Frères et sœurs bien aimés, en ce premier jour de l’année, nous recevons cette année nouvelle, ce temps, comme un don de Dieu, un cadeau du Seigneur, un don de Dieu ; mais aussi nous recevons notre être qui s’inscrit dans le temps, notre être, notre personne, notre vie comme un don. Nous nous recevons de Dieu, nous ne sommes pas la source de notre être et de notre vie, nous la recevons de Dieu et de nos parents. Ainsi dans la chaine de l’humanité, Dieu donne la vie à travers la collaboration des êtres humains, des hommes et des femmes, ainsi la croissance de l’humanité se répand à travers l’histoire humaine.

Oui, ce don du temps, ce don de la vie, ce don de l’être, s’écrit et s’inscrit dans le temps, dans un temps précis pour chacun et chacune d’entre nous : une époque, des lieux, une culture, une famille, un donné génétique, bref, une vie humaine classique, la vie !

Ce don du temps, ce don de la vie, a cinq caractéristiques : l’aspect central de notre vie chrétienne comme nous le rappelait la deuxième lecture quand st Paul nous dit : « Vous êtes devenus fils de Dieu et cohéritiers du Christ », et dans son prologue, st Jean au verset 12 nous redit cela, c’est que nous devenons enfants de Dieu ; c’est l’aspect essentiel de notre vie chrétienne ; nous rentrons dans la filiation de Dieu ; Dieu nous adopte. Nous demeurons créature, et en tant que créature, nous adorons Dieu parce que Dieu est Dieu ; il est la source de notre être, de notre vie ; c’est Lui qui nous donne tout. Nous nous recevons de Lui et nous Lui rendons sa grâce : nous Lui rendons grâce ; comme disait Sainte Claire d’Assise au moment de mourir : « Merci, Seigneur, de m’avoir créée ! ».

Oui, nous adorons Dieu, c’est la caractéristique essentielle. Nous nous recevons de Dieu mais l’élément essentiel de notre vie chrétienne est cet aspect de la filiation de Dieu. Nous sommes adoptés par Dieu pour devenir ses enfants, ses fils et ses filles dans le Fils unique qui est Jésus, qui prend chair de Marie. Ce que nous fêtons aujourd’hui dans cette octave de Noël, dans cette solennité de Marie, Mère de Dieu, Mère de l’Église.

Oui, nous nous recevons de Dieu, et nous devenons enfant de Dieu ; mais cette filiation s’inscrit dans un mystère d’Alliance : déjà avec Noé, déjà avec Abraham au niveau historique et tout le développement de la première Alliance. Cette filiation n’est pas statique. Nous sommes enfants de Dieu dans une forme de co-responsabilité, de correspondance à l’égard de ce que Dieu nous donne : un mystère d’Alliance.

Oui, créature aimée de Dieu, créature surélevée pour devenir enfant de Dieu dans le Fils unique tout en restant créature. Au niveau de l’être il y a un infini qui nous sépare de Dieu ; au niveau de l’amour, il y a une égalité. C’est le grand mystère de la vie chrétienne et de la création de l’humanité. Mais aussi cette Alliance se manifeste sous un aspect sponsal.

Nous nous recevons de Dieu et nous nous ouvrons à Dieu dans une attitude de réceptivité de l’amour de Dieu pour y répondre de manière adulte. L’attitude filiale ne supprime pas mais s’épanouit, s’élargit dans cette attitude de fécondité par rapport à l’action de Dieu dans notre vie. Et cet aspect d’Alliance, et cette attitude sponsale dans cette Alliance, nous ouvre à une maturité de vie humaine et surtout surnaturelle, c’est-à-dire notre vie spirituelle ouverte à la puissance de la grâce trinitaire.

Oui, nous recevons de Dieu, nous sommes créature aimée ; nous sommes réellement enfant de Dieu et cohéritier avec le Christ, c’est-à-dire frère de Jésus : Il est notre frère ainé… Et ce n’est pas une image, c’est une réalité profonde. Mais cette réalité de filiation se vit dans un mystère d’Alliance, c’est-à-dire de correspondance entre deux partenaires, deux parties qui font Alliance et qui comptent l’une sur l’autre. Dieu compte sur nous !

