Homélie du dimanche 23 août 2020 – 23ème Dimanche du Temps Ordinaire – Année A
Par le Frère Jean-Marie
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
« Seigneur, éternel est ton amour ; n’arrête pas l’œuvre de tes mains »
Frères et sœurs bien aimés, ces paroles du psalmiste nous mettent au cœur du mystère célébré dans les textes liturgiques de ce dimanche, à savoir le Mystère de l’Église.
Quelle joie, quel réconfort, quelle beauté, quelle admiration, quelle action de grâce, devons-nous avoir envers le Seigneur, pour l’Église, l’institution de l’Église dont Jésus est le fondateur.
L’Église qui n’est autre que l’humanité nouvelle. Il n’y a pas de différence entre l’Église et l’humanité, c’est le même Fondateur, le même Créateur, le même Auteur, la même Source.
Et l’humanité a pour fin, en quelque sorte, l’Église, qui n’est pas une association, un club, un rassemblement de gens qui ont les mêmes idées, les mêmes sentiments, qui se comprennent, qui défendent certaines idées ou valeurs… non !
L’Église est l’humanité, cette humanité voulue par Dieu, ressaisie par Dieu après le péché, et recréée dans la grâce trinitaire. L’Église est ressaisie par notre Père du Ciel, par ses deux mains – pour reprendre l’image et la métaphore d’Irénée de Lyon – les deux mains de Dieu, du Père : son Fils et l’Esprit Saint. L’Église est donc l’humanité ordinaire, ressaisie par la puissance divine, ressaisie par le Fils dans la puissance de l’Esprit Saint. Et les membres de l’Église sont des êtres humains comme les autres, qui sont appelés à vivre de la vie trinitaire.
Quelle est la nature même de l’Église ? Sa nature, c’est la vie même de Dieu.
Voilà le Mystère de l’Église !
Et cette vie trinitaire est forcément missionnaire, c’est-à-dire, elle est décentrée, elle sort de soi-même pour annoncer cette Bonne Nouvelle : l’Évangile, et pour communiquer la vie divine.
L’Église n’est pas là pour faire passer des idées, avoir des influences de pouvoir, dominer le monde… pas du tout !
L’Église est là pour faire entrer l’humanité dans le mystère pascal de Jésus – sa passion, sa mort et sa résurrection – pour faire des hommes et des femmes des êtres nouveaux… transformés, transfigurés dans la grâce trinitaire.
Voilà ce qu’est l’Église ! Et les membres de l’Église, nous, vivons de cette grâce trinitaire depuis notre baptême… mais notre baptême est la source, le germe qu’on a déposé dans notre âme. Que faisons-nous de cette croissance… que faisons-nous de cette croissance ?
Cette croissance demande une vigilance, un travail, un combat, un développement, un investissement. Nous sommes invités, aujourd’hui, à rendre grâce au Seigneur pour l’Église et admirer la beauté du Mystère de l’Église.
L’Église, c’est l’humanité telle que Dieu la veut, plus exactement : en chemin dans la plénitude du Royaume. La plénitude est pour plus tard ; mais déjà dans l’Église, la Présence du Royaume qui se développe. Nous sommes en pèlerinage. C’est déjà l’anticipation, non pas la plénitude, l’anticipation dans la foi, l’espérance et la charité.
Alors, il y a des pécheurs dans l’Église !
Évidemment, si on s’occupe de l’humanité, on trouvera des pécheurs ! Et Jésus est mort pour les pécheurs ! Jésus n’est pas venu chercher les gens chics. Les gens chics, ça n’existe pas. Les gens chics, ce sont les pécheurs pardonnés !
Il n’y a que la Vierge Marie qui est Immaculée Conception. Nous, nous ne le sommes pas !
Et donc, nous sommes blessés par le péché originel, et les conséquences du péché originel, qui nous entrainent vers le Mal. C’est curieux.
Nous avons une attraction spontanée vers les choses tordues, toutes catégories. Nous sommes constitués comme ça. Ce n’est pas le péché mais il y a un combat avec la grâce divine, que nous avons reçue au baptême pour saisir cela et demeurer maitre de soi-même pour vivre selon l’Esprit Saint, et pas selon les inclinations mauvaises, les tendances mauvaises. D’où l’importance de combattre dans notre vie, de vivre de cette vie de l’Église.
