Chers frères et sœurs,

En ce dernier dimanche de l’année liturgique, l’Église célèbre la fête solennelle du Christ-Roi. Cette année, elle le fait avec Saint Luc, en contemplant le Christ sur la Croix, en recevant son dernier dialogue avec celui qu’on appelle « le bon larron », que l’on devrait plutôt appeler le larron repentant.

Qu’elle est belle cette parole de ce brigand pénitent et contrit : « Souviens-toi de moi quand tu viendras dans ton royaume ! ». Quoi de plus grave et de plus grand au monde que cette supplique ultime qui monte du fond du cœur et qui pressent déjà le mystère du Salut à travers le Christ en Croix ! Ne vient-il pas de déclarer à son compagnon d’infortune qui insultait Jésus, « Tu n’as donc aucune crainte de Dieu, Lui n’a rien fait de mal ». L’Innocent livré, crucifié, est reconnu déjà comme Rédempteur. Jésus sait la sincérité de ce propos, c’est pourquoi il peut lui affirmer solennellement : « Amen, je te le dis, aujourd’hui tu seras avec Moi dans le paradis ». Qui d’autre a pu entendre parole aussi réjouissante à l’heure de sa mort ! Le Crucifié innocent révèle ainsi déjà la délivrance du péché et la victoire de l’amour de Dieu sur la mort ; l’oblation de la divine victime est dès maintenant agréée.

Quelle profondeur du Mystère de l’amour de Dieu se découvre sous le signe salvifique de la croix, depuis que celle-ci a été assumée en notre faveur par l’abandon douloureux du Christ à la volonté réparatrice du Père ! C’est par l’obéissance d’amour envers son Père, qu’Il réalise pour nous jusqu’à la croix, que se fonde finalement cette royauté victorieuse sur le monde. Le pardon octroyé par le Père nous vient donc de ce Christ décrié, humilié, rejeté par les hommes.

Ce Christ est Roi cependant parce qu’Il est d’abord son Fils incarné en qui Il trouve toutes ses complaisances, devenu de ce fait premier né de toute créature, nous dit saint Paul, mais aussi, poursuit-il, « par qui » tout a été créé dans les cieux et sur la terre, et « en qui », dit-il encore, tout subsiste. Or ce Christ initiateur du cosmos devra devenir paradoxalement, à cause de notre péché, le premier né d’entre les morts ! Car ce Fils unique devient rédempteur en acceptant d’aller jusqu’à la mort ignominieuse, et ainsi au terme de son Mystère pascal, Il devient la tête de cette Communauté nouvelle de croyants qu’est l’Église ; puisqu’Il devait, comme le souligne encore saint Paul, avoir en tout cette primauté absolue. Dieu voulait, explique encore l’apôtre, selon la logique de son dessein de bienveillance envers ces créatures, que toute chose en lui trouve son accomplissement total. Finalement la mort serait elle aussi assumée sur la Croix par Lui douloureusement, et se trouverait de ce fait absorbée par Lui pour être transmuée en Vie ! Être Roi pour le Christ en effet, c’est être vainqueur au moyen de sa divine obéissance de toute épreuve, fut-elle elle-même destructrice ! Aussi, être Roi pour le Christ, c’est avoir maintenant le « pouvoir » d’infuser dans la culture de tous les temps de notre planète, son œuvre humaine salvatrice déterminée à son époque. Sa mission prend alors la forme d’une domination spirituelle, rédemptrice, universelle.

Dorénavant, la Royauté du Christ Sauveur existe sur la terre et s’exerce dans le monde au travers des circonstances les plus ordinaires des hommes. Tout en n’étant pas du monde en effet, son Royaume s’y développe « au-dedans », car il établit son règne d’une manière discrète, principalement au niveau du cœur des hommes lorsqu’ils accueillent de multiples façons l’amour généreux que le Christ, par son Esprit, dispense à tous.

Les chrétiens, certainement plus que les autres, sont appelés à contribuer à son progrès actuel. Son emprise bienfaisante sur le monde reste malheureusement contrariée par les foyers de ténèbres qui résistent à son action salvatrice et retardent l’expansion de son Royaume. Pourtant, ils ne peuvent diminuer en rien l’espérance d’avoir l’assurance que l’influence du mal sera définitivement vaincue, comme le Seigneur nous l’a promis.

Achevons notre discours avec une réflexion du Concile Vatican II : « Le Christ Jésus est le terme de l’histoire des hommes, le point vers lequel convergent tous les désirs de l’histoire et des civilisations, le centre du genre humain, la joie de tous les cœurs et la plénitude de ses aspirations » … qu’il en soit bien ainsi ! Amen.

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