Bien chers frères et sœurs,

Qui est mon prochain ?

La question est de tous les temps parce que, l’homme a été créé, nous dit le livre de la Genèse, à l’image et à la ressemblance de Dieu, à l’image d’un Dieu que nous croyons être Père, Fils et Esprit Saint, où chaque personne est tournée vers l’autre dans une attitude d’accueil, de réceptivité et de don, et l’on pense à la célèbre icône de la Trinité de Roublev. Cependant, chaque Personne divine demeure, dans son essence divine, ce qu’elle est de toute éternité. Le Père est à la source dont l’amour infini se répand vers le Fils, dans le Fils et l’Esprit. Le Fils, tout accueil, tourné vers le Père, recevant de sa bienveillance infinie, et l’Esprit Saint recueillant ce feu d’Amour du Père et du Fils et le répandant sur l’humanité. Je suis venu répandre, dira Jésus, un feu sur la terre. Ce feu, c’est le feu de l’Esprit, c’est le feu de la vie trinitaire elle-même répandue dans nos cœurs.

La parabole du Bon Samaritain que nous venons d’entendre n’est pas étrangère, loin de là, à ce mouvement trinitaire. Semblable à Dieu le Père, le Bon Samaritain se tourne vers l’homme blessé. Il est, comme dit le texte évangélique, saisi de pitié, pris de compassion, pris aux entrailles. C’est une expression que l’on retrouve souvent dans la Bible, et particulièrement dans la vie de Jésus. Lorsqu’il vit Lazare au tombeau, lorsqu’il rencontre un lépreux, lorsqu’il rencontre cette veuve qui marchait derrière le brancard de son fils mort … Jésus fut saisi de compassion, saisi aux entrailles. Notre Dieu est un Dieu, oui, qui n’est pas sans compassion. Comme dit Saint Bernard : si Dieu est impassible, il n’est pas sans compassion.

Et ce Bon Samaritain qui se penche vers cet homme blessé sur le bord de la route. Cet homme blessé est la figure et l’image de notre humanité blessée par le péché. À l’inverse du lévite et du prêtre qui veulent rester en état de pureté pour pouvoir célébrer au temple, lui se penche vers cet homme blessé, comme Dieu dans le Christ se penche sur notre humanité. Il le relève, comme Jésus l’envoyé du Père, a pris l’homme à bras le corps, si j’ose dire, pour l’emmener dans l’auberge qui est la figure de l’Église où l’homme retrouve sa dignité d’enfant de Dieu. Comme aimait répéter le Pape François : l’Église, c’est un hôpital de campagne.

Qui est mon prochain ?

Le Samaritain ne s’est pas longuement posé la question avant d’agir. Il a vu la détresse de cet homme gisant sur le bord de la route. Il a instinctivement compris qu’obéir à la loi, c’était venir en aide à cet homme. Et que la loi, la finalité de la loi, la loi juive, la loi de la Torah, donnée par Dieu, c’est l’Amour ! Toute loi divine doit conduire à l’Amour. Si la loi n’est pas habitée par l’Amour, elle reste sèche, desséchée. Quant aux prêtres et aux lévites qui passent leur chemin, il n’y a rien – je dirais sur le papier – à leur reprocher.

Ils appliquent la loi, puisque pour servir au Temple, il faut être pur, donc ne pas s’approcher de quelqu’un qui saigne et d’être contaminé par le sang. Mais du coup, en observant littéralement la loi, ils en oublient l’Amour qui, lui, est au-dessus de toutes les lois ; le bon samaritain, lui, observe l’Amour.

Qui est mon prochain ?

C’est celui que Jésus met sur ma route, et dans ma conscience, qui m’appelle à avoir la parole, le geste, le regard – que sais-je – qui le relèvera.

Le Seigneur, par cette parabole qu’il nous donne aujourd’hui, nous enseigne à nous faire proche de celui qui est sur notre route. Qui est mon prochain ? C’est moi-même qui me rend proche !

Comme le Samaritain, le Verbe incarné s’est penché sur notre humanité pour la relever. Nous sommes appelés à la suite du Christ, à avoir ce même geste : de relever celui que le Seigneur met sur notre chemin.

Et nous lui demandons dans cette Eucharistie, de nous donner son Esprit Saint et de nous donner la force, le cœur, le regard, pour voir toute personne et toute réalité dans sa lumière.

Lui qui règne avec le Père dans la joie de l’Esprit pour les siècles des siècles. Amen.

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