Homélie de la Solennité de Saint Bernard de Clairvaux – Jeudi 20 août 2020

Par le Frère Jean-Marie

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

« Je te prie, Père, non seulement pour ceux-là, mes apôtres, ici présents, mais pour tous ceux qui grâce à leur parole, croiront en moi »

 Frères et sœurs bien aimés, quelle joie, quel réconfort, de savoir que Jésus a prié pour nous juste avant de s’offrir en sacrifice dans sa passion, son agonie, sa Croix, sa mort et sa résurrection ; qu’Il a prié pour chacun et chacune d’entre nous, c’est une certitude ; mais qu’Il continue aussi d’intercéder comme grand Prêtre auprès du Père, comme nous le rappelle la Lettre aux Hébreux.

Jésus dans son humanité Sainte glorifiée, est grand prêtre, l’unique prêtre de la Nouvelle Alliance.

Nous participons tous, soit par le baptême, soit par le sacrement de l’Ordre, à l’unique sacerdoce du Christ, participé de manière différente selon la nature et les degrés.

Et Jésus est non seulement Grand Prêtre mais aussi notre Avocat, le premier Paraclet, notre Défenseur, Celui qui est toujours à côté de nous pour nous défendre de l’accusateur qui est toujours à côté de nous !

Jésus premier Paraclet qui nous envoie son Esprit Saint, l’autre Paraclet. Le Christ nous aime. Il a prié et Il prie pour nous. Et Il veut nous accueillir dans le Royaume, dans la Demeure du ciel, Il nous a préparé une Maison au Ciel, afin de contempler sa Face glorieuse.

Nous n’allons pas vers l’inconnu, l’incertitude, avec une peur noire. Nous allons vers l’amour, la lumière, la paix.

Dans une Maison non-encore dévoilée mais très belle. La joie d’aller vers une demeure et quel Demeure ! Et nous pouvons dire avec le psalmiste (nous venons de le chanter) : « c’est ta face Seigneur que je cherche, ne ma cache pas ta face ».

Si le Christ Jésus est vivant, et Il est vivant, et qu’Il veut vivre avec nous, tous ceux et celles qui nous précèdent dans l’histoire de l’humanité, dans l’histoire de l’Église, dans l’histoire de nos familles, de nos sociétés, de nos communautés, vivent aussi en Lui et par Lui. Ils n’ont pas été ‘néantisés’.

Et nous avons la certitude que les saints vivent auprès de Lui et désirent aussi être proches de nous.

Tel St Bernard, Bernard de Clairvaux, que nous fêtons en ce jour.

Le jeudi 20 août 1153 vers 9.00 h du matin, Bernard, Abbé de Clairvaux, rendait son âme à Dieu. Il avait 63 ans.

Il avait fondé et vécu dans ce monastère de Clairvaux, la claire vallée, la plus grande partie de sa vie. Clairvaux, aujourd’hui qui est une prison en partie, réservée aux condamnés à perpétuité : il y en a une trentaine.

Alors nous sommes tous habitués à la cellule mais il y a différentes façons d’aborder les cellules, donc on peut prier pour les condamnés à perpétuité qui sont à Clairvaux.

Nous, moines, nous avons choisis d’être en cellule, eux il faut qu’ils accueillent cette justice humaine.

Entouré de ses frères, il naissait en ce jeudi 20 août à la vie nouvelle et définitive, son dies natalis, c’est-à-dire sa naissance au Ciel.

Cette vie en Dieu qu’il avait commencée en voulant vivre comme disciple du Christ dès sa jeunesse, puis pour répondre à l’appel de Dieu comme moine en ce nouveau monastère de Cîteaux, encore inconnu, qui avait eu beaucoup de mal à se développer, à décoller.

Bernard avait été un acteur majeur de cette Europe du XIIème siècle ; un maitre spirituel, un conseiller écouté, un homme influent.

Né à Fontaine-lès-Dijon en 1090 dans une famille bourguignonne, cet homme jeune, noble de naissance, de mœurs et de cœur, répond à un désir intérieur qui brule son âme : vivre avec Dieu et vivre pour Dieu seul.

Cette soif d’absolu qui caractérise tout appel à la vie monastique trouvait une réponse à Cîteaux qui vivait selon la règle de St Benoit, comme des tas de monastères à l’époque mais avec une application particulière : l’éloignement des affaires du monde et un retour à la pauvreté.

