Frères et sœurs bien-aimés,
Que veut dire « aimer » ?
Frères et sœurs, que veut dire « aimer le Seigneur » ?
Jésus nous répond : « Si quelqu’un m’aime, il gardera ma parole, il gardera mes commandements, il gardera mon commandement ».
L’Amour exige une mise en pratique concrète et quotidienne du don de soi ; et cela dans l’application concrète des commandements de Dieu, des dix Paroles que Dieu a données, et qui ont une valeur universelle et irréductible :
tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur,
tu aimeras ton prochain comme toi-même,
tu respecteras le jour du Seigneur,
tu honoreras ton père et ta mère (en ce jour de la fête des mères !),
tu ne tueras pas,
tu ne commettras pas d’adultère,
tu ne voleras pas,
tu ne mentiras pas,
tu porteras pas de faux témoignages,
tu ne convoiteras pas ceci ou cela, ou celui-ci ou celle-là !
Si nous mettions en pratique déjà ces commandements, nous serions quasiment un paradis sur la terre … Mais c’est ce que nous demande le Seigneur ! Le Seigneur ne nous dit pas « je vous conseille … il serait utile … il serait possible » … c’est une manière surérogatoire … Non, ce sont des commandements ! La Parole de Dieu qui oblige en conscience.
Donc pour aimer le Seigneur Jésus, et pour l’aimer de manière véritable, il ne s’agit pas de dire simplement « Seigneur, Seigneur » … mais de mettre en pratique ses commandements. L’amour est concret. Cela s’applique dans une vie conjugale, familiale, sacerdotale, communautaire, nationale, internationale. De mettre en pratique ce que Dieu nous demande, et qui concerne tous les êtres humains créés par Dieu.
Mais Jésus nous demande aussi de mettre en pratique son commandement, à savoir : « Je vous donne un commandement nouveau : de vous aimer les uns les autres comme je vous ai aimés ». Voilà la caractéristique de la charité fraternelle chrétienne : de reprendre le commandement donné sur le Sinaï : « tu aimeras ton prochain comme toi-même » … cela suppose qu’on s’aime soi-même ! Et d’aimer son prochain. Mais Jésus va beaucoup plus loin. Jésus, Verbe fait chair, Logos éternel qui est venu prendre notre nature humaine, et dans sa Personne avec sa divinité et son humanité sainte, a exercé cet amour en tant qu’homme. Mais il nous appelle à aimer comme Lui-même nous a aimés, et comme Lui-même est aimé de son Père. Voilà la charité chrétienne, ce n’est pas de donner 10 euros au pauvre du coin (ça c’est un acte de miséricorde).
Nous sommes appelés à vivre, à vivre de cette charité de Dieu, reçue de Dieu, reçue du Père par le Christ dans le Saint Esprit. Et de le vivre, de le répandre, les uns envers les autres, et de manière réciproque et simultanée. Aimez-vous les uns les autres … c’est sans exception. C’est l’agapè trinitaire qui nous est partagé.
Oui frères et sœurs, le Seigneur nous appelle et prend l’initiative de faire de nous ses enfants. Ce n’est pas simplement une métaphore, un terme gentil : « nous sommes des enfants de Dieu » … par le baptême, Dieu nous recrée et il fait de nous ses héritiers : héritiers du royaume de Dieu ! Nous devenons sujets de l’amour de Dieu, sujets d’une relation d’alliance. Être sujet de l’amour de Dieu concerne chaque être humain en particulier, dès sa conception jusqu’à sa mort naturelle, ce n’est pas réservé aux chrétiens ; Dieu aime tous les êtres humains sans exception. Et le baptême fait de nous des enfants de Dieu, des fils et des filles de Dieu, dans le Fils unique Jésus, Verbe incarné, mort et ressuscité, et qui siège auprès du Père. Et donc nous sommes sujets d’une relation d’alliance et acteurs dans cette relation, où les deux partenaires sont Dieu Trinité et chaque être humain, toute l’humanité, et toute l’humanité recréée qui s’appelle l’Église ! Notre Père du Ciel et Jésus viennent en celui ou celle qui l’accueille et qui vit de sa Parole, qui vit de ses commandements, qui vit de son commandement, et qui s’efforce … avec des hauts et des bas, des réussites et des échecs, des victoires et des effondrements … qui s’efforce de le mettre en pratique.
