Homélie du Dimanche 18 juillet 2021 – 16ème Semaine du Temps Ordinaire – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs

Quand au procès de Jésus, Caïphe dit aux pharisiens : « qu’il vaut mieux qu’un seul homme meure pour le peuple et que l’ensemble de la nation ne périsse pas », St Jean l’évangéliste commente en disant que cette parole de Caïphe était prophétique, car : « si Jésus allait mourir pour la nation, c’était afin de rassembler dans l’unité les enfants de Dieu dispersés ». Rassembler dans l’unité.

Cette parole est toujours d’actualité. C’est d’ailleurs la mission essentielle de l’Église. Comme le dit le Concile Vatican II : « L’Église, signe et instrument de l’union intime avec Dieu, et de l’unité de tout le genre humain ».

La Parole de Dieu de la Messe de ce jour, employant l’image du pasteur ou du berger, nous dit et nous redit, que le désir de Dieu, manifesté par l’envoi de son Fils parmi les hommes, est de rassembler le genre humain dans l’unité.

L’unité du genre humain : qui n’est pas de l’ordre de l’uniformité mais de la complémentarité. On peut le voir lorsque Dieu créée l’homme dans le Livre de la Genèse : « Homme et femme, Il les créa » : la différence en vue de la communion. Le péché disperse ; l’Esprit Saint, lui, rassemble.

L’unité voulue par Dieu, s’oppose à la dispersion ; la communion à l’auto-centrisme. La Lettre aux Éphésiens que nous venons d’entendre, nous l’a dit : « Il voulait ainsi par sa mort, rassembler les uns et les autres pour créer en Lui, un seul Homme nouveau ».

Parce que l’homme est créé à l’image et à la ressemblance d’un Dieu en qui l’unité joue avec l’altérité, où la communion entre les personnes n’altère en rien l’unité divine. L’homme, image de Dieu, est créé homme et femme ; et tout dans l’univers, du plus grand au plus petit, du macrocosme au microcosme, est marqué par cette altérité. On range ce qui est semblable, on unit ce qui diffère.

Les cathédrales tiennent par opposition entre les deux moitiés de l’ogive. Qu’un étrange consensus les fasse pousser dans le même sens, et la cathédrale nous tombe sur la tête… on en sait quelque chose à l’abbaye de Sénanque.

S’il y a consensus entre les deux arcs, c’est pour monter vers le ciel en s’appuyant l’un sur l’autre par opposition. Dans l’Église, frères et sœurs, dans nos familles humaines et spirituelles, au niveau des moyens, l’unité jaillit du fondement des diversités. Ô bienheureuse diversité lorsqu’elle est facteur d’unité !

La Tour de Babel n’était pas selon le projet de Dieu parce qu’elle voulait établir un édifice montant vers Dieu, fruit du seul effort de l’homme.

L’unité du genre humain, au contraire, nous la recevons de Dieu. Nous ne la fabriquons pas ! C’est pourquoi la figure du pasteur employée dans le prophète Ézéchiel, aujourd’hui, et dans de nombreux passages de l’Ancien Testament, est reprise par Jésus lui-même : « Je suis le Bon pasteur ».

Et cette image du « Bon pasteur » nous dit bien quel type d’unité le Seigneur désire pour le genre humain : l’unité que Dieu suscite en donnant à son Église des pasteurs selon son Cœur. Unité fondée sur un Pasteur qui donne sa vie pour ses brebis. Le berger qui se donne pour que ses brebis aient la vie ; ou pour reprendre la belle métaphore vulgarisée, employée, par le Pape François : le berger est celui qui marche devant le troupeau pour le conduire là où il pourra pâturer ; il marche derrière le troupeau pour encourager, voire pour porter sur ses épaules les brebis les plus fatiguées ; et il marche ainsi au milieu des brebis, solidaire de son troupeau pour en prendre l’odeur, c’est-à-dire la mauvaise odeur.

Cette unité que Dieu veut pour son Église, dans le langage chrétien, nous l’appelons « communion ». Dans l’étymologie de ce mot « communion », il y a cum munus qui signifie : porter ensemble un fardeau.

Oui, rien n’est bilatéral dans l’Église parce qu’en tout, nous sommes appelés à laisser agir entre nous un Tiers, qui est Dieu, qui est le Christ, qui est l’Esprit Saint !

Le berger connait la fatigue de marcher au pas du troupeau. Comme en a fait l’expérience le patriarche Jacob : « Si je marche trop vite, dit-il, je vais épuiser le troupeau ! »

Et c’est souvent plus fatigant de marcher lentement que de marcher vite.

L’Église catholique dans sa structure même, est marquée par cela : communion et pluralité. L’évêque de Rome, qui selon la belle expression de St Ignace d’Antioche préside à la charité, est chargé de veiller à cette unité sans abolir la diversité, la richesse des Églises particulières. Mais le principe fondamental dans notre Église est que l’unité prévaut sur les particularités. Ou pour le dire autrement : la pluralité est un fait, le pluralisme est un système qu’on risque d’ériger en idéal.

Notre père St Bernard de Clairvaux avait un grand sens de la diversité, de la pluralité. L’une de ces formules préférées dans ses écrits, qu’il affectionne, est la suivante : « Diversus sed non adversus » : différent mais non pas opposé !… Ce qui pourrait aussi servir de devise dans la vie politique entre autre.

La vie de l’Église a toujours connu et connaitra toujours cette tension entre unité et pluralité. Le chemin des chrétiens dans les Églises particulières doit toujours se confronter avec celui de l’Église une et catholique et s’harmoniser avec elle ; unité intégrant la pluralité ; communion dans la diversité : l’unité, telle que le Christ le veut pour son Église, mais non seulement pour son Église mais pour chacune de nos Églises particulières, familiales, religieuses.

Cette unité est celle qui a jaillit du Cénacle au jour de la Pentecôte. Les apôtres parlent des langues diverses de façon à ce que chacun comprenne le message dans son propre idiome. L’unité de l’Esprit Saint à la Pentecôte se manifeste dans la pluralité de la compréhension…. à la cacophonie de la tour de Babel, répond la joyeuse diversité pentecostale.

L’Église a une expérience de foi millénaire de ce cheminement, qui trouve son origine dans la communauté des douze apôtres réunie autour de Jésus, où les tensions ne manquaient pas, et en amont, à la source dans la vie trinitaire qui est l’horizon de toute vie chrétienne et ecclésiale.

En Dieu-Trinité, unité et originalité, non seulement ne se font pas concurrence, mais s’affirment réciproquement.

Cette vocation nous le comprenons bien est cruciforme. « Par le bois de la croix, écrit st Irénée de Lyon, l’œuvre de Dieu est devenue manifeste à tous ; ses mains y sont étendues pour rassembler tous les hommes ; deux mains étendues car il y a deux peuples dispersés sur toute la terre : Israël et les païens ;une seule tête au centre car il y a un Seul au-dessus de tous, au milieu de tous et en tous ».

À Lui soient tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles.

Amen !

 

Historique de nos Homélies

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