Homélie du dimanche 13 décembre 2020 – 3ème Semaine de l’Avent De Gaudete – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs,

Lorsque Jésus, dans son discours après la Cène, livre à ses apôtres le plus profond de son cœur, Il ajoute : « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous et que votre joie soit parfaite ».

Dans l’Ancien Testament, la joie était considérée comme le signe d’une vie qui s’épanouit, caractéristique du Salut et de la paix à venir à la fin des Temps.

« Pousse des cris de joie, fille de Sion » – disons nous dans le prophète Sophonie – « Réjouis-toi, triomphe de tout ton cœur, fille de Jérusalem ».

Jean-Baptiste, en sa vocation de messager de la Parole, est imprégné de cette joie messianique dès le sein de sa mère. Il en est le premier bénéficiaire ; il est le plus beau visage de ce qu’annonçaient tous ceux qui l’ont précédé sur le chemin du prophétisme. Alors que son nom est souvent associé à celui de son illustre prédécesseur, le prophète Elie le Tishbite, Jean-Baptiste, lui, est déjà dans la douceur de l’Agneau pascal qu’il annonce.

« Voici l’Agneau de Dieu » – dira-t-il.

De lui, on ne dit pas comme d’Elie, qu’il fit « trois fois descendre le feu », ni « mener des rois à la ruine », ni « précipiter des hommes glorieux dans leur chute » – comme on lit dans le Livre du Siracide – mais bien plutôt qu’il vient, nous venons de l’entendre : « après Celui dont il n’est même pas digne de dénouer la lanière de sa sandale ».

Jean, qui qualifie les Pharisiens et les Sadducéens qui viennent se faire baptiser par lui, « d’engeance de vipères, semblables à des arbres qui ne produisent pas de fruits et qui vont être jetés au feu »… ce Jean là est aussi celui qui confesse, quand il parle de Jésus : « il faut qu’il grandisse et que moi, je diminue ! »

Il est celui dont Jésus témoignera en ces termes : « parmi les enfants des hommes, il n’y en a pas de plus grand ! »

Depuis le jour où Jean-Baptiste exulta de joie dans le sein d’Élisabeth, à la venue de la Mère de Jésus, enceinte du Messie, Jean est habité par cette joie que nul ne peut lui ravir. Et même lorsqu’il sera enfermé dans la prison de Machéronte, habité peut-être par le doute, ou du moins plongé dans la nuit de l’Esprit : « Es-tu Celui qui doit venir ? » – dira-t-il à ses disciples de demander à Jésus à ce moment-là – « Es-tu Celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? »

Celui que Jésus a désigné comme « le plus grand des enfants des hommes », ne laisse pas tarir en lui la petite flamme de la joie et de l’espérance, parce que l’Esprit Saint en lui protège la flamme de l’espérance, et donc de la joie !

Jean-Baptiste poursuit aujourd’hui dans l’Église en nos âmes, frères et sœurs, son ministère de « prophète de la joie ».

Origène nous le rappelle quand il écrit : « Quiconque doit croire dans le Christ Jésus, il faut qu’auparavant, l’Esprit et la vertu de Jean viennent dans son âme et prépare au Seigneur un peuple parfait, aplanissant les voies dans les aspérités du cœur, et redressant les sentiers ».

Voilà ce que Jean-Baptiste continue d’accomplir en nous-même, dans les âmes des croyants : aplanir le chemin, afin que ceux-ci s’ouvrent davantage à la grâce, et par la grâce, à la joie.

La joie que Jean-Baptiste nous partage, frères et sœurs, n’est pas celle que donne le monde, elle est d’un autre ordre, elle est théologale. La joie dont Jean témoigne, et dont il vit, est la joie de celui qui a trouvé celui que son cœur aime : « Quant à l’ami de l’époux » – dit-il – « il se tient là, il l’écoute, et la voix de l’époux le comble de joie ».

… C’est cette joie, qu’à notre tour, aujourd’hui, nous désirons recevoir en partage. Cette joie, à laquelle nous aspirons, n’est pas la joie bouffonne et superficielle que St Benoit condamne dans sa règle des moines.

Cette joie est un fruit de l’Esprit, parmi ceux que Paul énumère en Galates : « amour, joie, paix, patience, bonté, bienveillance, foi, douceur, maitrise de soi ».

Cette joie, dont Paul nous dit encore, qu’elle coïncide avec la charité : elle sait se cacher mais aussi pleurer avec celui qui pleure. Cela peut paraitre paradoxal, nous le savons bien, nous en fait l’expérience, les vraies joies ne sont pas étrangères aux larmes.

Ne dit-on pas d’ailleurs : « pleurer de joie » ?

Joie qui peut exister parfois avec le désarroi intérieur – comme Jean enchainé dans la prison – parce que nous nous savons aimés du Seigneur.

« Nous, nous ne sommes pas à l’étroit avec toi – écrivait le moine Gilbert de Hoyland – nous sommes à l’étroit à l’intérieur de nous-même ».

Comme Jean-Baptiste dans sa prison, Sœur Agnès Timar récemment décédée, fondatrice du Monastère de Kismaros en Hongrie, alors sous le joug communiste, n’écrivait-elle pas du fond de sa prison de Kalocsa, en 1961 : « Je ne veux vivre ni dans le monde des souvenirs du passé, ni dans les images heureuses de l’avenir, c’est le jour d’aujourd’hui que je veux rendre humain, beau, riche, d’une manière singulière ».

La joie, frères et sœurs, qui nous convie en ce Temps d’Avent… oui, est une joie qui nous vient d’ailleurs. Elle brille dans l’obscurité de la nuit de Bethléem. Elle nait de la foi et de l’espérance.

À nous qui savons d’où nous venons, et où nous allons, le Seigneur demande d’être les épiphanies de cette joie qui se lève à l’Orient.

Êtres fragiles, nous savons que la plus petite piqure d’amour propre peut taire en nous la source de la joie.

Que l’exemple et la prière de St Jean-Baptiste, précurseur du Messie, « prophète du Très-Haut » comme le chante le Cantique de Zacharie, nous accorde de participer dès ici-bas, dès aujourd’hui, à cette joie qui est le signe que la vie réussit, et dont la naissance de Jésus est l’accomplissement et la promesse.

Amen !

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