Homélie du dimanche 12 juin 2022 – Sainte Trinité – Année C

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé

 

Chers frères et sœurs, avec la solennité de la Sainte Trinité, huit jours après la Pentecôte, voici bouclé le déploiement du mystère de notre foi chrétienne.

Durant le carême, nous avons fait mémoire du peuple hébreu, du Peuple de Dieu, conduit dans le désert durant quarante ans, depuis l’Égypte, jusqu’à son entrée dans la Terre Promise : c’était la main du Père, bienveillante pour son Peuple qu’il accompagnait ; la main du Père parfois sévère quand ce peuple s’égarait sur des chemins de mort.

Durant la semaine Sainte, nous avons contemplé la grande œuvre du Fils de Dieu parmi les hommes : Jésus qui par sa Passion, sa mort, sa Résurrection, son Ascension, sa glorification, nous a ouvert les portes du Royaume des cieux.

Puis cinquante jours après, dimanche dernier à la Pentecôte, Dieu manifestait le cœur de son Cœur, en nous communiquant l’Esprit Saint, c’est-à-dire son Amour. Comme nous l’a dit st Paul dans la deuxième lecture : « L’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ».

Aujourd’hui, en cette solennité de la Sainte Trinité, la boucle est, peut-on dire, achevée (pour autant qu’elle s’achève). Les trois Personnes divines sont non seulement à l’œuvre dans le monde (elles le sont de toute éternité avant même la création du monde), mais les trois Personnes ont désormais pour nous un nom, un visage. À la source, au principe de tout : le Père de qui tout vient et vers qui tout retourne ; le Fils, Jésus Christ, venu parmi les hommes pour faire connaitre son Père ; mieux : pour nous introduire dans une relation filiale avec lui, « car tout ce que j’ai reçu du Père, je vous l’ai fait connaitre », dit-il.

Que manquait-il à cette révélation du visage de Dieu ? Celui-là même que Jésus en mourant sur la croix, et en nous l’insufflant à la Pentecôte, a répandu dans le monde, dans le cœur de ses disciples et dans le cœur de chacun de nous : le Saint Esprit. Chacun de nous porte en soi le reflet de cette communauté d’amour qui est Dieu : Père, Fils et Saint Esprit. Il y a en moi, en chacun de nous, trois affirmations fondamentales qui reflètent la Trinité : Je suis ; Je connais ; et Je veux.

St Augustin le dira dans ses fameuses confessions en une phrase lapidaire dont il a le secret : « Je suis celui qui sait et qui veut ; je sais que je suis et que je veux ; je veux être et savoir ».

La foi en Dieu Trinité nous fait découvrir le dialogue entre « être, savoir et vouloir » ; en dehors duquel on n’est pas une personne humaine en relation avec les autres. La foi en Dieu Trinité conduit chacun à soi-même en le conduisant vers les autres dans un même mouvement, et chacun de nous vers les autres en le conduisant à soi-même. Oui, il y a en nous une structure, un ordre Trinitaire, qui fait que chaque personne est en communion avec les autres.

Être en communion les uns avec les autres, comme les trois Personnes divines sont en communion l’une avec les autres, n’est pas : 1 + 1 + 1 = 3, soit trois individualités qui se rassemblent… non ! La communion chrétienne ce n’est pas cela, puisque c’est l’amour, l’Esprit Saint, qui est le principe, qui est à la source de cette communion ; il y a une interpénétration ; il y a, comme disent les théologiens, comme une danse tournante entre ces trois composantes qui me structurent : « je suis, je connais et je veux ! »

Je sais qui je suis, d’où je viens, et où je vais. Je veux, je choisis, j’aime me donner et marcher avec d’autres. C’est cela la communion des enfants de Dieu que Jésus nous a enseignée, et que lui-même a vécu dans le sein du Père en sa nature divine, et parmi les hommes en sa nature humaine.

Je crois que c’est un écrivain du siècle passé, Paul Valéry, qui écrivait : « Un homme seul est toujours un homme en mauvaise compagnie ». Nous sommes, oui, créés à l’image de Dieu Créateur ; à l’image de Dieu, comme disent les Pères de l’Église, non seulement par notre intelligence qui est le reflet de l’intelligence divine – ne l’oublions pas, par notre liberté qui est le reflet de la liberté divine, par l’immortalité de l’âme qui nous fait participer à l’immortalité de Dieu, par la domination sur la nature – non pas pour l’exploiter mais pour la cultiver (comme nous l’apprend le livre de la Genèse) – mais à l’image de Dieu, encore et surtout, par ce qui en nous, nous échappe, est incompréhensible.

Car la foi chrétienne a toujours soutenu qu’entre Dieu et nous, entre son Esprit créateur et notre raison créée, il existe une ressemblance véritable ; ressemblance où les dissemblances sont infiniment plus grandes que les ressemblances ; sans pour autant supprimer la relation réelle entre Dieu et nous. Un oiseau, un cheval, une coccinelle… c’est merveilleux, mais ils ne sont pas créés à l’image et à la ressemblance de Dieu. Dans le cosmos, dans l’univers entier, seuls l’homme et la femme sont créés à l’image et à la ressemblance de Dieu, et cela, il ne faut pas l’oublier !

Par l’amour, nous pouvons rejoindre Dieu en allant plus loin que la connaissance, plus loin que la pensée ; car là où la raison dit « je m’arrête, je bute », l’amour, lui, dit « je passe, je vais plus loin ». Le dernier mot est toujours à l’amour.

Nous ne sommes pas le centre du monde, cette fête de la Trinité, aujourd’hui, nous le rappelle. Alors que les scientifiques, aujourd’hui, parlent (pardonnez-moi le nom barbare, je répète ce qu’ils disent)… parlent de l’anthropocène, terme qu’ils utilisent pour signifier que les activités de l’homme ont désormais la puissance de modifier la terre et son évolution : l’homme tout-puissant… nous voulons quant à nous, disciples de Jésus-Christ, mettre Dieu Créateur, Dieu-Trinité, au centre de tout ce qui existe et être dépendants de ce Dieu Trinité, non seulement être dépendants mais aimer cette dépendance.

Cette dépendance, frères et sœurs, à l’égard de Dieu, non seulement nous la constatons en nous et autour de nous, mais nous l’aimons nous la voulons et nous la chérissons. Cette dépendance à l’égard de Dieu-Trinité-Amour, est source de liberté. En langage chrétien, ‘dépendance’ est synonyme de ‘liberté’ – et nous savons bien que, dans le monde d’aujourd’hui, en disant cela nous allons un peu à contre-courant.

Que l’Amour de Dieu répandu dans nos cœurs par le Saint Esprit porte beaucoup de fruits pour la gloire de son Nom, pour le service de l’Église qui nous l’a fait connaitre, et aussi avant tout pour le service de tous nos frères et sœurs, en humanité à qui nous voulons humblement mais avec foi partager ce grand trésor de notre foi : Dieu, Père, Fils et Saint Esprit,

À Lui soient toute gloire et tout honneur pour les siècles des siècles. Amen !

Historique de nos Homélies

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