Homélie du dimanche 16 janvier 2022 – 2ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Par le Frère Jean-Marie
Frères et sœurs bien aimés,
La Parole que Dieu nous adresse, la Parole qui manifeste Dieu tel qu’il est, nous est manifestée à travers l’Écriture Sainte portée par la Tradition vivante de l’Église et garantie par le magistère ecclésial.
Avec ce triptyque, si l’on peut dire, nous recevons la Parole vivante et éternelle de Dieu qui vient nous vivifier, qui vient nous donner la vie. Cette Écriture Sainte du Nouveau Testament, nous apporte une plénitude ; les quatre évangiles sont comme des pierres rares, des joyaux qui nous donnent les Paroles mêmes du Seigneur. Et l’évangile de Jean est comme le diamant par excellence, avec ses différentes facettes, qui nous révèle toujours plus la Parole de Dieu (médiatisée par l’Écriture Sainte dans notre langage) pour venir nous toucher, pour que nous comprenions.
Ce passage, ce récit des « Noces de Cana », s’inscrit dans le troisième jour du commencement de l’évangile de Jean, après le Prologue : il y a Jean le Baptiste, l’appel des premiers disciples et les Noces de Cana. Ce troisième jour qui nous est donné comme signe annonciateur de la nouvelle Alliance qui sera scellée par le Mystère de la Croix que nous célébrons dans chaque Eucharistie ; chaque Eucharistie qui actualise le Golgotha, le Mystère du Christ dans sa passion, sa mort et sa résurrection. Ce troisième jour nous introduit déjà dans la résurrection du Christ, ses Noces de Cana.
Le Seigneur commence son ministère public, manifeste sa divinité, sa force, ce pourquoi il est venu, à travers des noces, un mariage, une réalité humaine ; mais cette réalité nuptiale traverse toute la Bible ; la Bible qui est la manifestation de Dieu qui s’adresse à nous, nous parle aussi à travers un langage nuptial : l’amour humain de l’homme et de la femme qui est constitutif de l’humanité, qui suppose et qui engendre la survie de l’humanité.
Ce signe fort, voulu et créé, et béni par Dieu – à tel point qu’il en a fait un sacrement – est le signe de l’union de Dieu avec l’humanité, de l’union de Dieu avec chacun et chacune d’entre nous, avec chaque âme dans toute l’humanité, dans toute l’histoire humaine (l’âme voulant dire le principe de vie, l’intime de l’être humain, mais c’est la personne dans son intégralité qui est concernée).
Donc, ce lien du Seigneur qui commence à manifester sa gloire lors d’un mariage, est ce signe providentiel que Dieu veut réaliser, cette union nuptiale dans sa plénitude, avec toute l’humanité.
C’est Marie, la Vierge Marie, la mère de Jésus, la mère de Dieu, qui a l’initiative en quelque sorte pour déclencher – si j’ose dire – le signe que Jésus va faire, le premier signe qu’il fait. Dans l’évangile de Jean, Jean ne parle jamais de miracle, il parle de signe. Le signe renvoie au signifiant : à ce que le Seigneur veut manifester à travers un acte extraordinaire.
Ce premier signe est ce changement de l’eau en vin et c’est Marie qui a cette initiative. Marie qui intercède auprès de son Fils avec beaucoup de discrétion, beaucoup de délicatesse, pour lui dire : « Ils n’ont plus de vin ! »
Il est à remarquer que Marie s’intéresse aux personnes et non pas au vin ! Marie ne dit pas : « Il n’y a plus de vin ! » mais « Ils n’ont plus de vin ! »
Les noces dans le milieu Juif de l’époque pouvaient durer une semaine, d’où la quantité prolifique de vin, environ six cents litres, pour accueillir tous les invités qui participeront tout au long de la semaine à ce grand repas nuptial. Mais aussi ce cycle de la semaine pour les noces, renvoie aux six jarres qui sont là pour les ablutions : les Juifs à cette époque-là devaient « se purifier » rituellement avant de faire un mariage, avant de prendre un repas… pour avoir une purification rituelle, qui voulait être aussi une purification morale, mais de fait reste une purification rituelle.
Et ces six jarres pourraient représenter les six jours de la Création, c’est-à-dire Dieu qui manifeste à travers le Livre de la Genèse, de manière symbolique, la création du monde avec tous les éléments de développement à travers l’histoire de la Création.
Nous sommes invités à voir cette noce, et cette septième jarre qui n’est pas, mais ce changement de l’eau en vin, comme l’Alliance Nouvelle et le lieu de repos, après l’eau du travail, la difficulté : cette eau devient du vin pour que les invités puissent se reposer !
C’est le septième jour, le Grand Sabbat ; là où Dieu se repose et où l’homme est appelé à se reposer en Dieu.
Oui, il y a cette abondance du don : Dieu voit toujours grand ! C’est nous qui sommes limités dans notre perception et qui voyons des grandeurs selon notre vision ophtalmique qui est souvent très courte, une vision de myope ! Dieu nous appelle à avoir des horizons larges, infinis, qui dépassent mais qui comblent notre attente.
Et ce signe du vin nouveau qui est donné, est le signe du Don de l’Esprit Saint ; nous sommes appelés à une ivresse spirituelle (il ne s’agit pas de boire de l’alcool) mais il s’agit d’avoir une sobre ivresse spirituelle – pour reprendre des thèmes développés par les Pères et par la grande Tradition de l’Église : cette ivresse spirituelle. Alors, si sur les bouteilles d’alcool, il est marqué « à consommer avec modération », l’ivresse spirituelle dans le Saint Esprit est à consommer sans aucune modération… nous sommes appelés à nous livrer entièrement à l’action de l’Esprit Saint ! À vivre dans cette ivresse de l’Esprit Saint, qui nous fait vivre dans la réalité profonde de notre vie humaine, de notre être, de notre relation-communion avec Dieu, et les uns avec les autres.
