fils et Seigneur.
À partir d’un fait regrettable, d’un manque, d’une erreur, d’un oubli, Marie intercède auprès de son Fils. Elle sait, elle croit, que lui et lui seul peut trouver une issue heureuse à cet incident qui pourrait entacher le déroulement de ce mariage. Marie s’intéresse aux personnes, et non au vin. Elle dit « ils n’ont pas de vin », et non « il n’y a pas de vin ». La réponse immédiate de Jésus peut nous surprendre ; peut surprendre un esprit qui ne connaît pas suffisamment le vocabulaire religieux juif : « Femme, que me veux-tu ? Mon heure n’est pas encore venue ». Ce terme, « femme », renferme une richesse de signification qui prend racine dans le livre de la Genèse, avec Eve et sa descendance, la descendance de la Femme qui écrasera dans l’histoire la tête de l’antique serpent.
Ce terme (femme) aussi est une référence à la personnification du peuple d’Israël, avec la Fille de Sion qui attend avec amour et impatience la venue du Messie sauveur de son peuple, accomplissant les promesses divines faites au fil du temps. Femme : terme qui sera employé dans l’Apocalypse pour désigner à la fois la Vierge Marie, le peuple d’Israël et l’Église.
La femme, vainqueur du Dragon dans ce combat eschatologique à la fin des temps, et qui met au monde celui qui gouvernera les nations. Femme, celle qui reçoit et qui donne la vie ! Marie sait que son Fils écoute sa demande, comme toujours. Elle avance avec confiance dans l’incertitude de la situation concrète. Elle croit, elle aime, elle agit. Sans la moindre hésitation, elle se confie à son Fils et à son action, quelles que soient les circonstances et les défis. Elle ne sait pas ce que Jésus fera pour résoudre cette demande, mais elle sait avec une foi inébranlable qu’il agira pour le bien de tous.
C’est pourquoi elle dit à ceux qui servaient : « Tout ce qu’il vous dira. Faites-le ! »… Tout ! Cette phrase de Marie, ces quelques mots de la Vierge, si rares dans l’Évangile, pourraient être comme une devise de vie pour chacun et chacune d’entre nous.
« Faites tout ce que le Seigneur vous demande ! ».
Ces mots révèlent la vie profonde de Marie et sa mission de Mère de l’Église, de Mère de l’humanité. Marie met toute sa foi en son Fils Jésus qu’elle a accueilli comme Don du Père dans et par l’Esprit Saint. Marie prie son Fils avec la certitude d’être exaucée. Marie conduit les serviteurs et tous les autres, chacun d’entre nous, à faire confiance à Jésus et à mettre en pratique ce qu’il demande.
Attirés par les paroles de Marie, ceux qui servaient, s’engagent résolument, à mettre en œuvre, à suivre ce que Jésus leur demande. Ils remplissent d’eau ces jarres, près de 600 litres, jusque-là rien de trop exceptionnel, mais le saut, le pont aux ânes qui est demandé, le saut dans la foi est de servir cette eau qu’ils viennent de puiser et d’en porter au maître du repas, le responsable du déroulement de la noce. Avec Marie, et par elle, ceux qui servent, avancent courageusement sur le même chemin de confiance et d’abandon, contre toutes les apparences avec les conséquences raisonnables d’un tel comportement humain. Si le Seigneur donne des signes et fait des miracles, il les accomplit aussi par l’intermédiaire de sa Mère, et par ses disciples.
Frères et soeurs, le Seigneur nous demande toujours notre collaboration. Il ne fera rien sans nous. Une collaboration si minime soit-elle ! Il nous interroge ce matin, chacun et chacune d’entre nous : « Veux-tu ? », « Si tu veux », « si tu veux vivre ou agir ainsi »… foi, confiance, action, bref : une conversion.
En ce début, dans du temps ordinaire (qui n’a rien de banal), ce temps ordinaire de la vie liturgique, avançons à la suite du Christ Jésus, par une vie (avec un triptyque) : une vie de prière confiante (prions chaque jour !) ; de certitude de l’action de Jésus dans nos vies et dans le monde (est-ce que nous sommes si surs que Jésus agit dans nos vies et dans le monde ?) ; et de participation à son Œuvre, et ce, tel qu’Il le demande.
O Marie, toi qui es Mère de Dieu et notre Mère dans l’ordre de la grâce, dans l’ordre de la vie surnaturelle de la vie des âmes, aide-nous, comme toi, avec toi et par toi, à mettre en œuvre ce que ton Fils Jésus nous demande.
« Tout ce qu’il vous dira, faites-le ! »
Amen.
Frère Jean-Marie, Père Prieur de Sénanque