« Jésus parvint à une ville de Samarie nommée Sykar ».

Chers frères et sœurs, voici Jésus dans un lieu important pour les habitants de Samarie : Sykar est le centre religieux de cette région. C’est là que le peuple d’Israël s’est rassemblé pour le rassemblement de l’Alliance du Sinaï comme nous le lisons dans le Livre de Josué. C’est là aussi que s’est consommé le schisme d’Israël, Royaume du nord d’avec le Royaume de Juda au sud.

Et c’est près d’un puits que Jésus rencontre cette femme de Samarie. Les puitss dans la Bible ont une valeur mystique. C’est là qu’ont lieu des rencontres qui seront décisives pour la vie du peuple de Dieu. Près d’un puits, Isaac rencontre Rebecca qui deviendra son épouse ; Jacob rencontre Rachel ; Moïse rencontre Tsippora.

Une légende populaire, à laquelle la Samaritaine fait probablement allusion dans son dialogue avec Jésus, voulait que ce puits de Jacob retrouvé par les Hébreux au cours de leurs déplacements, voyait son niveau monter au-devant des besoins de ceux qui y puisaient.

La Samaritaine se demande si Jésus va renouveler ce prodige ? Les eaux du puits vont-elles en bouillonnant monter à sa rencontre ? Elle est bien loin de se douter que c’est une eau infiniment plus désaltérante et essentielle que Jésus va lui communiquer : « De son sein couleront des sources d’eaux vives »« Celui qui croit en moi, qu’il boive » dit encore Jésus.

Ce puits de Jacob est une image des fonts baptismaux d’où jaillissent des torrents pour la vie éternelle. Il est aussi assimilé à la Torah, la loi. Jésus apporte en sa Personne quelque chose de tout à fait nouveau. Avec Lui, la loi n’est plus un précepte extérieur – et Dieu sait si du temps de Jésus, la loi pouvait être pesante avec ses 663 commandements auxquels il faut obéir – mais Lui, Jésus, en sa Personne, est la loi nouvelle et définitive qu’il faut désormais aimer de tout son cœur, de toute son âme, de toutes ses forces, de tout son esprit.

Oui, Jésus, la loi nouvelle, est assis sur le puits, au bord de la loi ancienne. Il ne vient pas supprimer cette loi mais l’accomplir. Cette femme, elle-même à laquelle la Tradition a attribué le nom grec de Photina, à savoir « la lumineuse », cette femme va connaitre au contact de Jésus une nouvelle re-création. Jésus lui ouvre le chemin de vérité vers elle-même et vers le Père. Rencontrant Jésus, voici que Photina découvre sa véritable identité. Dès lors, courant à la rencontre de ses concitoyens de Sykar, de « femme-cruche » elle devient « femme-source » ! « C’est pour toi que Jésus est fatigué du chemin, commente st Augustin, nous connaissons Jésus puissance de Dieu et nous connaissons Jésus faiblesse de Dieu ! Jésus fort et Jésus faible ! …Jésus est faible dans la chair mais toi, ne sois pas faible. Dans sa faiblesse, toi sois fort ! Car l’infirmité de Dieu est plus forte que les hommes »

C’est par l’amour que Jésus rejoint Photina, la Samaritaine, là où elle peine dans son œuvre quotidienne d’aller chercher de l’eau dans le puits.

Le grand théologien de l’Antiquité chrétienne, Origène, aimait à dire que Dieu nous rejoint dans nos habitudes. Et voilà que la Samaritaine va au puits comme d’habitude. Cela pèse en elle. C’est ce pouvoir érosif du temps, du quotidien qui pèse sur elle : chaque jour la même chose, comme pour nous. Et elle demande à Jésus dans cette conversation d’être libérée de ce poids corrosif du quotidien. Jésus lui demande à boire ; et devant sa réponse interloquée, il lui dit : « Si tu savais le Don de Dieu et celui qui te parle, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive! ».

Jésus veut la hisser de ce quotidien vers une autre réalité : la réalité d’en haut qui fait que les déserts peuvent par la bénédiction de Dieu se transformer en eau jaillissante. Quatre fois, le prophète Isaïe dans son Livre le répète : « Le désert de la steppe sera, par la puissance de Dieu, transformé en source d’eau vive ». Et c’est Jésus qui donne cette source d’eau vive ! C’est Jésus qui est, en sa Personne, cette source d’eau vive ! Il dira peu après dans le Temple de Jérusalem : « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive… celui qui croit en moi, de son sein couleront des eaux vives ».

Ces eaux vives, frères et sœurs, c’est le Saint Esprit donné par la puissance du Christ Sauveur. C’est ce même Esprit que vont recevoir, dans la nuit de Pâques, des milliers de catéchumènes qui, à travers le monde, seront baptisés.

Enfin, et nous terminerons par-là, Jésus n’a pas peur de dire à Photina que le Salut vient des juifs. Le Concile Vatican II dans son décret intitulé « Dignitatis Humanae », n’a pas eu peur de dire que l’Église est la religion vraie. Il est juif ; tous ses disciples sont juifs ; la Vierge Marie est juive ; St Joseph est juif ; et pourtant Jésus veut conduire cette femme plus loin par rapport à cette opposition entre Samaritains et Juifs. Il montre qu’il y a une adoration en esprit et en vérité.

Nous sommes là sur les plus grandes hauteurs de la Révélation chrétienne. Cette élection du peuple Juif n’est pas pour le refermer sur lui-même, mais pour attirer à lui tous les hommes de bonne volonté pour qu’ils puissent boire à leur tour à la source. Adorer en esprit et en vérité, voilà pourquoi Jésus est venu donner le Royaume de l’Esprit à chacun mais par et à travers l’élection des Juifs, et à partir d’eux par l’élection des chrétiens qui, en quelque sorte, deviennent le « point d’orgue ». De cette élection, de ce choix privilégié de l’Église, l’Épouse Immaculée du Christ, nous n’avons pas, comme dira st Paul dans une autre occasion à propos des Juifs, « à tirer orgueil ». Cette élection : c’est entièrement donné par Dieu ! Entièrement gratuit ! De même l’élection des Juifs, nos frères ainés dans la foi, comme les a appelés st Jean Paul II.

Par contre, nous avons, nous chrétiens, à devenir comme Jésus y invite la Samaritaine, des adorateurs en esprit et vérité. La parole de st Augustin est toujours valable aujourd’hui comme hier : « Si tu crois comprendre ce qu’est Dieu, tu comprends autre chose à la place de Dieu ! ». Mais par la foi, Don gratuit de Dieu, nous pouvons devenir à la suite de la Samaritaine, des adorateurs en esprit et vérité de Celui que nous appelons « Notre Père », parce que par la mort et la résurrection du Christ, nous sommes devenus fils de Dieu pour que notre joie soit parfaite, mais aussi pour en être les témoins crédibles et convaincus à travers le monde.

Amen !

Historique de nos Homélies