Frères et sœurs bien aimés,

De manière officielle, le temps liturgique de la Nativité se termine à la fête du Baptême du Christ ; aujourd’hui nous arrivons à l’épilogue qui conclut ce temps, c’est pour ça que, à partir de demain, on enlèvera les crèches des églises ou des maisons, puisque ce temps de la Nativité est terminé.

Cette fête de la Présentation de Jésus au Temple s’appelle aussi chez nos frères orientaux, « la fête de la rencontre ». Jésus qui vient à la rencontre de son peuple Israël, comme on l’entendait dans la première lecture de Malachie : « Le Seigneur viendra dans son Temple », et de fait Jésus, Verbe fait chair, vient dans son Temple. C’est appelé aussi « la chandeleur », puisque nous portons des lumières dans nos mains, signe de la lumière, signe que nous sommes habités par Celui qui est la lumière, Jésus.

Nous sommes aujourd’hui au Temple de Jérusalem, la Sainte famille arrive : Jésus, Marie, Joseph, et nous sommes entourés de Syméon et Anne et de tous les justes, des hommes et des juifs pieux qui sont là et qui prient.

Nous sommes à Jérusalem qui est le centre de la ville Israël, la ville sainte, la ville choisie par le Seigneur, qui a été donnée par David, c’est David qui a pris la ville d’assaut, qui en a fait sa résidence. Et au milieu de Jérusalem, il y a le Mont Sion qui est le cœur de Jérusalem. Et dans ce cœur, il y a le Temple, le Cœur du cœur, le Temple où a lieu le culte pour tout Israël, le seul lieu où le culte était célébré. C’est là où il y a la Présence de Dieu, la Présence du Dieu d’Israël qui demeure. Et Jésus, l’Envoyé de Dieu, le Fils de Dieu, lui, le Temple nouveau, arrive dans ce Temple. Il est présenté à son Père des cieux, dans le Temple par ses parents, la Vierge Marie et Saint Joseph, son père adoptif et son père réel par qui il a la filiation davidique.

Tout est respecté, tout est accompli. Jésus accomplit toute chose. Il respecte le rituel de la vie liturgique juive de son temps, puisqu’il est juif et il assume les promesses d’Israël, il accomplit toutes ces promesses dans sa chair. Jésus n’est pas racheté par les colombes, ou des oiseaux, ou des animaux. C’est lui qui rachète, non seulement les animaux, mais tous les hommes, comme dit le psalmiste au psaume 35 : « Tu sauves les hommes et les bêtes ». Jésus, le Christ, le Fils de Dieu, est l’offrande parfaite ; et cette offrande s’achèvera sur l’autel de la Croix, trente-trois ans plus tard. Il y a comme un accomplissement, une montée – et une montée géographique, puisque le Golgotha est sur le sommet, Jérusalem étant au plus haut à 900 mètres d’altitude : on monte à Jérusalem ; c’est pour ça que les juifs et même les croyants d’aujourd’hui, en montant à Jérusalem, chantent le psaume 121 : « Quelle joie quand on m’a dit, nous irons à JérusalemNotre marche prend fin devant tes portes, Jérusalem ». Jésus n’a pas besoin d’être racheté, c’est lui qui rachète, c’est lui qui prend tous les péchés dans sa propre chair pour nous en délivrer. Mais il respecte ce mouvement, comme il le fera plus tard (ce qu’on va célébrer) dans son Baptême : Il n’est pas purifié, mais c’est lui qui sanctifie les eaux du Jourdain.

Syméon et Anne, ces deux personnages mystérieux et lumineux, accueillent l’enfant Jésus au nom de tout Israël, au nom de tout le peuple, surtout de ceux et celles qui attendent la consolation d’Israël. Qu’est-ce que ça veut dire « attendre la consolation d’Israël » ? C’est l’intervention de Dieu pour le Salut de tous et l’accomplissement des promesses faites aux Patriarches, à savoir Abraham, Isaac et Jacob. Oui, ils attendent. C’est le peuple des petits, même si parmi eux il y a Joseph d’Arimathie ou Nicodème, qui sont des « grands » dans le peuple d’Israël, appartenant au Conseil suprême, le Sanhédrin. Mais nous sommes là pour regarder et contempler cet accomplissement qui a lieu dans le cœur de cet homme et de cette femme, qui résume ici, une synthèse de tous ceux et celles qui attendaient l’intervention de Dieu pour Israël. Il y a trois caractéristiques qui décrivent l’attitude religieuse d’Anne et de Syméon, en lesquelles se manifeste l’attitude religieuse de tout fidèle, à savoir l’attente, la prière et le jeûne.

