Chers frères et sœurs, une célèbre parole de St Anselme de Cantorbéry souvent reprise dans la Tradition de l’Église, dit la chose suivante : « Dieu a tout créé mais c’est Marie qui a enfanté Dieu… Dieu est le Père de toutes les choses créées et Marie, la Mère de toute les choses recréées ». Là, chacun est à sa place : Dieu comme origine de toutes choses ; l’homme et la femme coopérant dans la liberté à l’œuvre de Dieu.

On fait souvent fausse route en voyant en Dieu un concurrent de l’homme. Comme l’écrivait un philosophe du XXème siècle : si Dieu existe, c’est alors que l’homme n’existe pas. Or, toute l’Écriture accomplie dans l’Incarnation du Verbe de Dieu, montre l’homme et la femme comme coopérateurs de l’Œuvre de Dieu, participants de l’économie divine. Marie Immaculée est le plus bel exemple de ce que veut dire, pour l’homme et la femme, que coopérer à l’Œuvre de Dieu. Comme dit encore St Anselme : « Dieu est le Père de la création universelle et Marie la Mère de la rédemption universelle. Car Dieu a engendré Celui par qui tout a été fait, et Marie a enfanté Celui par qui tout a été sauvé ».

La chose la plus importante est alors de regarder comment Marie s’est tenue en présence de Dieu. Deux termes viennent à l’Esprit, et toute la Tradition mariale de l’Église l’a souligné : humilité et confiance. L’humilité n’est pas une attitude mièvre et maladive de dépréciation de soi mais le renoncement à l’autoglorification.

La recherche de notre propre gloire est une tendance qui alourdit le cœur de l’homme depuis le péché originel car c’est la tendance qui coïncide précisément avec le péché originel : « Vous serez comme des dieux » promet le serpent à Adam et Ève – comme s’il en avait la capacité ! Le problème de la recherche de sa propre gloire, est le fait que cette recherche est exactement à l’opposé d’un désir d’absolu qui ne peut s’accomplir que dans un Autre. La recherche de l’autoglorification est la négation pratique du désir qui est constitutif au cœur de tout homme. Pourquoi tant d’hommes ont de grands désirs et si peu sont satisfaits ? Justement parce que le désir de sa propre gloire s’installe dans le désir de l’infini et l’étouffe. Le grand péché est de ne pas accepter que le désir fondamental du cœur humain s’achève dans un Autre, c’est-à-dire en Dieu.

Marie est la créature humaine qui dans une pureté absolue a glorifié uniquement Dieu. Le Père Zundel a cette belle expression quand il parle de Marie : « Elle ne s’est jamais aperçue d’elle-même ». C’est bien là qu’on voit que Marie est immaculée, dans le fait qu’il n’y a, en elle, aucune autoglorification. Le désir d’infini de la Vierge Marie, qui est aussi le nôtre, ne souffre d’aucun repli sur soi. Marie nous apprend que glorifier Dieu est la gloire de notre vie, le rayonnement de notre vie. Marie nous apprend, oui, le Magnificat !

L’autre attitude fondamentale de Marie face à Dieu, c’est la confiance. De par son Immaculée Conception, Marie avait une relation qui n’était pas troublée par le péché.

Pour elle, Dieu n’était qu’Amour. Elle ne pouvait pas concevoir, comme Adam et Ève après le péché originel, Dieu comme un redoutable concurrent devant qui fuir ou se cacher. La Vierge Marie, parce que conçue sans péché, ne pouvait pas avoir peur de Dieu. Sa relation avec Dieu était toute empreinte d’une profonde et d’une totale confiance.

Si Marie à l’Annonciation est troublée comme nous dit le texte sacré, c’est parce qu’il n’était pas tout de suite évident pour elle, que l’Ange Gabriel vienne de la part de Dieu : « Sois sans crainte car tu as trouvé grâce auprès de Dieu ».

À la différence d’Adam et Ève, Marie est rassurée quand Dieu « entre en scène », quand elle perçoit la mystérieuse Présence du Seigneur. Et cependant, Marie n’est pas un héros qui ne craint rien, sur un piédestal olympique. Humainement, elle devait être elle-aussi sujette à la peur face aux dangers ; mais elle ne craint pas Dieu. Elle ne peut pas avoir peur de Dieu ! Cela est sa grâce toute particulière ; c’est cette grâce qu’elle nous enseigne et qu’elle nous transmet. Ne pas avoir peur de Dieu !

Quand on a confiance en Dieu, toutes les craintes humaines peuvent trouver place en cette confiance et se dissoudre en elle ; tandis que si on a peur de Dieu, les craintes humaines ne pourront qu’amplifier cette crainte fondamentale.

Oui, frères et sœurs, la confiance de la Vierge Marie en Dieu le Père est immense. Elle n’a pas de limites. Elle ne peut pas en avoir ! Y compris lorsqu’elle était – stabat – debout au pied de la Croix. Sans le péché, source de toute crainte, de toute suspicion, dans sa relation avec Dieu, il ne peut y avoir que de la confiance.

Ainsi, Marie peut passer toute sa vie sur terre en jetant, dans sa confiance en Dieu, tout ce qu’elle vit, tout ce qu’elle rencontre, et aussi tout ce qu’elle doit souffrir – car Marie aussi comme nous a souffert. Pour elle, intercéder pour le bien des autres, pour ceux qui souffrent, n’est pas une pratique de prières quelconque ; pour elle, cette attitude, c’est sa manière de vivre, c’est son identité ; car rien en sa vie ne peut être plus fort que sa confiance. Sa confiance d’amour est la dimension de son cœur qui peut tout accueillir et tout souffrir.

Par son humble confiance, Marie Immaculée nous précède ainsi dans la vérité de notre relation avec Dieu. Elle nous précède mais elle ne nous remplace pas. Elle nous montre le chemin, et pour mieux nous le montrer, Dieu la fait avancer très loin.

Oui, Marie nous précède, elle sera toujours devant nous ; non pour nous vaincre… non pour nous prouver qu’elle est la meilleure (si j’ose dire)… mais pour nous permettre nous aussi d’aller toujours plus loin à la suite du Christ.

Marie nous précède dans l’humilité et dans la confiance. Elle nous apprend que l’aventure humaine avance, se dilate et se développe, seulement là où l’humble confiance déplace toujours plus loin la mesure de nos limites et la limite de notre mesure, pour permettre au Christ de vivre en nous son Amour sans mesure.

Amen !

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