Frères et sœurs bien aimés, Jésus nous adresse aujourd’hui une parole de réconfort et d’espérance. Quel réconfort, quelle certitude, quelle espérance de savoir que tout ce qui existe dans le monde est bon. L’attitude d’un chrétien, d’un baptisé, est une attitude optimiste, non pas naïve, mais optimiste car tout vient de Dieu et tout retourne à la Trinité. Et durant ce long pèlerinage, ce long voyage, personnel et qui concerne toute l’humanité, nous sommes accompagnés par la providence divine, nous sommes accompagnés par la grâce que nous donne le Christ Jésus ; nous sommes accompagnés par la puissance et l’action de l’Esprit Saint dans notre âme, dans le monde, dans l’Église.

Quel réconfort de savoir que cette graine du Royaume de Dieu qui est semée dans le jardin de l’humanité, ce peu de levain dans la pâte humaine, et bien quoi qu’il arrive, grandit et féconde, accomplit ce que Dieu veut. Le prophète Isaïe dit : « la Parole du Seigneur ne nous reviendra pas sans effet ». Elle tombe et elle porte du fruit pour celui qui cultive et pour tous les hommes. Nous avons la certitude que la construction du Royaume a lieu et que rien ni personne, ni aucune idéologie ne peut la ralentir ou l’arrêter.

Cette croissance se fait de façon mystérieuse, non pas constatable de manière linéaire. On parle surtout en matière de sanitaire, de lisibilité, de traçabilité. C’est pas inintéressant… le Royaume de Dieu ne peut pas être tracé en quelque sorte ; il y a une croissance véritable, un fil conducteur mais qui passe à travers une multitude d’évènements, de relations complexes, et parfois apparemment contradictoire (qui parfois le sont) que Dieu seul peut mettre une cohérence à travers tous ces fils. N’empêche : « La Parole de Dieu est efficace », l’épitre aux Hébreux nous dit c’est une épée à double tranchants – vous savez qu’un sabre n’a qu’un tranchant – une épée à double tranchant est plus efficace, surtout pour celui qui la reçoit…

Nous sommes appelés à vivre avec la certitude paisible que la parole de Dieu est efficace, qu’elle grandit dans le monde quoiqu’il arrive. Nous avons certains virus spirituels qui risquent de nous attarder sur les aspects négatifs du monde – aspects négatifs qui sont réels – mais nous sommes appelés à regarder l’histoire humaine, notre histoire aujourd’hui, la situation de l’humanité, notre histoire personnelle, familiale, professionnelle, communautaire, ecclésiale, avec le regard de la foi. de savoir que tout vient du Seigneur, qu’il est le Créateur, que tout ce qui est, est bon en soi, au niveau de l’être, est appelé à une plénitude, à un développement plénier dans le royaume de Dieu. c’est une certitude et c’est ce dont nous sommes appelés à témoigner, à vivre, à transmettre et à dire à nos frères et sœurs en humanité. ta vie a un sens, ta vie a une valeur ; la vie du monde a un sens, elle a une beauté et elle aura une fécondité. Évidemment nous sommes confrontés au mystère du Mal, de l’ivraie, et ça commence en soi-même… l’ivraie n’est pas simplement chez les autres ; l’ivraie est dans notre propre cœur. Nous sommes créés à l’image de Dieu. rien ne peut réduire cette image ! c’est pour l’éternité. cependant la ressemblance peut être abimée et de fait elle est abimée par le péché originel, par le péché personnel, les conséquences du péché originel qui demeurent après le baptême. nous sommes appelés à un combat, ce que Jésus décrit – on pourrait dire, c’est la cartographie de notre combat que Jésus nous donne dans la deuxième partie de cet évangile – il situe les protagonistes, et nous savons très bien ce que nous devons faire ; quand on dit « on ne sait pas, on ne voit pas clair »… on ne sait pas parce qu’on ne veut pas savoir ! et nous savons pertinemment dans la foi chrétienne, d’où nous venons, où nous allons et ce qu’il faut faire.

