Le temps de l’Avent et en particulier ce troisième dimanche où retentit la célèbre injonction de Paul : «  Soyez dans la joie du Seigneur, soyez toujours dans la joie. Le Seigneur est proche ».

Serait-il déconnecter du réel alors qu’on nous parle de guerre en Ukraine et ailleurs, de mouvements sociaux, de relents de pandémies et autres maux qui ne manquent pas à travers le monde. N’est-ce pas « déplacé » dans ce contexte de proclamer haut et fort avec Paul : « Soyez dans la joie  du Seigneur ! Soyez toujours dans la joie ».

En proclamant la joie du Seigneur qui vient à Noël, mémoire de sa venue historique il y a plus de deux mille ans, l’Église ne s’évade pas des tribulations du monde que nous avons évoquées, elle ne les dissimule pas, elle les transcende. À l’opposé de certaines spiritualités qui s’efforcent d’enseigner à l’homme d’oublier la souffrance, la Révélation chrétienne la prend à bras le corps pour lui donner un SENS. La Croix du Seigneur n’est pas un chemin qui s’impose comme un carcan à porter, elle est une voie de salut offerte à la liberté de l’homme ; et cela, seule la foi peut le percevoir.

Il est saisissant d’entendre la Parole de Dieu tout au long de l’Histoire du salut, retentir comme une hymne d’espérance et de joie, alors que les évènements historiques disent que tout va mal… « Sur fond de ruines, le Salut ! »

Nous avons entendu Jean Baptiste envoyer des disciples auprès de Jésus pour lui demander s’il est vraiment le Messie, « Celui qui doit venir ». Jésus ne réponds pas « Oui, je suis le Messie » mais il dit : « Voyez mes œuvres : les aveugles voient, les boiteux marchent… les sourds entendent ». Les faits parlent d’eux-mêmes plus que les paroles. Les œuvres, les actions que Jésus accomplit, révèlent qu’il est bien le Messie « l’Envoyé du Père », car toutes ses actions réalisent ce que les prophètes annonçaient.

Le sens de la question du Baptiste ne concerne pas tant la personne même de Jésus comme Messie que les modalités de réalisation du messianisme.

St Hilaire de Poitiers dit que : « La question de Jean Baptiste n’est pas pour combler sa propre ignorance mais celle de ses disciples… Ainsi les œuvres du Messie authentifieraient les dires de Jean et ses disciples n’attendraient pas un autre Christ que celui auquel ses œuvres rendraient témoignage ».

La bonté et la beauté des œuvres de Jésus parlent d’elles-mêmes. C’est St Bernard qui dit : «  Ce que l’on fait parle plus fort que ce que l’on dit ». En ses actes se révèle la plénitude de la divine charité ; alors les prophéties qui parlent de lui s’éclairent de l’intérieur. Ce ne sont pas les prophéties qui révèlent Jésus, c’est Jésus qui en sa Personne révèle le vrai sens des prophéties en les accomplissant.

Avec l’avènement de Jésus, c’est vraiment une terre nouvelle qui se lève. Cette nouveauté de la venue de Jésus n’a pas vieilli d’une ride depuis deux mille ans ! Elle a gardé toute sa fraicheur. C’est le cœur de l’homme qui est appelé à se convertir pour accueillir la fraicheur et la nouveauté de la Bonne Nouvelle aujourd’hui.

« En nous donnant son Fils, le Père nous a dit toutes choses en une seule fois ; par cette seule Parole, il n’a plus à parler » écrit St Jean de la Croix. St Jacques dans la deuxième Lecture, nous parlait du cultivateur qui attend les produits précieux de la terre avec patience. Et il poursuivait : « Prenez pour modèles d’endurance et de patience les prophètes qui ont parlé au nom du Seigneur». Parmi eux, Jean Baptiste qui nous est donné pour modèle d’endurance et de patience dans l’obscurité de son cachot jusqu’à ce qu’il rende le témoignage ultime du martyre.

« Es-tu Celui qui doit venir ? »

Cette question est celle d’un homme qui ne sait plus ce qu’il doit penser. Et quand on ne sait plus, c’est le temps de la foi… « La nuit de la foi » dont parlent St Jean de la Croix et les mystiques. Alors la confiance gardée en la Parole de Dieu reste le seul guide et le seul appui dans la cécité, et même la surdité, purifiantes de l’Esprit par lesquelles doit passer le serviteur et le messager de Dieu dont parle Isaïe au chapitre 42.

Mais il est une vertu qui va de pair avec l’endurance et la patience, c’est la vertu d’espérance. Le temps de l’Avent, c’est aussi le temps de l’espérance ! Charles Péguy écrivait que « L’espérance est une petite fille de rien du tout qui est venue au monde le jour de Noël de l’année dernièreC’est elle, cette petite qui entraine tout ; car la foi ne voit que ce qui est ; et elle, elle voit ce qui sera ».

Qu’est-ce-que cela veut dire qu’espérer au sens chrétien du terme ?

St Augustin a bien exprimé cela en écrivant : « à quoi sert la bonne vie si elle n’aboutit à la vie éternelle ? »

Avant lui, Jésus avait dit : « Quel avantage un homme aura-t-il à gagner le monde entier, s’il se perd ou se ruine lui-même ? »

Voilà où intervient la réponse de la vertu d’espérance et en quoi elle diffère du simple espoir : elle nous assure que Dieu nous a créés pour la vie et non pour la mort, et que Jésus est venu nous révéler la vie éternelle et nous en donner la garantie par sa résurrection.

La foi des premiers chrétiens en la vie éternelle était quelque chose de vraiment révolutionnaire au début du christianisme. On explique ainsi pourquoi l’idée et les symboles de la vie éternelle sont si fréquents dans les sépultures chrétiennes des catacombes. Alors qu’à cette époque l’empereur romain Hadrien composait une épitaphe pour son tombeau où, s’adressant à son âme, il l’invitait à jeter un dernier regard sur les beautés et les distractions de ce monde avant de descendre dans les lieux pâles, durs et nus de l’Hadès, les chrétiens, eux, écoutaient Pierre les invitant à rendre compte de l’espérance qui est en eux ; et l’auteur de la Lettre aux Hébreux : « Cette espérance nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ».

Aujourd’hui, frères et sœurs, nous avons besoin que notre espérance soit régénérée ; rien ne peut se faire sans espérance. Les gens vont là où on respire l’air de l’espérance, et fuient là où ils n’en sentent pas l’espérance.

C’est l’espérance qui donne aux jeunes du courage de fonder une famille ou de répondre à une vocation sacerdotale ou religieuse – comme Joris qui hier a été ordonné prêtre pour le diocèse d’Avignon.

La parole de st Paul : « Que le Dieu de l’espérance vous remplisse de toute joie et de paix dans la foi, afin que vous débordiez d’espérance par la puissance de l’Esprit Saint »… par la puissance de l’Esprit Saint… non par nos propres efforts !

« Nous avons besoin des espérances – des plus petites et des plus grandes – qui, au jour le jour nous, maintiennent en chemin » écrit Benoit XVI dans Spe Salvi.

Ce Dieu, ce dimanche, marqué par la joie de l’approche de Noël, nous y invite de façon pressante.

Laissons-nous saisir par elle.

Amen !

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