Ce qui est décrit par l’apôtre Paul dans la deuxième Lecture de ce jour, décrit en quelque sorte ce qui est vécu durant ces Noces de Cana : chacun a sa place, chacun a sa fonction, chacun a son activité, et qui est nécessaire pour les autres. Le Christ Jésus est présent, il est invité à ces noces, il est le centre de la noce.
Marie…
Marie priant, présente, attentive et qui est aussi active ; elle voit les choses, elle ne vit pas dans son monde ! Elle vit dans le monde qui est le monde de Dieu, et qui voit avec la plus grande perspicacité ce dont l’homme a besoin. Marie est active, elle intervient, elle intercède auprès de son Fils, une prière emplie de foi : « ils n’ont plus de vin » ; cela suffit.
Puis, il y a des serviteurs actifs, obéissants.
Remplir de l’eau dans les jarres, jusque-là, ça va ! Mais puiser pour en porter au chef du repas, la situation devient humainement plus critique !
Ils obéissent. Ils font confiance à Jésus. Dans le labeur qu’ils ont à faire, apparemment inutile… mettre de l’eau dans des jarres pour apporter du vin, on ne voit pas très bien la cause et l’effet… ils font confiance.
Cela peut être un signe de notre vie aussi : durant notre vie, nous faisons beaucoup de choses, nous remplissons des jarres d’eau, on ne voit pas, des fois, très bien l’efficacité qu’il peut y avoir… Dieu s’en occupe ! Lui rendra féconde notre vie.
Ensuite, il y a le chef du repas qui approuve et constate. C’est important de voir les choses et de les dire.
Et puis, il y a les époux qui ne sont pas nommés mais qui nous font penser à nos premiers parents, Adam et Eve, sous une forme nuptiale aussi : le premier couple ; qui, au lieu de recevoir la vie divine, ont voulu saisir la vie divine ! Et là, ce couple ne fait rien ! C’est Marie qui intercède, la nouvelle Eve qui écrase du pied le Serpent maudit. Marie demande, reçoit, avec confiance, avec une foi intense, avec la certitude, que son Fils interviendra.
Oui ! Les époux qui reçoivent en vivant simplement leurs noces, en vivant ! Puis les disciples, les disciples de Jésus, qui voient, regardent et qui adhèrent, qui croient à Jésus ; qui voient et regardent la vie et les actes, l’action de leur maitre. Oui !
Ce signe de l’eau changée en vin nous appelle à contempler ce mystère, qui est déjà l’annonce et le signe de l’Eucharistie qui réalise et manifeste l’Alliance Nouvelle. Pourquoi pratiquer… pourquoi venir à la Messe… pourquoi se nourrir du Corps et du Sang du Christ ?
Tout simplement pour vivre, pour avoir la vie de Jésus en nous !
Cette Alliance est à la fois unique et irrévocable : Dieu s’est engagé pour toujours. Quand Dieu donne, il ne reprend jamais. Dieu n’est pas capricieux ! Dieu n’est pas un grand bloc de granit issu des falaises de Bretagne, et si on n’obéit pas sa volonté, une espèce de caillou se détache et nous tombe dessus pour nous châtier de ce que nous avons fait de mal.
Non ; Dieu sans cesse s’adresse à nous et il attend notre réponse. Comme le disait le prophète Isaïe dans la Première Lecture, faisons la joie de Dieu ! Dieu attend notre réponse ; il n’est pas un bloc de pierre, il n’est pas une colonne de marbre dans un palais où on se promènerait où Dieu nous regarde… non ! Dieu est vivant ! Et il veut des êtres vivants qui lui répondent, qui fassent alliance, qui rentrent dans son Alliance.
Ainsi, on peut peiner Dieu mais on peut lui apporter de la joie.
Oui ! Prenons conscience que Dieu est vivant ; il attend notre réponse par notre vie.
Cette Alliance qui est scellée, manifestée, réalisée, par l’Eucharistie, qui actualise le Mystère pascal du Christ Jésus, est une Alliance qui est aussi universelle, qui s’adresse à tous les hommes de tous les temps, de toutes les cultures, de toutes les religions. C’est une Alliance définitive et irrévocable. Quand Dieu dit, il ne se trompe pas, il ne reprend pas sa Parole. Il n’est pas comme nous !
Ce mystère de l’Eucharistie forme aussi le corps ecclésial que nous sommes. C’est à la fois une union avec chacun et chacune d’entre nous, une union réciproque, permanente qui est personnelle – et personnalisée, on pourrait dire – mais aussi communautaire : qui forme l’assemblée ecclésiale, qui forme le Corps du Christ et l’humanité nouvelle.
Oui ! C’est cette Eucharistie, cette Eucharistie dominicale, qui est la réalité mystérieuse et efficace de l’Alliance de Dieu avec l’humanité ; et qui manifeste la réalité du corps ecclésial, son action féconde dans la pâte humaine au sein de l’humanité, afin de l’irriguer de la grâce salvifique du Seigneur Jésus, dans toute la réalité du monde et toutes les dimensions de l’être humain, pour recevoir, pour être à nouveau recréé, ressaisi, transformé par le Seigneur… pour être vivifié et déifié, dans son amour.