L’attente ou la patience – la patience voulant dire « pâtir ». Et qu’on pourrait résumer de manière plus dynamique par la vertu d’espérance. Et en cette année jubilaire 2025 décrétée par le Pape, c’est l’année de l’Espérance ! Espérer. Espérer est là plus que l’attente ; c’est une certitude de l’accomplissement de l’Amour, de la Parole de Dieu, nous sommes en marche vers cet accomplissement, vers le Royaume. Nous entraînons l’humanité, à notre mesure, pour la conduire vers la porte du Royaume des cieux.

Puis la prière, la prière est fondamentale. Qu’est-ce que la prière ? Ça n’est pas « prendre un air de compassé », c’est de s’adresser à Dieu au fond de son être. La prière est une relation ! Dieu qui vient à moi et je vais à Lui. C’est ça la prière ! Elle peut être liturgique, sacramentelle, elle peut être au fond du cœur.

Et le jeûne, le jeûne évidemment alimentaire ou de poisson, mais qui ne se résume pas par ça. On peut jeûner de beaucoup de choses : de regards, des mots de propos, et de bien d’autres choses qui sont des fois bien plus efficaces que le jeûne alimentaire qui risque de « caresser notre vanité ».

Jésus apporte la lumière. Plus encore, il est la lumière. Cette lumière qui éclaire toutes les nations, c’est-à-dire l’univers entier. Chez nos frères juifs, « les nations » voulait dire, les non-juifs, les « goïm » (Il y a une anecdote d’un exégète, un jésuite assez célèbre : il se trouvait dans une rue de New York où il cherchait une adresse. Il ne la trouvait pas. À l’époque, il n’y avait pas de GPS. Et il demande à quelqu’un dans la rue cette adresse. Et la personne – qui était juive – lui dit : « il n’y a pas de goïm ici » : il n’y a pas de gens des nations ici).

Jésus se définit lui-même comme « lumière du monde ». « Je suis la lumière du monde. Qui marche à ma suite ne marchera pas dans les ténèbres, mais il aura la lumière de la vie » dit Jésus en Jean 8. Ailleurs, Jésus dira : « Vous êtes la lumière du monde », s’adressant à ses disciples.

Frères et sœurs, c’est en recevant, et surtout en demeurant dans le Christ Jésus, que nous serons à la fois illuminés, mais aussi nous deviendrons lumière par Lui et en Lui : « Hors de moi, vous ne pouvez rien faire ». Et nous pourrons ainsi nous laisser guider comme Syméon par son Esprit Saint, car Jésus nous guide et nous guidera, et il nous conduit par son Esprit Saint. Avançons donc dans l’humble quotidien de nos journées, de nos nuits, pour vivre en Christ, vivre en Lui.

Par la réception de l’Eucharistie, que nous célébrons maintenant, nous pourrons demeurer en Jésus et Lui en nous. Ce que Jésus dit lui-même en Jean, 6 : « Celui qui qui mange mon corps et mon sang, demeure en moi, et moi je demeure en lui ». Nous avons la clé pour demeurer en lui.

Saint Nicolas Cabasilas, écrivain d’il y a quelques siècles, d’Orient, dans son livre « La vie en Christ », décrit à fort propos ce processus surnaturel qui permet aux chrétiens, et aux laïcs, de vivre en Christ par la réception de l’Eucharistie.

Frères et Sœurs, que la Présence du Christ aujourd’hui, Lumière du monde, habite nos âmes et les éclaire ; que par son rayonnement en nous, nos frères et sœurs en humanité puissent être illuminés et conduits vers le Père des Cieux.

Frère Jean-Marie, Père Prieur de Sénanque