Alors, l’Église est là pour nous ressaisir. On pourrait dire que l’Église est l’utérus du monde global : comme une maman qui porte un bébé, et bien, l’Église est là pour enfanter au monde nouveau. Et les limites de l’Église ne sont pas forcément les limites visibles de l’Église. Comme disait St Augustin, déjà (il est mort en 430), il disait :
« Il y a des gens dans l’Église qui n’appartiennent pas à l’Église ! Il y a des gens hors de l’Église visible qui appartiennent à l’Église »… Il ne s’agit pas d’être dupe !
Il ne s’agit pas d’avoir une carte du parti ou du club, ou avoir passé un examen : on est agrégé, on a réussi le concours, voilà ! Et on est stable pour toujours… pas du tout !
Jusqu’à la fin, on est appelés à être fidèles à la grâce que nous avons reçue et à ne pas devenir des lâches !
Et pourtant, Jésus s’appuie sur la foi de Pierre. Et qui est Pierre ? Pierre, c’est un homme.
Un homme disciple de Jean-Baptiste et qui rencontre Jésus, grâce à son frère André. Et sans qu’il ait ouvert la bouche, Jésus lui dit : « Tu t’appelles Simon fils de Jean (fils de son père), tu t’appelleras Kèphas », ce qui veut dire pierre, rocher, le roc… pas un petit caillou !…le roc ! La pierre de granit sur laquelle on construit.
Pierre, c’est un pêcheur, un artisan pêcheur du Lac de Tibériade ; peut-être à l’aise, mais un homme avec les mains calleuses, l’accent de la région, le teint bronzé… voilà… un homme normal !
Et ce même homme va renier Jésus (voyez dans tous les Évangiles) ; nous, si on commet des péchés, c’est en général caché, bon ! On demande pardon au Seigneur ; on reçoit l’absolution ; on avance.
Pour Pierre : son péché est marqué dans tous les Évangiles… c’est un peu… gênant !
Et pourtant, Pierre est le chef de l’Église. Plus exactement, il représente Jésus qui est le chef de l’Église, la Tête de l’Église. Mais Pierre a été institué ‘roc’ sur lequel l’Église s’appuie.
Mais c’est cet homme simple ; c’est cet homme pauvre ; et c’est cet homme pécheur ! Jésus n’a pas retiré ses dons ; Jésus a choisi Pierre et quand il l’a renié, Il ne lui a pas dit : « Bon, maintenant c’est terminé ; tu pars ; tu m’as renié »… pas du tout… Il lui pardonne et Il continue le don de sa mission envers l’Église et l’humanité.
Et c’est vrai pour chacun et chacune d’entre nous. Pierre est un pécheur pardonné : ce que tous nous sommes… nous sommes des pécheurs… mais des pécheurs pardonnés !
Et nous sommes appelés à avancer.
Donc, pas à regarder notre péché ou à tout ce qui va mal dans l’Église : les personnes tordues, etc… c’est une réalité parce qu’on s’occupe de l’humanité !
Si l’humanité était parfaite, Jésus ne serait pas mort en croix !
Et donc Il est venu nous chercher au fond de notre boue, chacun et chacune d’entre nous, et pour tous les hommes de l’univers. N’oublions pas que même les plus grands pécheurs, les plus grands pervers, les plus grands assassins, ce sont nos frères…
Bien sûr qu’il faut les neutraliser ; bien sûr qu’il faut rendre justice ; bien sûr qu’il faut protéger l’Église et l’humanité… n’empêche qu’ils restent nos frères ! Et Dieu nous dira en arrivant devant Lui : « Qu’as-tu fait de ton frère ? »
Nous ne pouvons pas mettre deux catégories dans l’humanité ou dans l’Église : les gens pour qui on aurait le droit et le devoir de s’occuper, et puis les autres, qu’on devrait laisser de côté dans le fossé. Nous devons tous prier les uns pour les autres, nous engager et avancer.
Et bien, Pierre est cet homme.