Nous sommes appelés à accepter cette réalité où l’on voudrait être parfait et l’on constate avec douleur que nous ne le sommes pas. nous sommes en chemin. Nous sommes appelés sans arrêt à accepter cette contradiction, les paradoxes qui habitent notre vie, le grand écart que nous pouvons vivre, à commencer en soi-même et dans nos relations avec autrui. Quand il s’agit de soi-même, Jésus nous demande d’enlever l’ivraie ! c’est pas contradictoire. Nous ne pouvons pas enlever l’ivraie du monde. le Seigneur nous dit « ne la faites pas ». comme nous le rappelait Pierre Chrysologue (Père de l’église du Ve siècle) ce matin aux Vigiles, nous sommes appelés à espérer que ce qui est l’ivraie d’aujourd’hui deviendra le bon blé de demain. Et espérons que ce qui est le blé d’aujourd’hui ne devienne pas la pourriture pour demain.

Nous sommes appelés – comme Jésus nous dit – à couper la main qui nous conduit au péché. ; à arracher l’œil qui nous conduit au mal ; à couper le pied qui nous entraine au mal. Il y a un aspect de force que nous sommes appelés à mettre en œuvre dans notre vie, pas dans la vie des autres ! Jésus nous dit « qu’as-tu à regarder la paille qui est dans l’œil de ton frère… et la poutre à toi, tu ne la vois pas dans ton œil ! »… elle prend tout le visage mais tu ne le vois pas !

Nous sommes appelés à enlever, et à nous faire aider, pour enlever la poutre qui est dans notre œil, et à trancher dans notre vie ce qui ne va pas. les jardiniers entretiennent les jardins de manière continuelle ; si par malheur ils laissent pendant plusieurs mois ou plusieurs années, un terrain en friche, il faut venir avec de grands instruments pour remettre le terrain en ordre… c’est la même chose dans notre âme. si nous laissons notre âme en friche pendant des semaines, des mois, voire des années si ce n’est pas des décennies. Nous sommes appelés à vraiment retravailler le terrain ; il faut le bulldozer de la grâce pour enlever et déraciner les racines du mal ; ensuite passer la charrue qui va re-préparer la terre ; puis les rotovators qui vont rendre meuble la terre et enfin planter et arroser. Un défaut pris au départ, une petite herbe qui pousse, on l’enlève – comme une herbe au milieu des rosiers – facile, on ne fait pas attention. Si on laisse cette herbe grandir, elle deviendra beaucoup plus importante, voire un petit arbuste, où il faudra la tronçonneuse pour couper, au sécateur. Et bien dans notre âme, c’est la même chose, si nous n’enlevons pas les choses qui nous conduisent au mal, même les petites choses : il n’y a rien de plus dangereux que les écarts homéopathiques…peu à peu on s’éloigne du chemin de la vérité, de la grâce du Seigneur, et on se retrouve au fond du caniveau.

Nous sommes appelés à faire la vérité dans notre vie et aujourd’hui, à faire un petit audit personnel pour enlever toutes les mauvaises herbes de notre vie, ou les grands arbres. Mais quand il s’agit d’autrui, nous sommes appelés à être très humains ; non pas une complicité avec le mal, avec le péché… non pas une complaisance malsaine… absolument pas ! mais dans un certain côté, on n’est jamais trop humain ; d’accepter les autres comme ils sont et de les conduire à Jésus. mais nous n’avons pas à juger autrui ; nous ne savons pas ce qui se passe dans le cerveau d’autrui. Dieu seul le sait ! et ce qui nous parait, des fois, scandaleux – et qui l’est – est des fois beaucoup moins scandaleux de manière subjective en celui qui l’accomplit. Nous sommes appelés à vivre avec patience, c’est-à-dire « pâtir » la situation dans laquelle nous sommes ; et à nous mettre en œuvre à faire la vérité sur soi-même, à nous convertir, à nous laisser mouvoir par la grâce et à vivre crucifié avec la Christ ; comme dit st Paul aux Galates : « ma vie présente, je la vis avec le Christ » : « Ce n’est plus moi qui vit, c’est le Christ qui vit en moi » voilà notre vie chrétienne :  de vivre avec Jésus qui est vivant. Pour être vraiment humain, pleinement humain, il faut vivre avec Jésus. seul Jésus est l’humain véritable, l’humanité mise en œuvre. Et nous sommes appelés à nous conformer toujours plus au Seigneur Jésus ; dans la mesure où nous serons unis à lui, le Royaume que nous avons reçu au baptême, à la confirmation, va se développer, va prendre toute sa taille adulte. Et nous pourrons porter du fruit et conduire nos frères et sœurs en humanité sur le chemin du Salut éternel.

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