Frères et sœurs bien aimés,
La Miséricorde divine est le cœur même du christianisme, car la Miséricorde divine est l’expression du Cœur de Dieu. Ce Cœur de Dieu, qui a pris chair dans le Verbe éternel, fait homme, devenu homme, Jésus de Nazareth. Le Cœur du Christ, le Cœur de Jésus, est ce Cœur de Dieu brûlant d’amour qui se répand sur l’univers pour le guérir, le pardonner, le transformer, le diviniser. La Miséricorde divine est un des éléments constitutifs de notre vie de baptisé, de notre vie de confirmé et de la vie de l’Église en tant que Corps du Christ, corps mystique du Christ Jésus.
La Miséricorde divine vient nous chercher et nous trouver par, et dans, la réception du sacrement de baptême, ce sacrement qui nous recrée dans la grâce de Dieu, la vie trinitaire et éternelle. Elle vient nous chercher, elle vient nous relever dans le sacrement de pénitence et de réconciliation, appelé la confession, qui actualise la dynamique reçue au baptême (ce sacrement de baptême que personne ni soi-même ne peut enlever) et le sacrement de confirmation qui nous consolide dans l’Esprit Saint pour être témoin du Christ, martyr du Christ dans la vie intérieure comme extérieure, et martyr témoin jusqu’au sang avec la grâce de Dieu, pour vivre effectivement en enfant de Dieu.
La miséricorde est la clé de lecture de la vie humaine. Sans elle, nous nous engageons dans une impasse qui conduit à l’enfermement sur soi, à l’autodestruction, à la mort. Par sa miséricorde, le Seigneur vient nous chercher en tout lieu, en tout temps, en toutes circonstances. Rien ni personne ne peut empêcher ou limiter l’action de la Miséricorde divine dans les âmes, qui agit avec puissance et parfois avec surprise. Rien … sauf notre refus personnel, le rejet de cette miséricorde offerte et donnée. Heureusement pour nous, Dieu vient nous rejoindre au creux même des méandres, de la complexité de l’existence et des expériences douloureuses, ténébreuses, parfois sulfureuses, qui semblent anéantir de façon définitive notre vie, la vie des autres, notre personne et celle des autres.
La miséricorde peut agir au-delà de ce que nous pouvons concevoir, percevoir, penser ou désirer. L’apôtre Saint Jean nous dit dans sa première lettre : « Si ton cœur vient à te condamner, Dieu est plus grand que ton cœur et il connaît toutes choses ».
Frères et sœurs, bien aimés, en ce deuxième dimanche de Pâques, en cette Octave, en ce dimanche de la Miséricorde institué par le Pape Saint-Jean Paul II à la demande de Jésus via sainte Faustine Kowalska, faisons l’expérience personnelle de la miséricorde dans notre vie en célébrant en ces jours, si ce n’est déjà fait, le sacrement de pénitence. Ce sacrement de pénitence qui nous introduit dans la Miséricorde de Dieu, et qui nous fait participer et recevoir cette Miséricorde divine. Le sacrement de pénitence pardonne et peut pardonner tous les péchés sans exception. Ce n’est pas un entretien psychologique, ce n’est pas un entretien fraternel, même si les deux peuvent coexister. Ce n’est pas un dialogue d’experts pour trouver des solutions.
Le sacrement de pénitence permet à Dieu d’agir directement dans l’âme et de la purifier de tout péché, de ses souillures. Mais aussi ce sacrement a la grâce d’affiner notre âme, de la rendre délicate pour recevoir l’action de l’Esprit Saint, de ne pas être des gros sabots dans la vie spirituelle, mais d’avoir cette délicatesse de l’amour envers Dieu et envers les autres.
Si nous sommes appelés à recevoir ce sacrement de pénitence fréquemment et régulièrement, sans avoir peur (car ce sacrement vient laver notre âme, la purifier, lui donner sa luminosité), nous sommes aussi appelés à vivre dans la dynamique de la Miséricorde divine. Cette miséricorde, frères et sœurs, est appelée à être partagée. Si nous sommes graciés, si nous sommes pardonnés, si nous sommes réconciliés avec Dieu, et avec soi-même, nous sommes également appelés à devenir des porteurs de cette miséricorde, des canaux par lesquels cette miséricorde va atteindre tout être humain pour qu’il soit illuminé par la grâce divine et vivre enfin pleinement du Don de Dieu, c’est-à-dire de Dieu lui-même.
Nous sommes tous abîmés par la vie, nous sommes tous déséquilibrés, mais la grâce de Dieu vient nous ressaisir au sein même de ces déséquilibres. Nous pourrions dire que l’équilibre est un déséquilibre permanent où la grâce vient nous maintenir dans l’équilibre, comme la marche humaine ! C’est le cerveau qui nous permet d’avancer : on met un pied devant l’autre, mais normalement on devrait tomber !
Nous sommes donc appelés à recevoir cette grâce divine, cette miséricorde, quels que soient le niveau et l’ampleur des difficultés humaines. Par sa miséricorde, le Seigneur vient nous rejoindre pour nous ramener à Lui, nous introduire dans sa Demeure, la maison du Père où nous sommes attendus, non seulement à l’heure de notre mort mais dès à présent en vivant en amitié avec le Seigneur, en fraternité avec Lui, en ayant un dialogue avec Dieu, un dialogue quotidien avec Lui – ce qui s’appelle la prière – et une communion de vie à travers tous les événements joyeux et douloureux, des réussites et des échecs inhérents à toute existence humaine.
La miséricorde appelle et suscite notre liberté, la liberté d’agir en enfant de Dieu avec un cœur pur et une douceur d’esprit, de parole, de pensée et d’action.
Frères et sœurs, ne soyons pas des créanciers impitoyables de nos frères et sœurs ! Donnons du goût à l’existence, donnons de la vie à la vie. Sachons pardonner avec promptitude et vérité, afin que l’autre puisse trouver ou retrouver la joie de vivre et d’être aimé.
Le monde actuel, avec sa grâce et ses beautés, et le monde de toujours, risque l’asphyxie par manque de miséricorde.
Frères et sœurs, la miséricorde n’est pas le déni du réel, n’est pas de la lâcheté, ou un ramollissement cérébral anticipé. C’est l’approche de la réalité dans sa vérité la plus profonde, au-delà et à travers même les strates, les couches accumulées par le temps et par la ruse des hommes dans leur endurcissement du cœur.
Frères et sœurs, aujourd’hui, posons des actes concrets de miséricorde dans notre cœur par des demandes ou des actes de pardon, trop longtemps peut être repoussés, par une conversion de vie effective et non pas velléitaire, par une conversion d’attitude, c’est-à-dire par le don de soi et pas seulement le don de choses. Puis confions au Cœur de Jésus toute notre vie et celle de nos frères et sœurs en humanité ; il y a un ministère de la suppléance, de prier pour les autres, pour ceux qui ne prient pas, pour ceux qui ne savent pas … oui, pour les confier au Cœur du Christ, afin que le brasier ardent d’Amour de ce Cœur de Jésus vienne embraser notre vie et celle du monde entier, Amen.