Chers frères et sœurs,

lorsque Jésus se rend à Béthanie où son ami Lazare vient de mourir ; Jésus, dans un bref dialogue avec Marthe, lui dit : « Moi, Je suis la résurrection et la vie. Celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra ».

« Je suis la résurrection ». Nous pouvons, frères et sœurs, nous demander de quelle résurrection Jésus parle ici. Marthe, quant à elle, pense à la résurrection finale au dernier jour, comme Jésus l’avait d’ailleurs promis un jour dans le discours sur le pain de vie lorsqu’il disait qui mange de ce pain, vivra éternellement. Mais Jésus, ici, annonce quelque chose de nouveau, à savoir que la résurrection commence dès maintenant, dès aujourd’hui, pour tous ceux qui croient en Lui. Saint Augustin le dira à sa manière, je le cite : Le Seigneur Jésus voulait nous parler d’une certaine résurrection qui précéderait celle des morts mais qui ne ressemblerait ni à celle de Lazare, ni à celle du fils de la veuve de Naïm, qui ont ressuscité pour mourir à nouveau, pour nous indiquer un genre différent de résurrection.

L’idée, frères et sœurs, d’une résurrection qu’on peut appeler : spirituelle ou bien existentielle, qui s’opère dès d’ici-bas dans cette vie sans attendre notre mort, grâce à la foi, n’était pas inconnue de la tradition chrétienne primitive. Mais, par contre, une idée de la résurrection qui serait uniquement un événement spirituel, une expérience, un éveil de la conscience, fondé sur la foi, n’est pas ce dont parle Saint-Jean dans son évangile.

Saint-Jean consacre deux chapitres entiers de son évangile à la résurrection corporelle de Jésus. Pour lui, ce n’est pas seulement le message de Jésus qui est rendu présent par sa résurrection des morts mais c’est bien Sa personne. La résurrection actuelle ne remplace pas la résurrection finale des corps mais elle en est la garantie. Saint-Paul le dira avec force : « Si le Christ n’est pas ressuscité (corporellement, charnellement pourrait-on dire) votre foi est sans valeur, vous êtes encore sous l’emprise du péché. Le Seigneur Jésus avait d’ailleurs annoncé sa résurrection d’entre les morts comme étant le signe par excellence de l’authenticité de sa mission : c’est le fameux signe de Jonas.

Saint-Augustin écrit encore, écoutons-le : « La foi des chrétiens est la résurrection du Christ » » et il ajoutait : « Tout le monde croit que Jésus est mort, même les réprouvés le croient, mais tout le monde ne croit pas qu’il est ressuscité. Et on n’est pas chrétien si on n’y croit pas ! »

La foi en la résurrection, frères et sœurs, est en effet le point-clé par lequel l’Église tient ou tombe. Dans les Actes des apôtres, les apôtres sont simplement définis comme des témoins de la résurrection. Après avoir dit cela, frères et sœurs, nous pouvons maintenant dire qu’il y a deux types de résurrection : une résurrection du corps qui aura lieu au dernier jour lors du jugement, et une résurrection du cœur, une résurrection existentielle qui doit avoir lieu chaque jour.

Pour découvrir ce qu’est cette résurrection du cœur, autrement dit, le retentissement de la résurrection physique de Jésus sur le plan spirituel dans la vie des apôtres et dans la nôtre, écoutons Saint Pierre dans sa première lettre : Béni soit Dieu, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ ; dans sa grande miséricorde, il nous a fait renaître pour une vivante espérance grâce à la résurrection de Jésus-Christ d’entre les morts, pour un héritage qui ne connaîtra ni corruption, ni souillure, ni flétrissure ; cet héritage vous est réservé dans les cieux.

La résurrection, frères et sœurs, pour nous aujourd’hui en ce monde, c’est donc l’espérance qui renaît en nous.

Après Pâques, nous voyons dans les Actes des apôtres une véritable explosion de l’espérance. Dieu lui-même est défini par Saint Paul comme étant le Dieu de l’espérance. Dans les évangiles, on ne parle nulle part de l’espérance. Cela s’explique par le fait qu’il fallait qu’advienne la mort et la résurrection de Jésus pour que l’espérance se manifeste. Pensons à cet infirme guéri à la « belle porte » par Pierre et Jean qui lui disent : « Au nom de Jésus le Nazaréen, marche ! … Il entra dans le temple bondissant et louant Dieu ».

Il peut se produire, frères et sœurs, quelque chose de semblable pour nous grâce à l’espérance. « Lève-toi et marche ! » Ce sont les miracles quotidiens de l’espérance que nous connaissons dans nos vies. Sa Présence change tout, même quand extérieurement rien ne change. La lettre aux Hébreux compare l’espérance à une ancre, sûre et solide pour l’âme : une ancre !

Une autre image est celle de la voile. Si l’ancre donne à un bateau d’être stable dans la mer mouvante, la voile lui permet d’avancer sur la mer.

Eh bien, frères et sœurs, l’espérance agit de ces deux manières dans le bateau de l’Église et dans nos propres vies : une ancre, une voile ! Elle nous vient en aide dans notre chemin personnel de sanctification, et elle devient le principe-même de notre vie spirituelle. Elle ne permet pas de s’endormir dans la tiédeur du découragement, de l’acédie (comme l’appelle la Tradition monastique).

Dans le Nouveau Testament, l’espérance a une relation privilégiée avec la patience. Elle est le contraire du « tout-tout de suite ». Elle est l’antidote du découragement car elle garde en vie le désir. L’espérance a besoin de la tribulation comme la flamme a besoin du vent pour se fortifier. La tribulation mène à cet état de perfection de l’espérance qui consiste, comme dit Saint Paul, à espérer contre toute espérance.

Dieu, frères et sœurs, ne nous promet pas de retirer les raisons de lassitude et de fatigue que nous pouvons connaître, mais il nous donne l’espérance.

Que cette Pâque, frères et sœurs, qui nous rassemble en ces temps tourmentés, soit pour chacun de nous mais aussi pour le monde entier, un renouvellement de notre foi, de notre confiance, de notre patience et surtout de notre espérance. Notre espérance en la puissance de Celui qui, par sa mort et sa résurrection, nous a donné la Vie avec Lui dès aujourd’hui.

Oui, Christ est ressuscité ! Il est vraiment ressuscité ! Amen ! Alléluia !

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