Oui, l’amour du Seigneur se manifeste par la mise en application de ses commandements, de son commandement et de sa Parole. Cette Parole c’est Lui-même, c’est Lui que nous recevons. La Parole de Dieu, le Verbe de Dieu, vient à nous et vient demeurer en nous ; c’est ce changement, c’est cette divinisation de l’être humain.
Quel est le but de la vie chrétienne, frères et sœurs ? C’est de devenir Dieu.
Quel est le but de l’humanité ? C’est être divinisé, déifié par la présence de la Trinité. Ce que nos premiers parents ont voulu prendre, le fruit défendu, saisir … Dieu nous le donne si nous le recevons, comme quand on reçoit la communion. On ne prend pas la communion, on la reçoit ; même pour le prêtre, on a été ordonné prêtre ou évêque, on ne s’est pas auto-ordonné ; on le reçoit d’une Tradition, on reçoit de l’Église.
Recevoir pour pouvoir donner.
Et le but de notre vie, c’est d’être Dieu par participation dans le Fils unique qui, Lui, l’est par nature de toute éternité. C’est le but de la vie humaine, c’est le but de la vie chrétienne.
Et cela nous allons le décliner – tant bien que mal – tout au long de notre vie, dans ce pèlerinage de notre vie où nous essayons à travers le concret de la vie (même de la vie professionnelle, de la vie sociale) de communiquer cela, de le transmettre « comme on peut » mais en vérité, en Esprit et en vérité.
Oui : le Père et Jésus avec l’Esprit Saint viennent demeurer en nous. Cette inhabitation de la Trinité dans l’âme chrétienne, ce que Thérèse d’Avila appelait (avec d’autres) la « Septième demeure » – alors ce n’est pas un immeuble avec des appartements, évidemment – mais c’est la profondeur de la Présence de Dieu et de son intimité dans l’âme, et cette réciprocité. Voilà. Cette transfiguration qui aussi appelle à la résurrection de la chair à la fin des temps. Nous allons mourir. Nous irons au cimetière. Mais notre corps retrouvera sa vie dans la puissance de l’Esprit Saint, c’est une vérité de foi ; d’où le respect du corps humain.
Nous sommes appelés donc à une relation, à une alliance, à une amitié, à une filiation.
Ce sont des vérités qui sont le fruit de la Révélation, qui sont le contenu de la Révélation, et qui nous appellent à une mise en œuvre existentielle pratique dans le quotidien de notre vie, une relation avec Dieu dans ce Mystère d’Alliance ; dans une alliance il y a une réciprocité, une amitié, une filiation.
Et ces vérités de foi ont quatre caractéristiques. Tout d’abord, la Paix que Jésus nous donne. Il ne donne pas une paix générale, générique ; Il nous appelle à recevoir sa paix et sa joie. Recevoir la Paix du Christ. Et que rien ni personne, qu’aucune épreuve ne peut supprimer ou ébranler.
Puis, le Seigneur nous appelle à une communion avec l’Esprit Saint et la force qu’il nous communique. Dans le passage des Actes des apôtres que nous avons eu en Première Lecture, les apôtres et les anciens à Jérusalem disent (quelle audace, hein !) : « L’Esprit Saint et nous avons décidé ». Oui, le chrétien, et le groupe des apôtres, peut affirmer « l’Esprit Saint et nous ». Cela sera explicité au cours des siècles par ce qu’on appelle aussi « l’infaillibilité pontificale ». Mais c’est toute l’Église qui, en communion avec l’évêque de Rome, le successeur de Pierre, le Vicaire du Christ sur la terre, avance dans cette certitude de foi et de vie morale.