Ce mystère d’Alliance s’épanouit dans un mystère sponsal, comme une relation d’époux et d’épouse, évidemment au niveau d’une image qui par analogie est transposée de manière infinie en Dieu, mais il y a un mystère, une réalité, une base. Ce mystère de sponsalité s’épanouit en mystère de fécondité. Ce sont les cinq caractéristiques… et nous retrouvons cela dans le mystère de la Vierge Marie ; et nous le retrouvons dans le mystère de l’Église ; et nous le retrouvons dans le mystère de chaque être humain, de chaque âme par rapport à Dieu.

Oui, une Alliance concrète et vivante, non pas éthérée, platonique. Ce temps qui devient comme la matière (la pâte à modeler, si j’ose dire, ou la glaise, l’argile, comme le potier !), qui devient la matière qui permet la rencontre avec Dieu et avec nos semblables. Le temps qui permet et ouvre à l’histoire. L’histoire n’est autre que le temps habité par Dieu et par les hommes.

Cette histoire qui est une histoire aussi de blessure, de péché – regardons la situation actuelle : une histoire douloureuse, de crimes, de sang – est une histoire, avant tout fondamentalement, une histoire Sainte. Une histoire Sainte pour chacun et chacune d’entre nous, avec une histoire unique ! Il n’y a pas de clonage dans la sainteté ! Chacun est unique dans l’histoire du monde ; et nous sommes appelés à vivre cette histoire Sainte à la fois au niveau personnel et communautaire, c’est-à-dire au niveau de l’Église.

Le Seigneur a créé. Il a fait l’acte créateur, non seulement du cosmos, du monde angélique et de l’humanité, pour justement nous faire participer à sa vie divine, pour que nous devenions ses enfants en Esprit et vérité, et pas simplement ses créatures. Il y a une surélévation. Et malgré le péché originel et nos péchés personnels (cette somme inimaginable de torrent de boue dans l’histoire de l’humanité n’impressionne pas le Seigneur), il envoie son Fils pour nous racheter. Et l’acte rédempteur, qui nous sauve par la mort, par la passion du Christ, par sa résurrection et son ascension, est une ressaisie de l’acte créateur. Non pas une nouvelle création mais à partir de la création, de la nature blessée, abimée, le Seigneur nous ressaisie, nous recréée afin de nous introduire, et d’achever en nous ce qu’il voulait, dans l’acte créateur initial.

Oui, une ressaisie. Oui, une recréation mais qui est une ressaisie à partir de l’acte créateur, non pas à partir de rien. Cette recréation nous est donnée par le Père dans le don de son Fils que nous recevons aujourd’hui par Marie, dans la puissance de l’Esprit Saint qui nous ressaisie et qui nous fait vivre en communion avec Jésus, et au sein de l’Église, afin de vivre en vérité de la vie du Seigneur, mort et ressuscité. Le cycle liturgique est là pour nous faire participer en vérité, en réalité, au mystère de la vie du Christ… et pas simplement un disque enregistré qu’on remettrait chaque année pour vivre ! pas du tout. D’où la nécessité vitale de pratiquer.

Quand on dit : « je suis croyant mais pas pratiquant »… c’est une absurdité. Je ne juge pas les personnes, mais il y a une incohérence ou une non compréhension de la réalité.

D’où la nécessité de vivre de la vie liturgique, de la vie sacramentelle, afin de vivre vraiment de la vie de Dieu qui nous est communiquée par l’Église, qui est l’épouse et la servante du Christ, et qui comme Mère enfante les êtres humains à la vie trinitaire. L’Église n’est rien d’autre que la communion de ceux et celles qui vivent de la grâce de Jésus, qui vivent de la grâce de la Trinité Sainte. C’est l’humanité ressaisie, recréée, par le Seigneur. L’humanité nouvelle ! Pas une autre humanité. La même humanité mais surélevée, purifiée, sauvée, rachetée, et qui est immergée dans la puissance de l’Esprit Saint pour vivre vraiment ici-bas dans la foi, l’espérance et l’agapè, et nous préparer à la plénitude de la vie dans le Royaume des cieux, qui est notre but initial et notre but terminal : le terminus de notre vie et de l’histoire de l’humanité.

