« Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre d’avoir caché cela aux sages – et aux habiles (aux intelligents) – et de l’avoir révélé aux touts petits »
Chers frères et sœurs, ce verset de l’évangile que nous venons d’entendre est le plus cité par st Bernard dans son œuvre. L’Esprit Saint avait fait comprendre à st Bernard que pour entrer, pour participer à la vie divine, ce n’est pas un fait de connaissance mais d’amour (pour autant qu’il est possible à nous créatures humaines d’entrer dans le mystère de Dieu). Les deux cependant ne s’opposent pas ; comme dit le Pape st Grégoire le Grand : « l’amour lui-même est connaissance ».
Au cœur de la relation entre Jésus et son Père, il y a la filiation. Jésus est le Fils bien aimé du Père, la voix qui se fait entendre au jour du baptême « Celui-ci est mon Fils bien aimé », agapetos, « écoutez-le ».
L’écoute est d’autant plus fine, que celui qui écoute a une âme de disciple. Le disciple ne cherche pas à mettre la main sur un savoir, il est tout accueil, il est disponibilité, il est tout en creux. Toute sa vie, Jésus a été l’enfant bien aimé du Père. Il l’est de toute éternité ; depuis sa résurrection d’entre les morts – qui est une réalité historique, rappelons-le, et non une métaphore – Jésus qui siège à la droite du Père, demeure pour l’éternité, le Fils bien aimé du Père ; et c’est là toute sa joie ; et sa joie est parfaite.
C’est cette attitude filiale à l’égard du Père, qui nous est aujourd’hui proposée par Jésus ; imiter Jésus qui met sa joie dans son attitude, dans sa vocation filiale. Au niveau biologique, nous savons qu’un père ne sera un bon père, que s’il a été lui-même un bon fils. La vie nous montre ici et là qu’un fils qui, toute sa vie aura été pour une raison ou pour une autre en conflit, voire en rébellion avec son père, risque de rencontrer de grandes difficultés, quand devenu père à son tour, il devra entrer dans une nouvelle relation à assumer : être père d’un fils.
Jésus n’a jamais désiré prendre la place de son Père. Sa joie d’être fils est parfaite ; celle de demeurer l’enfant bien aimé du Père.
Et nous qui nous efforçons de vivre à son école, nous désirons nous aussi entrer dans une relation de plus en plus filiale avec notre Père du Ciel. Nous y entrons en mettant nos pas, j’irai jusqu’à dire en plaçant notre cœur, dans la filiation du Fils. Pour suivre le Christ sur son chemin, il faut qu’en nos vies, l’Esprit Saint prenne les commandes. « Si par l’Esprit, vous tuez les agissements de l’homme pécheur, vous vivrez » nous a dit Paul. « Cette sagesse de la vie selon l’Esprit, écrit st Bonaventure le grand théologien franciscain, personne ne la connait sauf celui qui la reçoit ; personne ne la reçoit sauf celui qui le désire ; personne ne la désire sauf celui qui est enflammé intérieurement par l’Esprit Saint envoyé par le Christ sur terre. »
Le chemin de la connaissance de Dieu auquel nous invite Jésus dans l’évangile de ce jour, est avant tout un Don de l’unique Esprit, par le Fils unique jusqu’au Père.
St Basile, l’un de nos pères dans la foi, écrira : « La bonté naturelle, la sainteté de la nature et la dignité royale de Dieu, s’écoulent du Père par le Fils jusqu’à l’Esprit ». Autrement dit, pour nous créatures humaines, tout Don de Dieu part du Père, passe par le Fils, et arrive en nous dans l’Esprit Saint ; cet Esprit que nous avons reçu par le sacrement de baptême et de confirmation.
Vivre en chrétien, frères et sœurs, c’est s’efforcer, avec la grâce de Dieu, de répondre à ce Don par un chemin d’inversion ; pour nous, créatures humaines, tout commence par la vie dans l’Esprit, passe par le Fils et retourne au Père. Notre vie n’étant finalement qu’un grand pèlerinage de retour à la Source.
« En toi toutes nos sources » chantons nous dans un psaume.
Sur ce chemin de retour vers le Père : « le Seigneur soutient tous ceux qui tombent, il redresse tous les accablés » comme l’a chanté le psaume de la liturgie de ce jour.
La Parole de Dieu qui chaque jour nous rassasie, le Pain de vie de l’Eucharistie, mais aussi et ce n’est pas le moindre des secours, la communion fraternelle, cette fameuse koinônia dont nous parlent les Actes des apôtres… tout cela nous fortifie sur cette route de retour vers le Père ; et nous n’y sommes pas seuls ! La catholicité de l’Église nous porte et nous encourage à aller de l’avant.
St Benoit nous dit à la fin de sa Règle : « …Alors, tu parviendras avec la protection de Dieu aux plus hautes cimes de la doctrine et des vertus ».
Chaque jour, je commence ; chaque jour nous recommençons ce pèlerinage dans la vie dans l’Esprit, dans la force de l’Esprit, et c’est notre joie profonde dont nous voulons témoigner tout au long de notre vie. Amen !