Chers frères et sœurs, après la communion, en nous adressant à Dieu le Père, la liturgie nous fera prier en ces termes: « Que notre communion au mystère du salut nous confirme dans cette assurance que tu glorifieras tout le corps de l’Église comme tu as glorifié son chef, Jésus le Christ ».

L’Église va de l’avant, elle marche au-devant de la Parousie, c’est-à-dire : de la venue glorieuse du Christ à la fin des temps. La tête de l’Église, Jésus, reviendra chercher son corps pour entrer avec lui dans la gloire de son Père. Voilà le programme !

Cela veut-il dire que depuis l’Ascension, Jésus, la tête de l’Église, est séparé de son corps qu’est l’Église ? L’Église vivrait-elle depuis plus de deux mille ans sans tête, en quelque sorte décapitée, sans son chef ? Il n’en est rien. Une autre image employée par l’Écriture peut nous parler davantage : « Il reviendra à la fin des temps comme l’époux vient au-devant de son épouse » ; et que faisait l’épouse quand elle était physiquement séparée de son époux ? Elle vivait dans l’espérance de sa venue.

C’est là l’attitude de l’Église, aujourd’hui jusqu’à la fin des temps, elle vit de l’espérance. L’Ascension, c’est la fête de l’espérance. Cette métaphore de l’époux et de l’épouse doit être encore complétée par d’autres images, car l’Église depuis l’Ascension ne vit pas orpheline ; Jésus l’a prédit : « Je ne vous laisserai pas orphelins ». Oui, nous ne sommes pas délaissés ! L’Église n’est pas livrée à elle-même en ce monde ; Jésus lui envoie un autre Paraclet, c’est-à-dire ce grand Don que Jésus nous a fait, que nous célébrerons dans huit jours à la Pentecôte : le Don du Saint Esprit.

Mais St Pierre nous avertit dans la deuxième lecture (que nous avons entendue) : « Réjouissez-vous de la venue de Jésus à la fin des temps, car il vous emmènera dans sa gloire… mais d’ici-là, si l’on vous insulte à cause du nom du Christ, réjouissez-vous ». C’est aussi le programme !

Le Christ ne nous a pas promis la béatitude éternelle dès aujourd’hui mais il nous a promis (et il accomplit sa promesse) d’être présent parmi nous et en nous, durant la traversée houleuse de notre vie ici-bas. Nous entendons la parole de Marie à Lourdes à Ste Bernadette, lorsqu’elle lui apparait, qui lui dit : « Je ne vous promets pas de vous rendre heureuse en ce monde, mais dans l’autre ».

L’Église est la fin de toutes choses, dit l’un de nos pères dans la foi. Et comme dit le Catéchisme de l’Église : « Les vicissitudes elles-mêmes, comme la chute des anges et le péché de l’homme, ne furent permises par Dieu que comme occasion et moyen pour déployer toute la force de son bras, toute la mesure d’amour qu’il voulait donner au monde ». St Paul le dira en d’autres termes : « Tout contribue à la gloire de Dieu ».

Pour le dire en d’autres termes, frères et sœurs, la vie chrétienne est participation à la gloire de Dieu, oui… à la gloire du Christ… mais aussi à sa croix.

« Le serviteur n’est pas au-dessus de son maitre… ils m’ont persécutés, ils vous persécuteront aussi » dit Jésus. Et l’une des grandes figures de la foi chrétienne, de notre Église, st Jean Chrysostome, fait remarquer que dans sa prière, le Christ, à la veille de sa Passion, ne s’arrête pas à « Sauve-moi de cette heure » mais à « Glorifie ton nom ! » ; et Jean poursuit en disant « Glorifie ton nom », cela veut dire : conduis moi jusqu’à la croix ».

Les apôtres au Cénacle (nous ont dit les Actes des apôtres) : « D’un seul cœur participaient fidèlement à la prière avec quelques femmes dont Marie, mère de Jésus et avec ses frères ». Remarquons que l’Église quand elle nous fait prier le Rosaire, fait de la Pentecôte un Mystère joyeux. L’Esprit Saint que Jésus donne à ses apôtres, et à son Église jusqu’à nos jours, nous rend participants de la joie du Christ, la joie qu’est la sienne d’être uni au Père et de faire sa volonté. Le livre des Actes des apôtres nous dit qu’avec les onze apôtres réunis au Cénacle, et Marie, étaient les frères du Seigneur (les frères : c’est-à-dire dans la culture de l’époque, les membres de sa famille ; on dirait aujourd’hui « ses cousins », parce que Marie n’a eu qu’un seul enfant, c’est Jésus, Dieu fait homme). On se souvient que dans les évangiles, on nous montre à plusieurs reprises les frères de Jésus, sinon hostiles, du moins indifférents à la personne de Jésus et à sa prédication. Ainsi, vous vous en souvenez, un jour, ils vont trouver Jésus pour le ramener chez lui, car, disaient-ils, il a perdu la tête.

Jésus a souffert de cela, de savoir que les membres les plus proches de sa famille, hormis sa mère, ne rentraient pas dans l’intelligence de son mystère. Il dira lui-même un jour à Nazareth : « Nul n’est prophète dans son propre pays » : c’est-à-dire, dans son milieu de proximité.

Voici qu’aujourd’hui, nous voyons au Cénacle les frères du Seigneur, présents à la prière commune, après l’Ascension. Quelque chose aurait-il changé en eux ? Leur cœur se serait-il ouvert à la parole de Jésus ? L’évangile, toujours sobre, ne nous en dit pas plus. Mais on peut aisément imaginer que la présence de Marie parmi eux et au milieu des apôtres – Marie tout accueil, toute disponible à la mission de son Fils dont elle a perçu toute la profondeur et l’unicité – que la présence de Marie dans sa famille fut un témoignage éloquent auprès de ses frères qui tout d’abord refusaient de croire.

Cela nous enseigne, frères et sœurs, qu’il ne faut jamais désespérer de l’ouverture à la grâce de ceux qui nous apparaissent éloignés ou hostiles à la Parole de l’évangile et à son Église. L’Esprit Saint que le Christ nous a donné ne cesse, malgré les apparences, de travailler le cœur des hommes, non seulement à l’intérieur de l’Église, et nous en avons tous besoin continuellement, mais aussi dans le monde. Que de témoignages les prêtres pourraient donner (non seulement les prêtres mais aussi les laïcs) de personnes que nous avons connues, ou dont nous avons entendu parler, qui paraissaient complètement fermées au message évangélique et qui un jour ont ouvert leur cœur et leur intelligence à la personne de Jésus, et sont devenues des témoins du Christ.

Le patriarche Athénagoras disait : « Sans l’Esprit Saint, Dieu est loin ; le Christ reste dans le passé ; l’autorité, une domination ; la mission, une propagande ; le culte, une évocation et l’agir chrétien, une morale d’esclave – Nietzsche l’avait déjà dit quelques siècles avant lui – mais en lui (l’Esprit Saint) le cosmos est soulevé et gémit dans l’enfantement du Royaume, le Christ ressuscité est là ; l’évangile est puissance de vie ;

l’Église signifie la communion trinitaire ; l’autorité est un service libérateur ; la mission est une Pentecôte ; la liturgie est mémorial et anticipation ; l’agir humain est déifié ».

En ce temps de grâce de la Pentecôte, que l’Esprit Saint nous renouvelle au plus profond de nous-mêmes pour devenir avec plus d’authenticité, des disciples du Christ et ses témoins dans le monde.

Amen !

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