Choisi par Jésus, choisi par le Père, qui lui révèle que ce Jésus de Nazareth est non seulement le Messie attendu par Israël, ce Messie qui accomplit la plénitude des promesses faites aux patriarches, mais aussi et plus encore, son propre Fils : Il est Dieu Lui-même.
La Trinité vient à nous et nous communique son Esprit Saint.
Pierre perçoit cela dans un éclair de lumière surnaturelle qui lui donne de confesser sa foi.
Et cette foi est la foi de l’Église. La foi de l’Église est basée sur la foi de l’apôtre Pierre. Et nous sommes appelés, donc, dans cette vérité de la foi, à avancer.
Et les successeurs de Pierre, le Pape actuel, le Pape François, ont la grâce, le charisme, de nous guider vers le Seigneur en vérité. Chacun aura sa personnalité, chacun aura son charisme personnel mais avec le charisme pontifical qui fait que l’évêque de Rome, parce qu’il est évêque de Rome, a le charisme d’infaillibilité au niveau de la foi et des mœurs. Et nous sommes appelés à le suivre.
Bien sûr que le Pape ne parle pas tous les matins ex cathedra ! Mais par son enseignement ordinaire, comme nous le rappelle le Concile Vatican II, par l’enseignement ordinaire, par sa pratique, il nous indique le chemin : « voilà la route ! »
Tout n’est pas forcément clair et précis. Nous vivons dans le clair-obscur de la foi.
On dit « voilà le chemin ! » : comme quand on est sur l’autoroute, nous arrivons à des bifurcations : telle direction ou vers telle direction… et bien plusieurs kilomètres avant, il y a des panneaux : droite ou gauche, et bien, on se positionne… l’Église, le Pape, est là pour nous indiquer : « voilà la route qui conduit à Jésus. Voilà la Vérité ! » ;
« Laissons tomber cela ; ça, ça va pas ! C’est une erreur ou une insuffisance ou quelque chose qui n’est pas complet » ;
ou carrément : « c’est mal ! ».
Bien, nous sommes invités à nous laisser guider par le souverain pontife. Et c’est la force de l’Église catholique. L’Église catholique est composée d’hommes et de femmes ordinaires mais nous avons une grâce donnée par le Christ pour, à travers l’histoire humaine, les péripéties de l’histoire humaine et les hommes d’Église – et parfois, ce n’est pas rien – bien d’avoir la certitude que le magistère de l’Église, que le ministère pétrinien nous conduit vers le Royaume de Dieu. C’est un socle certain.
Donc rendons grâce à Dieu de ce Don que nous recevons ; et nous-mêmes, soyons des enfants de l’Église, illuminés par la grâce trinitaire et fidèles à cette Église.
Quand on aime sa mère, on ne parle pas mal de sa mère !
Et mal parler de l’Église est quelque chose qui est une faute de famille, un manque d’honneur envers son père et sa mère ; non pas en disant la vérité sur des choses qui ne vont pas ou des scandales !
Il ne s’agit pas de cela !
Mais il s’agit d’avoir ce sens de l’Église comme on pourrait avoir le sens de la famille, le sens du respect de l’autre. Il y a des choses à dire, à défendre, et même à être très ferme sur des questions. Il y en a d’autres où il y une délicatesse à avoir, la délicatesse de l’amour, mais aussi, la délicatesse du mystère qui nous dépasse.
Alors, qu’en ce dimanche, nous puissions nous fortifier en recevant l’Eucharistie dans cette lumière de la foi et cette force de l’amour qui nous fait suivre Jésus mais avec tous nos frères et sœurs dans l’Église, et en se portant les uns les autres.
Que de temps perdu à juger intérieurement, extérieurement, les autres : les pasteurs et tout le monde… Au lieu de prier, de réciter son chapelet, d’adorer le Seigneur, pour prier pour les autres.
Si on passait plus de temps à prier pour intercéder pour les autres, notre cœur changerait, et les autres changeraient.
Donc, demandons cette grâce, d’avoir le souci concret, pratique, d’intercéder pour l’Église et d’avoir cet amour de l’Église et cette foi de l’Église et par toute notre vie, notre être, de dire :
« Seigneur Jésus, tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant ! »