Homélie du dimanche 19 septembre 2021- 25ème Semaine du Temps Ordinaire – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs,

Un jour, une personne a écrit sur le cahier d’intentions de prières, à l’entrée de l’église, une intention un peu particulière : « La religion est l’opium du peuple, elle est réservée aux pauvres en esprit ».

On reconnait la célèbre expression de Karl Marx dénonçant la « religion comme opium » ; quant à dire qu’elle est réservée aux « pauvres d’esprit », notre ami qui a écrit cette intention ne pensait pas si bien dire, car « être pauvre en esprit », c’est la première des Béatitudes que Jésus a proclamée dans l’Évangile ! « Bienheureux les pauvres de cœur (ou les pauvres d’esprit), car le Royaume des cieux est à eux ».

Alors, si c’est cela, l’opium du peuple, nous voulons bien être tous des fumeurs d’opium !

Car quoi de meilleur pour un disciple du Christ que de correspondre par toute sa vie à cette béatitude : « être un pauvre en esprit » ? Ce que l’un de nos Pères dans la foi, Tertullien, traduit (en latin) : « beati mendici » : bienheureux ceux qui ont un cœur de mendiant!

C’est précisément cette première béatitude, que Jésus nous propose dans l’évangile de ce jour. Il la propose non seulement par la Parole (dont n’oublions pas qu’elle est celle du Verbe de Dieu fait chair !) mais il la propose en actes : « Prenant alors un enfant, il le plaça au milieu d’eux, l’embrassa, et leur dit : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille… »

Alors que dans la civilisation romaine, l’enfant n’était pas considéré – pensons au « pater familias » qui avait pouvoir, lors de la naissance d’un enfant, de vie ou de mort sur l’enfant… -mais l’enfant, dans la civilisation juive, était au contraire très grandement considéré. Pensons à l’une des deux épouses de Jacob, qui s’appelait Léa dont la Parole de Dieu nous dit que « de stérile, elle devint féconde » ; elle enfanta un fils qu’elle appela Roubène, puis à nouveau un autre fils qu’elle appela Siméon, puis un troisième qu’elle appela Lévi ; elle conçut encore et enfanta un fils et elle dit « je rendrai gloire à Dieu ; c’est pourquoi elle l’appela Juda ». « Puis, elle cessa d’avoir des enfants » nous dit la Parole de Dieu (nous sommes, ici, dans un type de civilisation qui ne connait pas le planning familial !).

Dans la Bible, « l’enfant roi », ou plus exactement l’enfant accueilli comme un Don de Dieu, et la maternité de la femme tenue en grande estime, on comprend bien que cette mentalité est à l’opposé de la mentalité de la société contemporaine ou plus exactement de ceux qui manipulent notre société marquée par les « interruptions volontaires » sur tous les registres…

« Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille ».

Jésus, frères et sœurs, n’a jamais rien enseigné qu’il n’ait vécu lui-même. Le premier à vivre avec un cœur de pauvre, avec un cœur d’enfant, c’est Jésus, le Seigneur.

Quant à nous, nous ne pouvons pas redevenir un enfant au sens où Jésus le demande dans l’Évangile, si le feu de l’amour divin ne nous purifie pas jusqu’à nos structures inconscientes les plus profondes, et cela ne peut se faire sans une intervention spéciale de l’Esprit Saint. Cela ne peut se faire si nous n’entrons pas dans la nuée lumineuse, dans « la divine ténèbre » comme dirait Jean de la Croix, qu’est le cœur de Marie.

Comment Jésus a-t-il vécu cet esprit d’enfance qu’il nous enseigne ? Nous le voyons dans les Évangiles regarder vers le Père avec l’étonnement éternel de l’enfance. « Le Père est plus grand que moi » dit-il avec émerveillement.

Ce que le père donne à l’enfant d’être : c’est d’être lui-même, c’est la liberté, et donc l’autonomie, qui ne peut être comprise autrement que comme un don !

Une autre attitude propre à l’enfant et que Jésus nous donne en exemple, c’est la gratitude, c’est le sens du mot « Eucharistie », qui est aussi le principe de l’attitude de Jésus envers son Père : « Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé ».

