Les disciples de Jésus parlaient du Temple, ils en admiraient la beauté, la solidité, ils en admiraient la fonction d’être le signe d’une appartenance, le signe d’une présence, le signe d’une alliance et d’une fidélité de Dieu envers son peuple.
Le Temple dans l’histoire sainte est la demeure de la rencontre et de la prière, le lieu où l’homme se fait écouter de Dieu. C’est aussi le lieu de l’enseignement de la loi de Moïse. C’est le lieu de l’action de grâces. C’est aussi le lieu dans lequel la piété et l’amour envers Dieu se manifestent, non d’ailleurs sans ambiguïtés ou déviations comme en réfère l’épisode dans lequel Jésus chasse les vendeurs du Temple. Le passage qui précède notre évangile du jour nous rapporte justement l’ostentation des riches donateurs et cette pauvre veuve qui mettait dans le tronc du Temple bien plus qu’eux, en y mettant avec sa maigre obole inaperçue tout ce qu’elle possédait.
Mais ceci nous interpelle toujours aujourd’hui, quand nous venons à l’église, sommes-nous des chrétiens de routine, ou des chrétiens d’ostentation, ou aussi pauvres puissions-nous être, sommes-nous des chrétiens au cœur de feu, des chrétiens de la ‘rencontre’ ?
Salomon lors de la dédicace du premier Temple faisait cette prière : « Que tes yeux soient ouverts sur cette maison jour et nuit, sur le lieu dont tu as dit : « Ici sera mon nom ». Daigne écouter la supplication que ton serviteur et Israël, ton peuple, adressent vers ce lieu ! Toi, écoute au lieu où tu habites, au ciel ; écoute et pardonne. »[1]. « Même l’étranger, lui qui n’appartient pas à Israël, ton peuple, s’il vient d’un pays lointain à cause de ton nom, s’il vient prier vers cette Maison, toi, écoute depuis le ciel, la demeure où tu habites, agis selon tout ce que t’aura demandé l’étranger, …afin que les peuples connaissent ton nom »[2].
Jésus lui-même en défendra la signification profonde, mais c’est en sa Personne même, Temple vivant que le Temple réalisera la pleine rencontre de Dieu et de l’homme : « La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle, une merveille à nos yeux ! »
« Vous avez été intégrés dans la construction qui a pour fondation les apôtres et les prophètes, et Jésus Christ lui-même comme pierre maîtresse. C’est en lui que toute construction s’ajuste et s’élève pour former un temple saint dans le Seigneur. C’est en lui que, vous aussi, vous êtes ensemble intégrés à la construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit »[3].
Après le drame de la destruction du Temple en l’an 70 par les armées romaines, un déchirement s’est effectué entre judaïsme et christianisme. Avec la reconstruction du Judaïsme autour de la Torah, les marginalités religieuses n’étaient plus tolérées[4].
Malgré les premières persécutions des disciples du Christ, l’universalisme du Salut dans le Nom de Jésus et portant l’Église vers les nations païennes, reste ancré dans l’histoire sainte d’Israël.
Ce lien d’origine demeure capital pour les communautés chrétiennes issues des nations et des autres cultures ; comme le dit St Paul, nous sommes greffés sur l’olivier franc pour avoir part à la richesse de sa racine[5].
D’où l’importance aujourd’hui comme hier de nourrir notre vie chrétienne et spirituelle à la source des Écritures, dépôt de la révélation à travers lequel Dieu et l’humanité, l’Époux et l’Épouse tissent une histoire sainte, qui devient notre histoire, qui se poursuit encore aujourd’hui.
« Il n’y a aucun salut ailleurs qu’en lui ; car aucun autre nom sous le ciel n’est offert aux hommes, qui soit nécessaire à notre salut », proclame l’apôtre Pierre[6].
Qu’en est-il de ce salut, de cette victoire du Christ aujourd’hui ?
Cela nous pose la question de la puissance et de la présence du Christ ressuscité au cœur de nos vies, au cœur de l’humanité. Jésus nous met en garde, au cœur des malheurs de ce monde, il y aura des sauveurs de tout poil qui feront entendre leurs voix, qu’ils soient politiques ou religieux, sectaires ou autres…ne les écoutez pas ! ils vous perdront dans l’illusion et la désillusion.
Dans son discours aux disciples, Jésus expose une large fresque qui semble englober l’histoire du monde. Les signes perçus comme apocalyptiques n’appartiennent pas à un futur du monde, mais ils accompagnent l’histoire du monde, l’histoire de l’humanité.
Ces signes posent les questions récurrentes à la vie humaine : le bien et le mal, la violence et la paix, l’intolérance, le pouvoir inique, la justice, les souffrances, la mort, les guerres et les catastrophes naturelles ou provoquées…
Et pourtant cette fresque étendue à la largeur de l’histoire du monde, est un vaste champ dans lequel est semée une graine nouvelle, une graine de vie qu’aucun pouvoir de ce monde ne peut anéantir. Cette ouverture à la vie divine que le Christ nous partage par le don de sa vie, dans l’aventure de la foi, de l’espérance et de la charité.
La puissance de vie du Christ, sa résurrection, est une clé de lecture de la vie ordinaire parce qu’elle invite à discerner, non pas malgré mais dans la difficulté même, une force de vie à l’œuvre[7], celle du Christ et de l’Esprit. Nous sommes au cœur de cette mystérieuse communion au Christ dans la foi.
C’est par votre persévérance que vous gagnerez la vie, dit Jésus[8]. Mais cette persévérance est le fruit de la fidélité éprouvée, nous dit St Paul, fidélité éprouvée qui elle-même fructifie en espérance et l’espérance ne trompe pas, car l’amour de Dieu a été répandu en nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné[9]. Cet Esprit qui nous fait nous écrier « Abba ! Père ! » et qui fait de nous des fils, cohéritiers du Christ, partageant ses souffrances et sa gloire[10].
Ceci a pour conséquence qu’il n’y a plus de zones de séparation ou d’exclusion en ce monde et que le disciple du Christ est appelé à manifester, à travers sa vie et ses engagements, l’universalité de la résurrection en Christ, pour que cette graine nouvelle, cette graine de vie, cette graine d’espérance et d’amour, puisse se manifester et fructifier à travers même les pages obscures de l’histoire de notre monde.



