Chers frères et sœurs,
Exceptionnellement, je ne parlerai pas de l’évangile qui est Parole de Dieu (qui est un peu trop compliqué pour moi) mais bien plutôt de l’apôtre Paul qui dans sa première Lettre à Timothée affirme qu’il y a un seul Dieu et un seul médiateur entre Dieu et les hommes … et que, je cite Saint Paul : Dieu veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité.
L’unicité de Dieu (le fait que Dieu est Un), la foi en un Dieu unique ne s’est pas faite dans l’histoire de l’humanité du jour au lendemain. On sait qu’il a fallu attendre vers le 19e siècle avant Jésus-Christ, la révélation de Dieu à Abraham, puis à Moïse. « Le Seigneur dit à Abraham, quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père ». Nous voyons que ce n’est pas un Dieu anonyme, lointain, qui s’adresse à Abraham mais quelqu’un, une personne, qui s’adresse à Abraham. Nous le confesserons dans un instant dans le Credo : « Je crois en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant ».
Et il faudra encore du temps pour que cette Personne se révèle Une et en même temps Trine, un seul Dieu en trois Personnes. Scandale pour nos frères musulmans. Je crois en un seul Dieu et en son Fils unique … qui n’est pas moins Dieu que son Père. Je crois en l’Esprit Saint, dirons-nous encore dans le Credo, qui est Seigneur et qui donne la vie … et qui n’est pas moins Dieu que le Père et le Fils : un seul Dieu en trois Personnes.
Et puis, sept siècles plus tard, l’apparition à Moïse dans le feu du buisson ardent. « Quel est ton nom ? » lui demande Moïse. « Je suis qui je suis ». En disant à Moïse « Je suis qui je suis », Dieu a voulu rappeler l’homme au sentiment de ses limites plutôt que de définir pour lui sa propre essence. Dieu, de façon un peu abrupte, le Seigneur, dans une vision, je crois à Sainte Catherine de Sienne, lui dit un jour : « … Tu es celle qui n’est pas, je suis Celui qui suis ».
Aucun nom abstrait de l’Écriture ne peut suffire à faire connaître Dieu. Les mots qui ressemblent le plus à une définition dans l’Écriture se rapportent immédiatement vers l’histoire sainte, l’histoire du peuple de Dieu ; Dieu est une Personne qui entre en dialogue avec un peuple ; Dieu est une Personne divine qui entre en dialogue avec chaque personne de ce peuple. Ce Dieu a révélé son nom et son visage par l’envoi de son Fils. Il n’y a qu’un seul médiateur entre Dieu et les hommes, nous dit Paul, qui s’est donné en rançon pour tous.
Ici, frères et sœurs, Dieu fait plus que « révéler son nom et son visage » : en son Fils, il donne sa vie ; comme dira Saint Jean de la Croix : « En Jésus, Dieu nous a tout donné ». Cette unique médiation du Christ entre Dieu et les hommes n’est pas toujours bien comprise (parfois même à l’intérieur de l’Église), comme si considérer Jésus étant le Sauveur unique et universel relèverait d’une prétention sans bornes. Or, l’enseignement du Concile Vatican II qui reste, comme dit Saint-Jean Paul II : « la grande boussole de notre foi pour notre temps », demeure plus que jamais d’actualité.
Je cite Saint Paul VI (qui a participé et clôturé le Concile Vatican II) dans son encyclique Ecclesiam Suam : « L’enseignement du Concile est christocentrique à tous les niveaux (c’est-à-dire centré sur la Personne de Jésus) et en conséquence, il est profondément enraciné dans le Mystère trinitaire ».
Le Concile Vatican II, frères et sœurs, a d’abord et surtout parlé de Dieu ; et cela non seulement à l’intérieur de la chrétienté pour les chrétiens mais en s’adressant au monde entier, à tous les hommes de bonne volonté. Il a parlé de Dieu qui est le Dieu de tous, qui les sauve tous et qui qui est accessible à tous. Ce Dieu infiniment grand et infiniment proche. Reprenons saint Paul : Car Dieu veut que tous les hommes parviennent à la plénitude de la connaissance de la vérité. Lorsque l’Écriture parle de connaissance, le mot est très proche de « aimer » ; connaître la vérité, c’est l’aimer ; d’ailleurs pour connaître une réalité, il faut l’aimer.
Qu’en est-il de la place de l’Église dans cette unique médiation du Christ entre Dieu et les hommes ? Cette Église dont le concile Vatican II nous dit que : « elle est la première bénéficiaire du salut et qu’elle est aussi le sacrement universel du salut » … le concile poursuit en disant que : « il est nécessaire de tenir ensemble ces deux vérités, à savoir : la possibilité réelle du salut dans le Christ pour tous les hommes et la nécessité de l’Église pour le salut ». Possibilité et nécessité, les deux ne sont pas contradictoires.
En ce dimanche, nous fêtons en mineur puisque c’est dimanche, le grand apôtre Matthieu (appelé Lévi dans les évangiles, l’auteur du premier évangile, le percepteur d’impôt qui était quelque peu « mafieux », dirait-on aujourd’hui !) … nous avons sous les yeux la puissance de ce que la grâce divine peut faire dans le cœur de l’homme. En vérité, je vous le dis, dira Jésus, les prostitués et les publicains (comme Lévi, Matthieu) vous précéderont dans le royaume des cieux.
Les fils de ce monde, avons-nous entendu dans l’évangile, sont plus habiles entre eux que les fils de la lumière.
Cette invitation du Christ, frères et sœurs, aujourd’hui, à être aussi inventifs et habiles dans la quête du Royaume des cieux que dans la gestion des affaires de ce monde n’est pas une condamnation (des affaires du monde), loin de là (sinon Dieu ne se serait pas fait homme), mais un appel pour nous à être toujours plus attentifs aux réalités d’en haut. Comme le dit encore Saint Paul dans la lettre aux Colossiens que nous entendons chaque année à la messe de Pâques : Recherchez ce qui est en haut, là où se trouve le Christ assis à la droite de Dieu ; c’est en haut qu’est votre but, non sur la terre.
Appel du Christ, frères et sœurs, non pas à dédaigner le monde, loin de là, où il nous a envoyé en mission, mais à y déployer nos charismes respectifs en vivant de son Esprit qui fait toutes choses nouvelles.
Cet Esprit à qui soit tout honneur et toute gloire avec le Père et le Fils, dans les siècles des siècles. Amen !



