Chers frères et sœurs,

En ce dimanche de mi-carême, l’évangile de St Jean nous découvre à travers la rencontre nocturne de Jésus avec Nicodème, le mystère de la Croix.

Ce Nicodème, nous le savons d’après le passage de l’évangile qui précède, est un chef de prêtres, membre du Sanhédrin. Le Sanhédrin étant l’assemblée restreinte de prêtres du Temple, ayant l’autorité religieuse sur le peuple d’Israël. Nicodème, émerveillé à cause des miracles-signes opérés par Jésus, vient lui déclarer sa foi en secret : Il est bien envoyé par Dieu pour enseigner l’avènement du royaume, mais il comprend mal son attitude d’instructeur pour cette bonne nouvelle, sans doute parce qu’il reste figé comme les disciples à une conception messianique trop matérielle.

Percevant la droiture et le désir de Nicodème de s’ouvrir au mystère de l’avènement du Règne de Dieu, Jésus va tenter de l’éveiller – et même en quelque sorte de le « catéchiser » – avec l’accent des prophètes Jérémie et Ezéquiel sur cette nécessité de choisir entre la lumière et les ténèbres, et d’opérer une conversion radicale de l’intelligence et du cœur ! : « Je mettrai en vous ma loi, je l’écrirai dans vos cœurs ; je vous donnerai un cœur nouveau, et placerai au-dedans de vous un esprit nouveau », et mieux encore finalement : « Je déposerai en vous mon propre Esprit ». Telle est en effet la réponse que Jésus va donner à Nicodème : pour naitre de nouveau ; il faut poser un acte de foi complet, en se dépouillant de tout.

Ce sera de notre part un baptême de longue haleine, en se laissant purifier par l’eau claire et courante du fleuve de la grâce du Christ, à travers toutes les circonstances de la vie, à tous les niveaux de nous-même, et aussi à toutes les influences fausses ou mauvaises de notre entourage, pour pouvoir accueillir l’Esprit qui vient d’en Haut. Ce n’est que par cette remise totale et confiante de soi en Dieu, qu’on pourra véritablement s’affranchir de l’esprit antagoniste du monde. Il convient donc d’accepter de mourir à soi, d’être dérouté, pour naitre à l’Esprit de Dieu. Cette attitude de conversion plutôt laborieuse devra être confirmée sur notre chemin en Église, c’est à dire par le Christ lui-même puisqu’Il est notre pédagogue et notre chef.

C’est alors que Jésus révèle à Nicodème de manière prophétique et eschatologique, par une sorte de démonstration inimaginable, le signe paradoxal de l’Amour de Dieu envers l’homme pécheur. Il met en parallèle l’élévation symbolique salvatrice du serpent de bronze, et celle d’apparence insensée qu’Il évoque, du Fils de l’homme qui sera crucifié. Selon le dessein du Père, en effet, le Christ s’identifiera par substitution à l’humanité, en vue du rachat des coupables désireux d’un salut. Il rappelle de ce fait à Nicodème ce passage du livre des Nombres qui relate la révolte des hébreux contre Dieu au désert, où le Seigneur dit à Moïse que les israélites mordus par le serpent maléfique regardent le serpent rédempteur – qui est la figure anticipatrice du Christ Sauveur selon la tradition des anciens Pères.

En guérissant leur corps, Il guérissait aussi leur âme de l’incrédulité, car c’est bien le regard porté avec foi sur « le signe du Salut » qui nous obtient le pardon.

Le Seigneur nous invite donc à contempler la Croix ; attitude difficile, car de prime abord la Croix nous répugne, elle nous effraie parce que nous y voyons l’instrument de supplice, plutôt que d’apercevoir Celui qui y est suspendu comme source du Salut.

Il nous est demandé seulement de tourner notre regard, de poser un acte de foi et de reconnaissance, sachant par la fin de l’évangile que le Christ a vaincu par la Croix, le Mal jusqu’en sa racine. C’est la reconnaissance de nos fautes en vérité qui nous vaut d’être pardonnés, de pouvoir rentrer en grâce, et de vivre désormais dans la lumière de l’Esprit qui divinise.

Frères et sœurs, nous n’avons pas seulement l’espérance d’être libérés de nos fautes et sauvés de la mort, mais aussi d’être unis à Dieu pour l’éternité. Qu’il puisse en être ainsi !

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