Oui, frères et sœurs, le temps est un don, un cadeau. Au fond, le temps a quelque chose de sacré. Nous sommes appelés à bien employer notre temps ; non pas de manière maniaque mais de manière profonde, enracinés dans ce cadeau ; ne pas gaspiller ce qui nous est donné par Dieu. Le temps est précieux.

Le temps qui nous permet la fidélité, qui est sans doute l’un des plus beaux cadeaux que nous pouvons faire à Dieu et à nos frères et sœurs.

Oui, la fidélité de ceux et celles qui demeurent présents à travers et au-delà des aléas de la vie. La fidélité qui suppose la durée, la patience, la pénibilité, et qui ouvre à la fécondité ; il n’y a pas de fécondité sans durée. L’enracinement qui permet la croissance mais aussi la sécurité, la protection et le milieu vital, pour permettre l’épanouissement de chacun. En fêtant Sainte Marie Mère de Dieu en ce premier jour de l’année (qui est toujours aussi consacré à la prière pour la paix dans le monde et il y a matière à prière), nous contemplons et nous accueillons en même temps, le Verbe de Dieu qui a pris chair en Marie par la puissance du Saint Esprit. Le Verbe éternel qui entre dans le temps et qui se fait petit enfant, qui se fait fœtus, qui va devenir adolescent, adulte ; et qui va offrir, livrer sa vie pour notre salut ; et venir à nous pour nous préparer à rentrer dans les demeures que notre Père du ciel nous a préparées dans son Royaume.

En Jésus, Christ et Sauveur, le temps et l’éternité se rencontrent et sont unis. L’infini de Dieu s’unit à l’indéterminé de la petitesse humaine pour la transformer. Dieu seul est infini.

Avec la Présence du Seigneur Jésus, chaque instant de notre temps, chaque miette, chaque fraction de seconde du temps, devient, et peut devenir de manière intense, une participation à l’éternité de Dieu, reçue et aimée comme un don gratuit, gracieux, afin que chaque être humain et toute humanité puisse être divinisée. Le but de l’acte créateur et le but de l’acte rédempteur est la déification de l’être humain, notre divinisation par l’action de l’Esprit Saint, don du Père par le Fils. La vie d’un homme, d’une femme, de tout être humain, le parcours d’un être humain, le chemin mystérieux de son existence (on reste un mystère à soi-même) avec sa simplicité, sa répétitivité parfois sa langueur, est comme surélevé par la présence du Seigneur Jésus qui se rend présent dans le cours du temps, dans le cours de notre vie, le déroulement de notre vie, en nous ouvrant à l’infini de son éternité.

Et cela nous donne l’acuité pour regarder les autres d’un regard nouveau, de les voir déjà dans l’éternité.

Et de mettre en œuvre toutes les œuvres de miséricorde spirituelles et matérielles pour les aider à accomplir leur chemin. Sans oublier cette phrase fondamentale du Seigneur : « Tout ce que vous avez fait ou que vous n’avez pas fait à l’un de ces petits qui sont mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait ».

En ce premier jour de l’année, frères et sœurs, remercions le Seigneur. Disons-lui merci pour le don de la vie, pour le don du temps et pour le don de cette année 2024 qui s’ouvre, qu’il nous offre, et qu’il nous partage en quelque sorte. Merci pour cette aventure de vie. Le Seigneur veut nous stimuler ; il attend notre réponse ; nous ne sommes pas là : statique devant lui, parce que Dieu est infini… non ! Il nous appelle à rentrer dans cette amitié, dans cette filiation, dans cette proximité, dans cette fraternité avec lui pour vivre réellement notre vie.

Alors courons (au moins spirituellement !) sur le chemin de l’Alliance que Jésus veut contracter, et a contracté avec nous par le baptême, et que nous célébrons dans chaque Eucharistie pour le recevoir, pour avoir la force, la lumière de vivre en vérité ce qu’il nous demande.

Oui, de vivre cette Alliance avec Jésus qui nous ouvre dès à présent à l’amour éternel de son Père, dans l’Esprit Saint, avec Marie et Joseph.

Amen !

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