Homélie du dimanche 14 mars 2021  – 4ème Semaine de Carême, de Lætare – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et soeurs,

en quelques versets saisissants, l’apôtre Jean se livre à une méditation personnelle sur la mission du Christ, ici appelé : “Fils de l’homme”, selon cette expression au premier abord un peu mystérieuse, que Jésus employait pour dire son identité profonde.

“Il faut que le Fils de l’homme soit élevé (comprenons “sois mis à mort”) afin que quiconque croit, ait la vie éternelle.”

Il faut ! C’est un impératif ! Le salut des hommes, voulu par le Père en son dessein d’amour, devait passer par la croix. Il ne pouvait pas en être autrement. On peut toujours rêver d’un Dieu qui sauve les hommes d’un coup de baguette magique, mettant fin à toutes les pandémies qui blessent notre monde… ce n’est pas ce que Dieu a voulu pour l’homme. Il a voulu le meilleur, et le meilleur c’est cela : “Dieu a tant aimé le monde, qu’Il a donné son Fils unique.”

Il l’a donné au sens de “livré”, au sens de “sacrifié”, car n’oublions jamais que ce sacrifice voulu par le Père, et consenti par le Fils, est un acte suréminent d’amour.

Cela peut nous dérouter, nous qui avons la foi ; cela déroute encore plus ceux qui ne l’ont  pas ! Le mystère de la foi en Jésus mort, vraiment mort et ressuscité, sera toujours “scandale pour les juifs et folie pour les païens »  comme dit Paul.

Et c’est de cela dont nous avons à être les témoins dans le monde d’aujourd’hui. Mais pour être crédibles, il faut d’abord que ce grand mystère de la foi, nous nous l’approprions  personnellement. Le Credo que nous allons dire dans quelques instants ne nous fait pas dire “nous croyons” mais “je crois”.

Le philosophe Kant au siècle des Lumières, 18ème siècle, disait que “ce qui compte c’est l’idéal moral proposé par le Christ plutôt que sa Personne”.

Et bien si le christianisme, c’est cela seulement : un idéal moral qui peut faire abstraction de l’humanité et de la divinité du Christ et de son existence historique, alors ce n’est plus le Christ que nous avons reçu des Évangiles et qui nous a été transmis par les apôtres, et par la Tradition. C’est une réduction de la foi chrétienne, et finalement l’extinction de la foi, la vraie foi, telle que l’a définie le Concile de Nicée en 325, et que je cite : “Pour nous les hommes et pour notre salut, Il descendit du ciel… crucifié pour nous sous Ponce Pilate, Il souffrit sa Passion et fut mis au tombeau ; Il ressuscita le troisième jour…” 

Nous n’avons pas à juger le monde, encore moins à le condamner, mais avec l’aide de Dieu, à l’aimer comme Dieu l’aime. Nous avons à être en ce monde, comme aimait à dire nos Pères dans la foi : “les chantres de l’amour de Dieu”.

Peu importe que nous soyons compris ou incompris, il nous faut tâcher, quant à nous, d’être plus ancrés dans la vraie foi, et l’Esprit de Dieu fera le reste.

J’ai été frappé, il y a quelques temps, en tombant sur cette citation du Cardinal Joseph Ratzinger, futur Pape Benoît XVI, qui écrivait peu de temps après le Concile Vatican II, c’est-à-dire dans les années 1965, les paroles suivantes qui me paraissent très prophétiques et très actuelles, et que je me permets de vous partager :

“Dans la crise actuelle, émergera une Église qui aura beaucoup perdu. Elle deviendra petite et devra plus ou moins, repartir à zéro. Avec la diminution de ses fidèles, elle perdra aussi une grande partie des privilèges sociaux. Ce sera une Église plus spirituelle, qui ne s’arrogera pas de mandat politique. Elle deviendra l’Église des indigents. Ce sera un long processus, mais quand tout le travail sera accompli, émergera un grand pouvoir d’une Église plus spirituelle et plus simplifiée. À ce moment-là, les hommes découvriront qu’ils habitent un monde d’une solitude indescriptible et, ils verront, ce petit troupeau de croyants, comme quelque chose de tout à fait nouveau. Ils le découvriront comme une espérance pour eux-mêmes, la réponse qu’ils avaient toujours cherchée en secret.”

Voilà des paroles qui me paraissent très actuelles dans ce que nous vivons aujourd’hui, dans notre Église.

Cet amour de Dieu pour l’homme, loin d’être un sentiment diffus et abstrait, est si concret qu’il participe à notre être mais aussi à nos souffrances et à notre mort. Le sacrifice de la Croix fait que nous sommes devenus “propriété de Dieu”, car le Sang du Christ nous a racheté de la faute, il nous a lavé du Mal, et il nous soustrait à l’esclavage du péché et de la mort. “Que personne, donc, s’il aime déjà, écrivait St Bernard, ne doute qu’il est aimé. L’amour de Dieu répond volontiers au nôtre qu’Il a devancé. Le Christ meurt et mérite d’être aimé. Parce que nous avons été aimés, nous aimons ; en aimant, nous méritons d’être aimés toujours plus profondément”.

Oui, frères et sœurs, l’amour de Dieu est un amour très concret, et un amour en vérité : c’est le second mot important. Amour en vérité !

Quand la Sainte Écriture nous parle de l’amour de Dieu, elle insiste davantage sur son incommensurable réalité que sur sa gratuité. “C’est par la grâce,  nous dit Paul,  que vous êtes sauvés, à cause de votre foi ; cela ne vient pas de vous, c’est le don de Dieu ! “

C’est gratuit !

C’est de cette foi en la Personne de Jésus dont nous avons à vivre, et selon les circonstances,  à témoigner dans le monde d’aujourd’hui. Une foi lumineuse, pas floue, une foi objective et subjective à la fois. C’est-à-dire englobant, non seulement ce que l’on croit, mais aussi ce que l’on vit ; en un mot : une foi existentielle, une foi personnelle.

Un ancien adage des premiers siècles de l’Église dit que “le christianisme, c’est se hâter vers la vérité” et Jésus nous dit que “celui qui fait la vérité vient à la lumière”.

Nous vivons dans un environnement culturel et social qui rejette, bien souvent, le fait qu’il puisse y avoir une vérité absolue. Il n’y a que des vérités relatives !

Nous sommes dans une ère que certains appellent une ère de “post vérité”, dans laquelle les faits objectifs ont moins d’influence sur l’opinion publique que ceux qui font appel à l’émotion ou aux croyances personnelles. Or, ce Jésus que nous voulons écouter, suivre, et aimer, dit quIl est la vérité.

C’est la Parole la plus humble qui soit. L’orgueil serait de dire : la vérité, je l’ai ; je la   détiens ; je l’ai mise dans l’écrin d’une formule. Or, pour nous, disciples du Christ, la vérité n’est pas une idée mais une Présence ; la vérité, Jésus l’est par tout son Être : sa voix, son souffle, ses regards, ses silences, ses gestes, et bien sûr, ses Paroles.

En ces jours qui nous conduisent à Pâques, renouvelons notre foi en Jésus, “le Fils du Dieu vivant” et comme le demande la collecte de ce Dimanche que nous avons entendue :

“Que Dieu augmente la foi du peuple chrétien, afin qu’il soit le sel de la terre et témoin de cet amour incommensurable de Dieu qui, en son Fils bien-aimé, nous a tout donné !”.

Amen !

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