Chers Frères et sœurs
La fête de la dédicace du Latran commémore l’anniversaire de la plus ancienne cathédrale de Rome, construite peu après la conversion de l’empereur Constantin au Christianisme au début du IVe siècle. La spécificité traditionnelle de cet édifice sacré est de renfermer le siège de son évêque qui est aussi à Rome, chef de toute l’Église catholique. Avec la dédicace d’une cathédrale ou d’une église, nous fêtons non pas une personne comme une mémoire d’un saint, ou bien un évènement de la vie du Christ, mais ce qui peut paraitre plus étrange, un bâtiment matériel, religieux qui a pour rôle concret premier d’abriter des hommes et des femmes baptisés, qui se réunissent pour prier et célébrer le Dieu saint éternellement vivant et « philanthrope ». C’est le Dieu de la Bible qui se penche constamment sur ses créatures jusqu’à s’incarner comme leur Pasteur, leur Instructeur, leur grand Prêtre, leur juge et leur Sauveur, et depuis la Croix victorieuse, leur Frère ainé dans le Royaume.
Ce « mystère » de l’Église selon la première Lettre de Saint Paul aux Corinthiens que nous avons entendue, « se construit » en effet paradoxalement, à partir de « sa Tête et de son Fondement qui est le Christ Lui-même ». Ce Fils de Dieu incarné, qui est mort librement pour nous sauver et qui est Ressuscité, de sorte qu’il participe désormais à la vie même de Dieu. C’est ce Mystère d’amour rédempteur qui nous est offert en partage et nous atteint de façon sacramentelle dans la liturgie, avec la célébration de l’Eucharistie jusqu’à la fin de l’histoire de ce monde.
Toute la vie de l’Église se trouve ainsi depuis la Pentecôte, participante de l’Humanité et de la Divinité du Christ, soutenue qu’elle est, par la magistrale puissance mais discrète de l’Esprit Saint. C’est bien d’ailleurs ce que figure le torrent souterrain sortant du temple de la vision du prophète Ézéchiel entendu en première lecture. Il travaille en nous secrètement à la fois individuellement et collectivement pour que se « forme » selon l’expression spécifique de Saint Paul : le Corps « spirituel » ou « pneumatique » du Christ. Ce même Corps qui est configuré, selon les paroles de Jésus dans l’évangile d’aujourd’hui, au « Temple intérieur » du Christ et de notre propre corps que nous devons tenir Saint par la pureté du cœur.
Le psalmiste chantait déjà que Dieu a créé l’univers comme un Temple à la louange de sa gloire ; il convient donc que l’homme qui sur cette terre, est créé à son image et à sa ressemblance, sache concentrer le meilleur de son génie et de ses énergies à bâtir pour Lui, tout à la fois extérieurement et intérieurement, des espaces sacrés au service de la glorification de son saint Nom.
Les Évangiles nous rapportent que Jésus ne dédaignait pas de se rendre dans les synagogues ou au temple qu’Il appelait : la maison de son Père, déclarant la nécessité qu’elle soit purifiée et reste « une maison de prière ». Ne pleurera-t-il pas Lui-même, peu avant sa Passion, en prophétisant la ruine de Jérusalem et de son Temple ?
Non ! Dieu ne boude pas ce que nous savons bâtir pour Lui dans l’abnégation des générations successives, au contraire le labeur humain doit pouvoir contribuer à cette édification.
N’est-il pas essentiel que toute vie humaine sensée soit orientée au service, à la louange et à l’Amour de Dieu et de son prochain, Lui qui est la source de toute justice et de toute vérité et de paix !
C’est dans ce Mystère de l’Église à partir duquel nous apprenons à devenir frères puisque nous sommes tous des frères sous le regard de ce même Père invisible, inaccessible, hors de son Fils ; mais d’où s’origine pour nous, l’homme nouveau pour un monde renouvelé. L’Église devient par suite, le lieu cohérent où s’enracine, s’éclaire, se forge, se guérit et se construit l’identité spirituelle de nos existences et de toutes nos relations sociales. C’est là que l’on devient pleinement homme, parce que c’est à partir de là, que l’on vit en fils de Dieu.
Cette fête nous fait chanter la présence vivante de Dieu parmi les hommes, et c’est l’Église dans sa célébration liturgique qui fait apparaitre cette communion où « tous ensemble nous faisons Corps du Christ », même si, sous la sainte et libre mouvance de l’Esprit, nous marchons diversement vers Dieu.
Rendons grâce à Dieu maintenant, de nous avoir donné pouvoir de l’adorer, de le louer, et le glorifier. Efforçons-nous de témoigner sobrement parmi les gens qui nous entourent de la joie de cette Présence « mystérieuse » qui nous habite !