Oui ! Avoir un cœur d’enfant, c’est savoir remercier. C’est une grande grâce dans notre vie d’adulte, de ne pas échapper à l’enfant qui est en nous, qui a gardé la capacité de gratitude, d’émerveillement, la nécessité de savoir demander. C’est l’esprit d’enfance qui maintient vive l’essence intime et mystérieuse de l’Église. L’Église dont St Jean Chrysostome disait que : « elle ne vieillit jamais, sa jeunesse est éternelle ».

Les saints ne manquent pas dans l’Église d’hier et d’aujourd’hui, d’illustrer par leur vie et par leur enseignement, cet esprit d’enfance auquel Jésus nous invite dans l’évangile de ce jour. Parmi d’autres, je ne retiendrai que ce verset de Thérèse de l’Enfant Jésus, qu’elle écrit dans un poème, le jour de la prise d’habit de sa cousine Marie Guérin : « Je veux t’aimer comme un petit enfant (dit-elle à Jésus), je veux lutter comme un vaillant guerrier ».

Thérèse, ici, et elle l’explicitera dans d’autres endroits de son œuvre, nous met en garde contre la fausse enfance spirituelle, la fausse modestie ; en quelque sorte l’enfant qui, en nous, refuserait de grandir et de devenir adulte. Ce n’est pas la spiritualité que Thérèse nous donne à vivre. Dieu fait tout, certes ! Mais il n’en exige pas moins notre collaboration. Il n’accepte pas les ruses du genre : « Je suis trop faible ; je n’y arriverai pas ; c’est trop difficile pour moi ; je suis trop petit » ; au contraire, le Seigneur aide toujours ceux qui sans prétention font les premiers efforts !

Posons-nous la question : qu’est-ce -que l’enfant possède qui fasse défaut à l’homme adulte et que celui-ci devrait acquérir, d’après l’enseignement de Jésus ? Certainement pas la grâce infantile ! Ce serait un lyrisme qui n’est pas dans la manière du Christ. Peut-être l’innocence ? Non plus ! Car l’enfant, en réalité n’est pas totalement innocent. Le réalisme de la Bible ne parle jamais de l’enfant innocent. Elle sait ce qu’il en est de l’homme, et que l’enfant d’un jour porte le mal en soi. C’est pourquoi l’Église aime que les enfants soient baptisés dès le plus jeune âge parce qu’ils savent que dès sa naissance, ils sont marqués par le péché originel. L’enfant porte le Mal en germe, comme assoupi mais parfois aussi éveillé et vigoureux…

Aucun éducateur connaissant réellement l’enfant, ne le tient pour innocent. Si Jésus nous propose l’enfant en modèle, c’est que celui-ci est sans artifice, sans intention, parce qu’il est ouvert, réceptif pour cette grande révolution de l’existence qu’annonce le Christ et qu’il appelle le Royaume de Dieu.

Par l’enfance, Jésus ne vise rien de sentimental, mais la simplicité du regard, l’aptitude à regarder au loin, à sentir l’essentiel et à l’accepter sans arrière-pensée.

C’est là une disposition qui est grande et qui est sainte.

Et il est clair qu’on ne peut pas commencer dans la vie par là ; cela demande beaucoup de temps pour entrer dans l’esprit d’enfance tel que nous le propose l’Évangile. Jésus d’ailleurs le dit explicitement : « Si vous ne vous convertissez pas pour devenir semblable aux enfants ». Pour devenir semblable aux enfants selon l’Évangile, cela exige une conversion !

Metanoiete : convertissez-vous !

Se dépouiller de ses habitudes d’adulte, se rebâtir soi-même de fond en comble. En fin de compte, l’esprit d’enfance selon l’Évangile, c’est comme Jésus, vivre de la paternité de Dieu ! L’esprit d’enfance est une attitude qui fait voir dans toute rencontre le Père des cieux. Et y accéder, c’est ce que St Jean appelle la victoire sur l’esprit du monde, ou pour reprendre la parole qu’aime le Pape François : « c’est vaincre la mondanité en nous et autour de nous ».

L’enfance spirituelle au sens du Christ, n’est rien d’autre que la maturité chrétienne.

Amen !

 

 

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