Que ton amour, Seigneur, soit sur nous, comme notre espérance est en toi ! nous dit le psaume.

La foi est une façon de posséder ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas encore, nous dit l’Épitre aux Hébreux, en prenant comme modèle la foi d’Abraham qui partit en migration à l’appel de Dieu, sans savoir où il allait, mais dans la pleine confiance en la promesse divine. La promesse divine qui est riche en fécondité de sens et de vie. Et dans l’évangile Jésus nous exhorte à rester en tenue de service, au service de ce royaume des Cieux présent parmi nous et en nous.

La lumière est portée sur notre condition de voyageurs sur cette terre, sur notre condition de migrants et sur notre condition de serviteurs au sein d’une maison commune.

Ces deux conditions pourraient sembler contradictoire car à travers l’histoire et c’est encore vrai aujourd’hui, il y a sans cesse un conflit latent ou ouvert entre migrants et sédentaires. Tout migrant cherche une terre meilleure, et tout sédentaire cherche à la préserver ou la défendre.

Ici les textes nous interpellent, ils ouvrent un autre horizon : L’épître aux Hébreux nous dit, ils aspiraient à une patrie meilleure, celle des Cieux. L’homme de foi Abraham, attendait la ville aux vraies fondations, dont Dieu lui-même est le bâtisseur et l’architecte.

Et Jésus ajoute : Sois sans crainte petit troupeau, votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. Faites-vous un trésor inépuisable dans les Cieux… là où est votre trésor là aussi sera votre cœur.

Depuis le temps d’Abraham, la connaissance du monde et de l’univers a changé, nous savons que l’humanité est embarquée dans une seule et même barque. Nous sommes tous solidaires pour le meilleur et pour le pire sur cette boule de terre sur laquelle nous vivons. La seule solidarité que l’humanité constate malgré elle, est celle de notre finitude, de notre fragilité et de la fragilité du monde qui nous entoure. L’encyclique du Pape François, Laudato si, reste un texte majeur sur le sujet.

Cependant, c’est bien du creux de notre finitude et de notre fragilité que le Christ fait surgir un monde nouveau, une humanité nouvelle. C’est la Lumière pascale, ce passage de la mort à la vie, la migration baptismale, qui ouvre en nous le royaume des Cieux et nous rend participant de la vie en Christ. C’est au cœur même de cette finitude et de cette commune fragilité que le Christ instaure son Église, c’est-à-dire instaure ce lien qui le relie au genre humain et nous relie à l’amour et à la vie de Dieu-même. Cette Lumière pascale et cette relation amoureuse se donne et s’entretien dans la foi. La foi nous dit encore l’Épître aux Hébreux, est une façon de posséder ce qu’on espère, un moyen de connaître des réalités qu’on ne voit pas ; la présence de Dieu tout comme la présence du Christ est bien réelle mais cachée, et vers la plénitude de la vision nous sommes en migration. Mais cette Présence nous habite et nous pouvons mieux la connaître et la faire connaître.

Oui, nous dit Jésus, nous avons mission de manifester cette Présence et cette Vie qui nous habite en veillant et en servant.

Nous tenir en tenue de service et les lampes allumées en attendant la pleine manifestation du Christ, c’est entretenir et garder vivante cette petite flamme fragile de l’Évangile qui brûle en nos cœurs. Petite flamme qui s’entretient dans le secret de la prière commune et personnelle, dans cette présence confiante au regard bienveillant du Père. Petite flamme d’Évangile qui à la suite du Christ nous fait sortir du secret pour être vus aux yeux des hommes. Petite flamme d’Évangile qu’il ne faut pas laisser étouffer par la haine, la violence, l’égoïsme ou l’indifférence. C’est cette petite flamme qui nous rend solidaires et attentifs au bien commun de l’humanité, et qui nous fait grandir dans la charité du Christ.

Là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. Une question nous est posée : que voulons-nous faire de notre cœur ? Avons-nous le désir d’en faire un espace de lumière, de paix, de liberté intérieure ? Jésus nous dit que pour préparer ce trésor dans le ciel il nous faut faire de la place, de la place dans nos cœurs aux autres, savoir donner, partager. Le trésor est le corps du Christ que nous formons par la foi au Christ ; le trésor n’est pas seulement fait pour y puiser, il faut aussi le faire fructifier ; le trésor est aussi enrichi par les pierres précieuses que nous sommes et qui doivent être affinées par la main du Joaillier, pour ensemble bâtir et embellir la maison de Dieu dès ici-bas.

Jésus semble nous enseigner ceci : c’est en regardant vers le Ciel, en tournant notre cœur vers le Seigneur, que nous pouvons porter un juste regard sur les biens de la terre et faire de cette terre un lieu de vie où le Ciel peut se manifester, et dans lequel notre cœur peut se dilater et apprendre à aimer comme Dieu aime.

Le Christ nous confronte à la loi des espaces : si notre cœur se tourne vers le Ciel il peut embrasser la terre, s’il ne se tourne que vers la terre il ne peut embrasser le Ciel.

Oui, heureux êtes-vous, nous dit Jésus, si vous faites ainsi.

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