Frères et sœurs bien-aimés,
Cette solennité du Sacré-Cœur nous manifeste, nous stimule dans cet acte de foi qui nous fait discerner, qui nous fait voir, l’Amour de Dieu pour nous, l’Amour de la Trinité, l’Amour du Père, l’Amour du Christ Jésus, Verbe fait chair, l’Amour de l’Esprit Saint.
Cette solennité nous rappelle que chaque être humain, à commencer par soi-même, est voulu par Dieu, est aimé de Dieu. Nous ne sommes pas le fruit d’un accident ou du hasard, nous sommes le fruit de cette prédestination du Seigneur à l’égard de tout être humain. Afin que chaque être humain puisse découvrir l’Amour que Dieu lui porte. Cet Amour qui se manifeste par l’Acte créateur de chacun et de chacune d’entre nous et par le Sang versé de Jésus qui pour chacun et chacune a voulu offrir sa vie ; et nous entraîner dans cette re-création qui nous est communiquée par le baptême, qui nous fait participer au Mystère pascal de la passion, de la mort et de la résurrection du Sauveur, et de son ascension à lui comme grand Prêtre qui intercède sans cesse pour nous auprès du Père … pour les pécheurs que nous sommes.
Nous sommes aimés, nous sommes choisis, c’était la devise du Pape François, on pourrait dire « miséricordié » et choisi – même si ce n’est pas tout à fait français, mais on voit ce qu’on veut dire – nous sommes touchés par la miséricorde, réconciliés et en même temps de manière simultanée, choisis et élus. Mais c’est vrai pour chaque être humain.
Donc la prédestination n’est pas réservée à un club de privilégiés ou qui aurait mérité quelque chose. Le Salut est totalement gratuit. Nous avons du mal à adhérer à cette vérité de foi où l’on a envie, toujours un peu, de manifester quelque chose qui viendrait vraiment de nous. Le Salut est totalement gratuit et en même temps cette autre vérité, c’est que Dieu veut avoir besoin de nous !
Comme le rappelle le Pape François dans sa quatrième et dernière Encyclique sur le Sacré-Cœur, un peu comme son testament spirituel avec son autobiographie aussi (ce n’est pas le même niveau magistériel évidemment) mais le Pape exprime de manière merveilleuse cet Amour de Dieu qui se manifeste et cette double réalité, cette double vérité où Dieu nous aime et il n’a pas besoin de nous ! Et cet Amour est absolument gratuit ! Et en même temps, il veut dépendre de nous. C’est un Acte suprême d’amour où il respecte notre liberté. Il respecte ce « veux-tu », « si tu veux ».
Et durant cette fête, nous sommes appelés justement à répondre, à notre mesure avec nos pauvretés, nos péchés, nos ratés quotidiens, mais de répondre amour pour amour envers Jésus. Et Jésus nous dit « J’ai soif ». Mais il n’a pas soif de manière égoïste comme nous avec la chaleur on dit « j’ai soif », c’est une réalité matérielle, physique … c’est cette soif de notre amour ; plus encore : une soif de répandre son Amour en nous. Et c’est cette miséricorde qui vient nous ressaisir sans cesse qui est le cœur du christianisme, qui nous accepte tel que nous sommes.
Et qui nous ressaisit pour nous faire entrer dans ce mystère d’alliance vivifiant qui est le mystère de cette vie partagée, donnée par le Père, par son Fils Jésus dans l’Esprit Saint. Cette puissance de la grâce de Dieu qui veut se répandre comme un torrent (mais le torrent a une image violente), comme une eau qui par capillarité se répand dans le jardin de notre âme pour l’imbiber de la grâce divine. Il nous demande cette perfection non pas dans l’ordre moral, même si c’est à souhaiter, mais surtout cette perfection dans l’ordre de l’agapè, de l’amour ; et de nous remettre dans son Cœur de Père, qui est manifesté dans ce Cœur de Jésus, qui est un Mystère insondable sous un certain rapport puisque c’est un cœur humain, mais qui est uni de manière tout à fait unique, ontologique, à la Personne du Verbe.
Le Seigneur veut nous faire participer à cette vérité, à cette réalité. Et c’est ce que nous appelons la « divinisation », la « déification » de notre vie. Nous sommes faits pour participer à la vie divine, d’être comme Dieu ! C’est Grégoire de Naziance qui dit : « de devenir Dieu », et c’est le Don du Père ! Ce n’est pas une idée de théologien … non, c’est une vérité de foi. Ce que, peu après l’acte créateur l’homme a refusé par son orgueil, son péché, son autosuffisance, le Père nous le donne par le cœur humain de son Fils, par l’humanité sainte de Jésus.
Et nous sommes déifiés, divinisés à travers sa miséricorde au creux même de nos pauvretés, de notre péché (dans le sens « péché non choisi »), la faiblesse humaine, où le Seigneur veut sans cesse nous attirer. Et même nos frères et sœurs qui, on ne sait pas très bien pourquoi, sont peut-être un peu plus englués que d’autres dans le mal, le Père les aime et les appelle à venir vers Lui. On ne peut pas juger de l’extérieur sur la situation des êtres humains, mais nous sommes appelés, nous, à faire miséricorde ; le Père fait miséricorde.
Et notre attitude, c’est d’accueillir pour soi-même déjà cette miséricorde et de la partager. En fait, c’est une circulation de Vie, sans cesse de vie dans la miséricorde, on tombe, on se relève, voilà ! … Mais nous sommes appelés à vivre de cette dynamique de l’agapè trinitaire. Et cet agapè qui vient nous rejoindre, cet Amour, ce pur Amour pour nous se manifeste comme un Amour de miséricorde qui vient nous saisir au creux même de nos pauvretés.
Alors, soyons des hommes et des femmes témoins de cet Amour inconditionnel de Dieu. Et rentrons dans cette aventure d’amour. La vie humaine, et la vie monastique, est une aventure d’Amour, en fait ; c’est cela qui dynamise nos vies, nos journées ; pas les ennuis successifs et parfois importants auxquels nous pouvons être confrontés.
Nous sommes appelés à vivre de cette vie, cette aventure d’amour, cette alliance, ce Mystère à la foi de l’adoption divine : cette attitude sponsale et cette attitude fraternelle que Dieu veut partager avec nous.