Frères et sœurs bien aimés,
Nous voici entrés dans la célébration du Triduum pascal, c’est la Personne du Christ Jésus vrai Dieu et vrai homme, notre Sauveur, qui est célébrée. Et cette célébration est le sommet de la vie liturgique, est comme sa source. Chaque dimanche nous recélébrons, nous actualisons cette célébration de la Résurrection, chaque dimanche étant le premier jour de la semaine, pour entrer avec le Christ dans la puissance de sa Résurrection en communiant aux souffrances de sa Passion.
Frères et sœurs, la célébration du Mystère de l’Eucharistie et le mémorial de l’institution de la Cène du Seigneur que nous célébrons ce soir, nous révèlent et nous manifestent tout à la fois l’amour inconditionnel du Seigneur pour sa créature humaine et pour chaque personne en particulier. Dieu est Amour ! Dieu nous aime et personne n’est exclu de cet amour.
L’Eucharistie est comme l’Épiphanie, c’est-à-dire la manifestation permanente de l’amour du Christ Jésus pour l’humanité dans son ensemble et pour l’humanité recréée dans la grâce divine qui s’appelle : l’Église, et comme disent certains Pères de l’Église : « fin de toutes choses ». Dans l’Eucharistie, qui signifie « action de grâce », Jésus rend vraiment grâce et gloire à son Père pour son Œuvre de création et l’Œuvre de rédemption qu’il accomplit dans la puissance de l’Esprit Saint.
Mais aussi, dans chaque célébration eucharistique, Jésus actualise son Mystère pascal, c’est-à-dire sa Passion, sa mort sur la Croix au Golgotha, et nous fait participer personnellement à son Mystère rédempteur et sauveur. Il nous introduit plus intimement dans sa propre vie, qui est le but de la création et de la rédemption.
Dans ce sacrement, frères et sœurs, Jésus se donne à nous, il se livre à nous. Il se livre à notre liberté, il se livre à notre amour – bien souvent pauvre amour – il se livre à notre responsabilité d’homme et de femme, et à notre responsabilité « d’enfant de Dieu » appelé à coopérer à son dessein de Salut.
Dans la célébration de l’Eucharistie, le Seigneur Jésus rend présent, actualise sa passion, sa mort, sa résurrection, dans l’offrande-même réalisée une fois pour toute sur le Golgotha, il y a plus de 2000 ans ; cette réalité surnaturelle, et cette vérité de la Croix vivifiante, qui vient refaire toute chose et qui vient nous toucher personnellement dans chaque célébration eucharistique. Par le sacrement de l’Ordre, frères et sœurs, qui est comme la moelle épinière de la vie ecclésiale, le Mystère du Salut est en permanence actualisé et donné aux membres de l’Église que nous sommes, afin qu’à travers le temps et l’espace, au fil des générations, à travers la multitude des cultures et des civilisations, chaque membre de cette Église puisse bénéficier de façon concrète et personnelle, de cette participation à la vie du Christ, de cette participation personnelle au Christ vivant qui agit en permanence, dans et par, son Église, son Épouse et son Corps. La vie du chrétien, la vie de l’Église, nous centre dans la célébration de l’eucharistie vécue avec foi et enracinée dans la Tradition et la succession apostolique.
Frères et sœurs, la réception du Seigneur Jésus dans ce sacrement de l’Eucharistie nous permet de demeurer vraiment en Lui, et d’avoir la lumière et la force pour vivre dans l’intégralité de notre personne humaine et la totalité de notre existence avec, et dans, le Christ Jésus. Ne dit-il pas Lui-même au chapitre 6 de saint Jean : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle et je le ressusciterai au dernier jour » … corps et âme… « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi je demeure en lui » dit Jésus.
Voilà comment demeurer dans le Christ, et agir en Lui. « De même que le Père qui est vivant m’a envoyé et que moi je vis du Père, de même celui qui me mange (dans le sacrement de l’Eucharistie) vivra lui aussi par moi » dit Jésus. Tel est le cœur de la vie chrétienne, tel est le cœur du Mystère que nous célébrons aujourd’hui et sa finalité.
