Chers frères et sœurs,

lorsqu’un prêtre a été appelé par l’évêque de Rome (le Pape) à devenir évêque d’un diocèse, il reçoit pour cela un sacrement : le sacrement de l’ordre dans sa plénitude par lequel il entre dans le Collège des évêques. Au début de la liturgie de cette consécration d’un nouvel évêque, l’évêque consécrateur l’interroge, et parmi les interrogations qu’il lui adresse se trouve celle-ci : « Voulez-vous, comme un bon pasteur, partir à la recherche des brebis qui s’égarent pour les rassembler dans le bercail du Seigneur ? » Et le nouvel évêque répond, normalement, habituellement : « oui, je le veux ! ». La feuille de route de sa nouvelle responsabilité se trouve dès lors tracée, me semble-t-il, en grande partie par cette réponse qu’il vient de donner.

Oui, non seulement, j’accepte la charge qui m’est confiée, mais je veux me conduire en bon pasteur pour rassembler, pour rechercher les brebis qui s’égarent… Comme Jésus.

On pense ici à la Parole de Saint-Jean, qui dans son évangile, dit que Jésus devait mourir pour rassembler dans l’unité tous les enfants de Dieu dispersés. Cette charge de pasteur (charge parce que c’en est bien une), le nouvel évêque ne la portera pas seule. Il aura pour collaborateur en premier lieu les prêtres et les diacres de son diocèse. Mais aussi tout le Saint peuple de Dieu, comme aime le dire le Pape François, qui est aussi associé avec l’évêque, les prêtres et les diacres, à l’unique mission de l’Église : d’annoncer l’évangile. Mais l’évêque aura désormais en priorité à prendre soin de façon particulière du Saint peuple de Dieu, de cette portion de l’Église universelle qui lui est confiée dans son diocèse, et dont il devient le pasteur. Il aura pour charge, pour reprendre encore une fois une image qu’aime employer le pape François : « Comme le berger marche devant son troupeau pour lui indiquer le chemin, marche derrière le troupeau pour encourager les brebis les plus faibles et claudicantes, et surtout, de ne pas oublier d’être au milieu du troupeau (pour reprendre encore l’expression savoureuse du Pape François) pour s’imprégner de la bonne odeur du troupeau », ce qui veut dire en être toujours et en tout, proche et solidaire.

Jésus nous dit, nous venons de l’entendre, que le pasteur qu’il est, l’unique pasteur qu’il est, donne sa vie pour ses brebis, librement, par amour de son Père, pour obéir à son Père, mais aussi par amour du peuple qui lui est confié.

Ainsi en est-il, frères et sœurs, aujourd’hui comme hier dans l’Église où les pasteurs, chacun à son degré de responsabilité, sont appelés à donner leur vie pour celles et ceux qui lui sont confiés. Dans l’Église, les pasteurs – comme le Christ – sont appelés à donner leur vie pour protéger leurs fidèles, pour gouverner le peuple de Dieu, pour l’enseigner et pour le sanctifier par les sacrements, et surtout, de ne pas oublier de prier pour le peuple qui lui est confié. L’histoire de l’Église, ancienne et récente, ne manque pas de figures de pasteurs qui ont donné leur vie comme Jésus, pour le troupeau, pour les fidèles qui leur étaient confiés.

Je pense, mais on pourrait en citer de nombreux, à Monseigneur Romero en Amérique latine, à Monseigneur Vladimir Ghika dans la persécution communiste en Roumanie, au Cardinal Stepinac, et à tant d’autres qui ont souffert pour rester à la tête du peuple qui leur était confié. L’Église catholique aujourd’hui – sans renier pour autant ce qui est constitutif de l’Église, à savoir que l’assemblée des baptisés, conduits par le Christ qui a voulu par l’institution des apôtres et de leurs successeurs les évêques lui donner des pasteurs – l’Église a une conscience plus vive de nos jours, de la participation active du Saint peuple de Dieu à sa mission. Non pas que les laïcs se substituent aux évêques et aux prêtres, ni que les évêques et les prêtres démissionnent de leur charge ministérielle, mais pour qu’ensemble : évêques, prêtres, laïcs, consacrés, assemblés en synode, marchent ensemble derrière le Christ, dociles au Saint-Esprit vers le Royaume des cieux… Ainsi en est-il de l’Église.

L’Église aujourd’hui, frères et sœurs, a une conscience plus vive que la mission que Jésus lui a confiée, d’annoncer la puissance de la résurrection à tous les hommes de notre temps, soit portée par l’ensemble du peuple de Dieu, chacun faisant, dans la grâce propre qui lui incombe, œuvre d’évangélisation.

Nous prions ce quatrième dimanche traditionnellement pour les vocations. De façon toute particulière pour que les pasteurs (de saints Pasteurs) de l’Église, évêques, prêtres et diacres, ne lui manquent jamais. Le pape Benoît XVI disait que le Seigneur appelle toujours, mais que c’est l’écoute qui manque. Vocations aussi à la vie consacrée.

J’avoue, pour ma part, trouver du réconfort dans cette parole d’un évêque français de notre temps, qui dit que « nous n’avons pas à faire nombre dans l’Église, mais à faire signe. Les chiffres sont des critères mondains. En dépit de ce qu’ils nous disent, l’Église est en train de renaître, y compris de façon privilégiée au cœur des difficultés de toutes sortes qu’elle connaît à travers le monde ».

Trois convictions, frères et sœurs, peuvent nous interpeller.

La première est que Dieu a un projet pour chacun d’entre nous. Certains l’ont découvert, d’autres le chercheront à tâtons toute leur vie. L’essentiel, c’est d’être en marche.

La seconde conviction est que Dieu nous dérange et nous dérangera toujours. Dieu parle, mais la plupart du temps à voix basse. Il faut tendre l’oreille pour l’entendre.

La troisième conviction est que Dieu nous demande de prendre nos responsabilités avec l’aide de sa grâce – toujours ! – c’est-à-dire de son Esprit Saint. Vous connaissez peut-être cette exclamation du personnage du grand inquisiteur dans les Frères Karamazov de Dostoïevski : « Oh, Christ, comme tu nous as dérangés ! ».

Il ne s’agit pas, quant à nous, frères et sœurs, de vivre dans le passé, ni de fuir dans l’avenir. Il s’agit d’accueillir aujourd’hui le Christ qui nous demande d’aller avec lui, là où nous porterons du fruit, pour sa gloire.

Comme nous le dirons encore tout à l’heure dans la réponse que nous ferons au prêtre : « Pour notre bien et pour celui de toute l’Église ».

Amen.

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