Un retour à la pauvreté concrète, en vivant de du travail de la communauté, c’est-à-dire à la sueur de son front et en se cassant non seulement la tête mais les bras et le dos. Le refus de vivre de ses rentes, de ses revenus, de ses taxes, de ses royalties.

Donner une tonalité particulière à cet élan monastique. Les premiers cisterciens mettaient en pratique ce que St Benoit, notre père, dans sa Règle demande : « Ils seront vraiment moines, s’ils vivent du travail de leur mains à l’exemple de nos pères et des apôtres ». Rappelons-nous St Paul qui tissait des tentes pour gagner sa vie.

Cette synergie, selon un Dessein de la Providence divine, entre l’Appel de Dieu, le désir ardent d’un être humain de lui répondre et les moyens concrets mis en œuvre dans une communauté, donnait une impulsion unique au monastère et permettait une éclosion féconde et abondante issue de cette branche du grand arbre monastique chrétien.

Cet élan était, et demeure, assuré également par deux autres éléments propres à l’Ordre cistercien puis qui se sont répandus au moins partiellement dans la totalité de l’Église : à savoir la filiation des monastères et le chapitre général.

La filiation des monastères, au paradoxe de nos frères clunisiens qui avaient une seule Abbaye, l’Abbaye de Cluny, avec un millier de Prieurés qui dépendaient directement de l’Abbé de Cluny, avec un Grand prieur qui s’occupait de la marche de l’Ordre, premier ministre si vous voulez, alors que l’Abbé, les grands Abbés dont les cinq premiers sont saints, donnaient l’impulsion spirituelle.

La filiation des monastères, par laquelle un monastère qui fonde une nouvelle communauté, qui devient autonome à son tour, mais reste toujours sous la responsabilité de la maison fondatrice en ce qui concerne la qualité de la vie monastique qui est contrôlée…

La confiance n’empêche pas le contrôle mais le suppose.

Et le Chapitre général qui réunit, et réunissait, fréquemment les Supérieurs des communautés pour maintenir une orientation commune et une dynamique, et maintenir un processus, un mouvement de conversion permanente non seulement des membres des communautés, mais surtout à commencer par les Abbés. Dans la vie monastique, comme pour les poissons, la décomposition commence toujours par la tête !

En méditant sur la vie et les nombreux écrits de Bernard, nous pouvons retenir trois points et en ajouter un autre (selon le Siracide) :

Tout d’abord, cette soif de répondre à l’Appel du Christ avec une urgence, une radicalité, jaillie de l’amour, pas de tiédeur, pas de lenteur, des examens qui n’en finissent plus.

L’amour ne compte pas, il se donne sans mesure. C’est vrai de l’amour de Dieu pour nous ; notre réponse tend à cette réciprocité d’amour.

Puis, l’enracinement dans la Parole de Dieu, être habité par la Parole de Dieu ; habiter la Parole ; être des hommes de la Bible. Non pas simplement au niveau intellectuel mais d’habiter l’histoire biblique, l’histoire Sainte.

Cette Parole de Dieu accueillie et ruminée pour être toujours mieux assimilée, intégrée, dans le cœur, l’âme et l’Esprit, dans la vie.

Par une lecture assidue et amoureuse de l’Écriture Sainte, vécue dans la Lectio divina personnelle et célébrée dans l’Opus Dei, la liturgie des heures qui est la colonne vertébrale de la vie bénédictine monastique.

Enfin, ce propos monastique fondé et vécu au quotidien dans une vie de communauté, dans laquelle et par laquelle, s’exprime jour après jour dans l’humble quotidien jusqu’au dernier jour ici-bas, cette charité fraternelle qui est le signe, et le thermomètre, qui nous permet de savoir de quelle pratique évangélique nous vivons ou pas.

Nous pourrions retenir aussi de St Bernard cet amour de l’Église, notre Mère. Cet amour dont Bernard a si intensément vécu ; c’était un homme d’Église au sens noble du terme.

Ce regard d’amour que Bernard portait sur le Mystère de l’Église, Épouse du Christ, dont il voulait que chaque membre de sa communauté, de toutes les communautés, chaque membre, chaque moine, mais aussi les pasteurs de l’Église à tous les niveaux, soient des êtres saints, conduisant à la sainteté, conduisant au Christ Jésus et pas à eux-mêmes.

Que Marie, l’Immaculée Mère de Dieu, dont Bernard fut le chantre si éloquent, si filial, nous garde en sa maternelle protection pour être, et demeurer, des enfants de lumière, rayonnants de cette lumière divine.

Amen !

 

 

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