Homélie de Notre Seigneur Jésus Christ Roi de l’Univers – Solennité du dimanche 22 novembre 2020 – Année A
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Chers frères,Que de saints dans l’histoire de l’Église ont illustré cette page d’évangile, proclamant par leur vie, par leurs œuvres, ce qui est au cœur du message évangélique, à savoir : venir en aide à tout homme qui est dans la détresse, c’est honorer le Christ.“Ce que vous avez fait au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous l’avez fait” dira Jésus.
Et si on avait quelque doute sur cette affirmation, il suffit, pour le dissiper, d’entendre la Parole de Jésus à Saül sur le chemin de Damas : “Qui es-tu Seigneur?” demande Saül, et il entend pour réponse : “Je suis Jésus, c’est moi que tu persécutes”.
Persécuter les chrétiens, c’est persécuter Jésus.
Dieu, en Jésus de Nazareth, s’est tellement identifié à notre humanité, que blesser cette humanité, c’est blesser la Personne de Jésus même et inversement.
Faire du bien à notre humanité, c’est faire du bien à la Personne de Jésus, à ce que nous appelons son “Corps mystique”.
Mais Dieu n’est-Il pas au-dessus de ces manifestations du bien ou du mal ? Est-Il vraiment atteint par nos péchés ? Est-Il vraiment glorifié par nos actes bons ?
Il faut répondre sans ambages : oui !
Depuis que le Verbe s’est fait chair, Dieu s’est uni étroitement à la chair de l’homme… à tout homme.
Comme dit Origène : “l’homme ne serait pas sauvé dans sa totalité si le Christ n’avait pas assumé l’homme dans sa totalité”… et, “car, dit Jean de Damas, ce qui ne peut être assumé n’est pas guérissable”.
“Oui, si la chair ne pouvait être assumée, Dieu ne se serait pas fait chair” poursuivra Irénée de Lyon. Pensons au soldat Martin couvrant de son manteau aux portes d’Amiens, un pauvre grelottant de froid. Jésus le lui signifiera explicitement : “Ce que tu as fait à ce pauvre, c’est à moi que tu l’as fait”.
Et plus proche de nous, la charité en acte d’un St Vincent de Paul, d’une Sainte Teresa de Calcutta et tant d’autres.
C’est qu’en effet pour l’apôtre Jean, l’amour de Dieu et l’amour du prochain, s’ils ne s’identifient pas, se vérifient cependant mutuellement.
Pour savoir si nous aimons vraiment Dieu, il faut vérifier si nous aimons vraiment notre prochain. De plus, et ceci est moins souvent remarqué, si nous voulons vérifier la qualité de notre amour du prochain, il faut nous demander si nous aimons vraiment Dieu.
“En effet, celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut pas aimer Dieu qu’il ne voit pas”.
“A ceci nous reconnaissons que nous aimons les enfants de Dieu, poursuit l’apôtre, si nous aimons Dieu et mettons en pratique ses commandements”.
“Porte donc celui avec qui tu marches, dira Augustin d’Hippone, pour parvenir à Celui avec qui tu désires demeurer”.
Jésus a été très clair, tant avec ses disciples qu’avec les foules, quant au lien étroit entre l’amour du prochain et l’amour de dieu. Il en a fait la porte incontournable pour quiconque aspire à avoir part au Royaume des cieux.
Nous le savons, ceci est vraiment la caractéristique de la voie chrétienne. Jésus a voulu ce lien avec force dans ses dialogues, notamment avec les pharisiens.
On sait la sévérité qu’Il exprime quand Il se heurte à ce faux comportement, qui sous le prétexte d’honorer Dieu, méprise ceux qui n’ont pas la connaissance.
N’ira t-Il pas jusqu’à leur dire “d’ailleurs je vous connais, vous n’avez pas en vous l’amour de Dieu”… et n’ayant pas en vous l’amour de Dieu, vous ne pouvez pas avoir l’amour du prochain.
Là où il n’y a pas équilibre, harmonie, entre amour de Dieu et amour du prochain, l’amour n’est pas vraiment chrétien.
Pour Jésus, le lien étroit qui unit ces deux commandements, dirait-on aujourd’hui, n’est pas négociable.
“En aimant ton prochain, dit Augustin, tu purifies ton oeil pour voir Dieu”.
Contempler Dieu Trinité nous donne à voir cette harmonie parfaite entre l’amour de Dieu et l’amour du prochain.
Chaque Personne divine dans la Trinité est tournée vers l’autre, dans une dilection totale, que les théologiens appelleront la « périchorèse », qui évoque l’idée de danse tournoyante. Chacune (des Personnes) se donne à l’autre, et en se donnant, ne perd rien de ce qu’elle est en elle-même… c’est cela l’Amour.
Un jour où le Pape François échangeait, lors de son séjour en Birmanie, avec les jésuites de ce pays, parlant avec eux du fondamentalisme, il leur dit : “le fondamentalisme, c’est une manière d’aller à l’essentiel de la religion mais à un point tel d’en oublier ce qui est existentiel » ; et il poursuivait : “le fondamentalisme chrétien nie l’incarnation”.
Les terroristes de nos jours en sont la tragique illustration : aller à l’essentiel de la religion en oubliant l’existentiel.
En ce jour où nous célébrons la Royauté universelle du Christ, nous savons que son entrée dans la gloire au jour de l’Ascension ne l’a pas fait disparaître de l’épaisseur de l’histoire humaine, de notre histoire, bien au contraire, Il s’y est enfoncé. Cette absence du Christ de notre histoire est en fait une forme éminente de sa Présence, il embrase tout l’univers.
“Jésus est au centre de tout, écrira Léon Bloy, Il assume tout, Il souffre tout. Il est impossible de frapper un être sans le frapper ; d’humilier quelqu’un sans l’humilier ; ou de tuer qui que ce soit sans le maudire ou le tuer Lui-même”.
Rendons grâce, frères, à l’issue de cette retraite de communauté pour sa Présence infiniment aimante en nous et parmi nous.
Que son règne s’établisse en chacun de nous et parmi nous.
Que son Esprit Saint nous accorde de voir Dieu en nos frères et de les aimer de ce même amour dont Dieu nous aime.
Amen.