Frères et sœurs, cette communion personnelle avec le Christ s’alimente également de l’adoration silencieuse au pied du Tabernacle de nos églises, de nos chapelles ou oratoires, de nos cathédrales, de nos abbatiales … partout où la Présence eucharistique du Christ demeure dans les Tabernacles, nous pouvons retrouver Jésus qui nous attend, pour prolonger cette relation de foi et d’amour avec Celui qui est notre Sauveur et notre Dieu, Celui qui est notre frère ainé et notre ami pour toujours.
Si la communion sacramentelle reçue dans la foi et l’amour, nous établit dans un lien, une relation et une communion profonde – et au-delà de toute relation et communion que nous puissions expérimenter ici-bas (qu’elle soit conjugale, familiale, amicale ou par idéal) – cette même communion nous ouvre de façon intrinsèque et réciproque à l’attention aux autres pour exprimer cet amour reçu et qui demande à être partagé.
Frères et sœurs, l’accueil de Jésus dans l’Eucharistie, et l’accueil de Jésus dans l’autre, est l’expression d’un même Mystère de l’Amour trinitaire manifesté dans l’incarnation du Verbe fait chair, le Logos, Jésus de Nazareth, et dans le Mystère de la rédemption que nous célébrons sacramentellement en ces jours. Et l’autre, quelle que soit sa présentation : celui qui a faim, qui a soif, qui est pauvre, qui est malade, qui est étranger, qui est en prison. On ne dit pas : « les personnes vertueuses en prison », on dit : « les prisonniers », ceux qui ont commis des crimes et plus. Cette rencontre avec l’autre nous permet de rencontrer Jésus et d’être en communion avec Lui, nous permet de reconnaître la Présence du Christ dans toute situation : « Tout ce que vous avez fait à l’un de ces petits, dit Jésus au chapitre 25 de Matthieu, c’est à moi que vous l’avez fait ».
Frères et sœurs, c’est aussi un défi, et comme un tremplin, pour aller toujours plus loin dans l’expression de cet Amour infini de Dieu qui ne connaît ni limites ni conditions. Le Pain de vie et le « Lavement des pieds » sont les deux approches et les deux liens qui nous permettent de reconnaître Jésus et d’aller vers Lui. Ce sont les Dons que Jésus laisse à ses disciples, c’est à dire à chacun d’entre nous, pour vivre en vérité notre condition de baptisé avec les promesses du baptême que nous renouvellerons durant la Vigile pascale, à savoir : « Renoncez-vous à Satan ? » … qui est un être personnel spirituel, perverti et qui veut pervertir mais qui est une réalité, le mystère d’iniquité ; et qui est en guerre contre l’humanité, contre Dieu ; et qui veut que l’humanité s’autodétruise pour détruire l’œuvre de Dieu.
Satan a trois méthodes : il veut troubler, salir et casser. Mais aussi le prêtre ou l’évêque ou le diacre ou celui qui baptise, demande au futur baptisé : « Renoncez-vous au péché ? » … c’est un choix ! « Renoncez-vous au mal, au péché ? ». Est-ce que je renonce au péché dans ma vie ? On peut prendre les Dix commandements, c’est une base minimale, et on voit ce à quoi on renonce ou non.
Et de manière plus subtile : « Renoncez-vous à ce qui conduit au mal ? » Des choses qui peuvent être non pas un péché en soi, non pas un mal, mais qui peuvent nous induire, vous induire, m’induire au mal. Certaines relations, certaines attitudes, certaines choses qui en soi ne sont pas un mal mais qui vont certainement me conduire au mal. Nous renonçons au baptême à ces trois attitudes : renoncer à Satan, renoncer au péché et renoncer à ce qui conduit au mal, et ce qui me conduit moi au mal, pas le voisin ou la voisine !
Oui, frères et sœurs, puisse donc la célébration de cette Messe, de cette Eucharistie, en ce Jeudi saint au soir, attiser en nous un Amour d’agapè (c’est-à-dire qui vient de Dieu, pas simplement un amour sentimental), un amour toujours plus grand et plus fort, pour demeurer dans le Christ, et pour demeurer dans le monde, notre monde d’aujourd’hui qui est aimé de Dieu, pour demeurer dans ce monde qui est le nôtre, signe lumineux de l’espérance qui ne passe pas, l’Espérance invincible : le Christ Jésus.
[1] Références textes liturgiques : Ex 12, 1-8.11-14 Psaume 115 (116b), 12-13, 15-16ac, 17-18 1 Co 11, 23-26 Jn 13, 1-15 AELF