Le troisième point, c’est le don total qu’engendre cette réception de la Vie divine en nous ; tel que Barnabé et Paul l’ont vécu, et saint Luc écrit : « Barnabé et Paul, eux qui ont fait don de leur vie pour le nom de notre Seigneur Jésus Christ » : pour le Christ Jésus car dans la Bible le nom renvoie à la personne, c’est la même chose ; le Nom de Dieu, c’est Dieu. Et donc, Barnabé et Paul ont fait don de leur vie. Mais c’est une caractéristique de tout baptisé, ce n’est pas réservé aux moines ou aux prêtres. Tout baptisé est appelé à vivre ce don de sa vie pour le Nom du Christ, pour Jésus.
Enfin, quatrième point : c’est de devenir des témoins de l’Espérance, telle décrite dans le passage de l’Apocalypse que nous avons lu en Deuxième Lecture ; ce passage de l’Apocalypse qui nous parle de la Jérusalem céleste de manière symbolique, pour exprimer une réalité transcendante que nous ne pouvons pas saisir pleinement ici-bas. Donc, on emploie des images, comme les poètes emploient des images pour dire des vérités ; les vérités existent, on le dit de manière allégorique ; le Livre de l’Apocalypse parle ainsi aussi ; en se souvenant que le mot « Apocalypse » n’est pas là pour terroriser les gens, le mot « Apocalypse » veut dire « révélation » ; c’est une révélation ; et le livre d’Apocalypse est un livre d’espérance à travers les épreuves.
Devenir des témoins de l’espérance qui ne déçoit pas, nous qui sommes en marche vers cette Jérusalem céleste illuminée par Dieu. Mes frères et sœurs, dès à présent, cette lumière de la Jérusalem céleste nous éclaire. Dieu nous éclaire puisque nous sommes habités par la Trinité, et que la Trinité nous constitue en son Corps qui est l’Église : le Corps du Christ, le Corps mystique du Christ ; unis les uns aux autres en Esprit et vérité ; avec une fraternité qui dépasse la fraternité biologique humaine, qui va encore plus loin puisque c’est le Christ qui nous unit. Et ce n’est pas simplement un accord psychologique, sentimental, ou d’amitié … qui est déjà une grande chose.
Oui, c’est le Christ Jésus qui nous unit. Dès à présent la lumière du Seigneur nous éclaire et nous guide vers la Patrie du ciel, nous fait vivre en frères et sœurs. Mais aussi nous aide à construire une humanité nouvelle, à transfigurer (avec bien des peines) les relations sociales, les relations entre les nations, entre les peuples, pour que la Présence du Seigneur soit manifestée.
Et que nous nous rappelions les uns les autres notre finalité qui est le Ciel, qui est la vie en Dieu mais qui nous est donnée déjà ici-bas.
Et par notre attitude, nos choix de vie, de témoigner que cet Amour, que cette réalité céleste est déjà présente. Elle n’est pas pour plus tard. Elle est pour plus tard dans sa plénitude, mais, déjà présente.
Et donc d’être des signes prophétiques, prophétique voulant dire « la Parole de Dieu aujourd’hui » et pas simplement le futur,
de dire que nous sommes vraiment frères et sœurs en humanité,
frères et sœurs dans l’Acte créateur de Dieu, qui est notre Père à tous ;
frères et sœurs, dans le Christ Jésus et la puissance de l’Esprit Saint.
D’être tous ensemble un peuple en pèlerinage, un peuple pèlerin, témoin de cette Espérance qui ne passe pas, et qui trouvera son accomplissement dans cette Lumière que Dieu nous donne déjà, et nous donnera en plénitude dans le Christ Jésus, Lui qui se dit Lumière du monde.