Homélie de l’Épiphanie du Seigneur – Dimanche 03 janvier 2021 – Année B
Par le Frère Jean
Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.
Chers frères et sœurs,
« L’amour de ce Dieu qui, pauvre, fut déposé dans une crèche ; pauvre vécut dans le monde, et nu, est resté sur le gibet » :
c’est en ces termes que Ste Claire d’Assise, dans son testament, fait la synthèse de sa mystique de la pauvreté. Car, lorsque Ste Claire et St François d’Assise parlent de la pauvreté, ils n’exaltent pas une vertu chrétienne parmi d’autres, aussi nobles et sublimes soient-elles, ils rencontrent une personne : « Dame Pauvreté ». La mystique de l’un et l’autre, à caractère nuptial, parle « d’épouser Dame Pauvreté ».
C’est face à ce mystère de « Dame Pauvreté » que nous avons été mis depuis dix jours, en ce Temps de Noël, mais on pourrait dire… depuis près d’un an, et osons le dire, très probablement dans l’année ou les années que nous allons traverser… mais si nous regardons avec un regard de foi ce qui se passe dans le monde, et autour de nous, et en nous, c’est bien le mot de « pauvreté » qui monte à notre esprit : pauvreté matérielle de tous nos contemporains qui seront, et qui sont déjà, dans des conditions difficiles… professionnelles, familiales, affectives… tout ce dont on a parlé à juste titre depuis un an.
Mais le mystère de Noël où nous sommes entrés nous invite, nous chrétiens, non pas à nous éloigner de ces difficultés de nos contemporains, bien au contraire, mais à nous efforcer d’épouser « Dame Pauvreté », comme dit Claire.
C’est-à-dire de prendre pour épouse, non seulement durant l’espace d’un Temps liturgique : le Temps de Noël mais de toute notre vie, le sacrement du Verbe de Dieu qui dans le Christ, « n’a pas retenu le rang qui l’égalait à Dieu », mais qui est descendu dans l’épaisseur des ténèbres en ce monde… et sa Présence dans les ténèbres y apporte la lumière.
C’est ce que nous célébrons en ce Temps de Noël et particulièrement en cette Solennité de l’Épiphanie.
Jésus, Lumière pour le monde, lumière victorieuse de la mort et du péché.
Jésus, lumière de l’Église qui en s’incarnant s’est fait « Théophore » : porte-lumière.
Lumière de Jésus, dans les vases d’argiles des membres de son Corps que nous sommes, parce que le sacrement de baptême que nous avons reçu, et qui justement était appelé aux origines de l’Église : le sacrement de l’illumination. Par le baptême, nous sommes tous devenus « Théophore » : porte-lumière !
Entendons avec acuité cette Parole de Dieu, que le Seigneur nous adresse par la bouche du prophète Isaïe, que nous avons entendue dans la première lecture : « Regarde : l’obscurité recouvre la terre, les ténèbres couvrent les peuples mais sur toi… sur toi !… se lève le Seigneur, et sa gloire brille sur toi ! »
Voilà une Parole d’espérance qui nous réchauffe.
Si nous croyons que « la Parole de Dieu est vivante » comme dit la Lettre aux Hébreux, et qu’elle réalise toujours ce qu’elle dit… alors, interrogeons-nous en ce matin d’Épiphanie, sur la façon dont nous accueillons, et dont nous allons accueillir, cette lumière divine tout au long de cette année.
Accueillir cette lumière de Jésus dans les heures où tout va bien, mais aussi dans les heures où tout va mal, dans les joies comme dans les peines, dans les consolations comme dans les désolations.
« Pourquoi était-il nécessaire… nous dit St Bernard… que le Verbe de Dieu s’anéantisse ainsi ? Qu’Il s’humilie ainsi ? Qu’Il s’abrège ainsi… que s’abrège ainsi le Dieu de Majesté ? Si ce n’est pour que vous fassiez de même ! »
-Il faudrait traduire littéralement : « qu’Il se rapetisse ainsi » (le verbum abbrevatium), « le Verbe s’est rapetissé » dit St Bernard.
Cet anéantissement de Dieu, que Paul appelle la kénose, par l’incarnation que nous contemplons durant ce Temps de Noël, et devant lequel s’inclinent aujourd’hui les Rois Mages, nous incite, frères et sœurs, à imiter ce mystère d’abaissement de Dieu fait homme ; non seulement le contempler, l’admirer, se laisser émouvoir par cet Enfant vulnérable dans la crèche, mais l’imiter !
Le mystère de Noël, comme tous les mystères de la foi chrétienne, ne nous est pas donné pour être enfermé dans une jolie boite, une jolie crèche, que nous rentrerons bientôt dans notre armoire… mais pour devenir nous-mêmes ce que nous avons contemplé, ce que nous avons célébré. Comme l’ont répété Origène, St Bernard et tant d’autres Pères : « Christ serait-il né mille fois à Bethléem, cela ne sert à rien, s’Il ne nait aujourd’hui en ton âme ! »
On doit à St François d’Assise, qui est l’initiateur des premières crèches qui nous réjouissent aujourd’hui, d’avoir mis au cœur de son enseignement, l’imitation du Christ.
Mais comment imiter le Christ ?
Nous ne pouvons pas imiter le Christ dans sa divinité, ni dans ses miracles, ni dans sa résurrection ! Nous ne devons donc pas l’imiter en tant que « vrai » homme, puisque comme homme c’est plutôt Lui qui nous a imités en devenant homme.
Par contre, nous pouvons et nous devons imiter Jésus-Christ en tant qu’homme nouveau : homme sans péché.
La chose peut-être la plus importante à remettre à Dieu, si nous voulons l’imiter, c’est notre liberté !
Le vieil homme qui nous habite, nous le savons, dispose d’une armée déployée pour la défense de sa liberté ! Or c’est elle, si nous voulons imiter Jésus, qu’il nous faut Lui remettre.
Il s’agit, comme nous y invite St Paul, de « se dépouiller du vieil homme », c’est-à-dire, se dépouiller de sa volonté propre, et de revêtir l’homme nouveau, « créé selon Dieu dans la justice et la sainteté qui viennent de la vérité ».
Si nous avons du mal à discerner la volonté de Dieu en toutes circonstances, nous savons en revanche quelle est notre volonté qu’il ne faut pas faire.
Les rois mages, aujourd’hui, apportent des dons à l’Enfant de Bethléem, et ils repartent différents : « ils ont revêtu le Christ ! »
Ils apportaient de l’or, de l’encens et de la myrrhe, mais en fait ce sont eux qui ont reçu le plus grand cadeau qui soit : la vie divine ! Et ils sont repartis différents de la façon dont ils étaient lorsqu’ils sont arrivés.
Dieu ne leur a pas donné quelque chose, Il s’est donné Lui-même en Personne.
Ils venaient trouver Jésus selon la chair, Celui-ci est descendu en leur âme.
Jésus s’est fait « étoile » en eux.
C’est ce même Don, frères et sœurs, que nous demandons de recevoir aujourd’hui, les uns les autres. Nous le demandons à Celui qui est né dans le temps de Marie, sa Mère toujours Vierge, et qui reviendra dans la gloire à la fin des Temps.
Amen !