En ce jour nous faisons mémoire de tous les fidèles défunts, et de tous ceux dont seul Dieu connaît les cœurs et la foi.
Nous faisons mémoire de ceux qui nous ont précédés et que nous confions à Dieu par nos prières, que nous offrons à son amour miséricordieux. Nous appelons à notre foi en la victoire du Christ sur la mort, gage de notre vie. « Il faut que cet être mortel revête l’immortalité. Il faut en effet que cet être périssable que nous sommes, revête ce qui est impérissable », nous dit st Paul ; alors se réalisera la parole de l’Écriture : « La mort a été engloutie dans la victoire. Ô Mort, où est ta victoire ? Ô Mort, où est-il, ton aiguillon ? »
La mort garde pour les hommes une part d’inconcevable, de scandale, car au cœur de l’humain est inscrit le désir de vie, le désir de plénitude. Le livre de la Sagesse nous dit que Dieu n’a pas fait la mort : « Ne recherchez pas la mort en fourvoyant votre vie, n’attirez pas à vous la ruine par les œuvres de vos mains. Dieu, lui, n’a pas fait la mort et il ne prend pas plaisir à la perte des vivants ».
Tout humain porte en lui l’image de Dieu nous dit le livre de la Genèse, et cette image en nous est un appel constant à rejoindre la vie et à lui correspondre, mais seul Dieu, qui en est la source et le plein dévoilement, peut nous en donner la compréhension et la plénitude, au-delà de ce que notre cœur et notre entendement peuvent en concevoir, au-delà de ce que nos sens peuvent en percevoir. C’est ce mystère que Dieu a préparé et réalisé en son Fils Jésus Christ mort et ressuscité pour nous, et tel est le grand défi de notre foi. Cette foi en la résurrection du Christ Jésus et en la résurrection des morts.
Seul le don de l’Esprit Saint peut nous ouvrir et nous faire participer à ce mystère de la vie et de l’amour de Dieu qui resplendit en Christ. Seul l’Esprit peut nous le faire désirer, seul l’Esprit du Père et du Fils peut toucher par ses gémissements ineffables nos fibres intimes, les fibres de notre désir de vie, de notre désir d’être aimés, par-delà les limites ou les pauvretés ou les dévoiements que nous expérimentons.
La véritable mort, finalement, est de ne plus vouloir nous laisser rejoindre par cette vie et cet amour divin qui nous appellent.
Contrairement à une expression courante, Dieu ne prend personne, ou n’arrache personne à cette terre, ceci la nature s’en charge, ou la folie des hommes, mais Dieu se sert de ce que la nature ou la folie des hommes nous enlève pour en faire son heure de la rencontre, pour faire résonner son appel à sa lumière. Dieu appelle, il nous appelle tous au face à face. Dieu nous attend, nous désire et nous accueille.
Et si l’Église fait mémoire des défunts, si l’Église que nous représentons prie pour les défunts, c’est afin d’exprimer le désir et l’espérance que la grâce divine, la grâce vivifiante du Christ par son Esprit opère dans leurs âmes son œuvre de salut, afin qu’ils s’ouvrent totalement à la lumière vivifiante de Dieu. Afin qu’ils s’ouvrent à cette gloire que le Christ a instaurée dans son humanité et notre humanité. Prier pour les défunts c’est les offrir à la miséricorde divine afin que le Christ les prenne en charge.
Voir Dieu c’est entrer pleinement dans une alliance indéfectible, entrer pleinement dans une vie pleinement réconciliée avec Lui ; et par Lui, réconciliée avec les autres dans sa lumière, dans la grande communion des saints. Là où les défunts peuvent aussi intercéder pour nous.
Et si nous prions en ce jour pour ceux qui nous ont précédés, c’est bien afin que tout en eux soit pleinement purifié, que tout en eux soit livré à cette alliance éternelle, à cette réconciliation qui est pleine adhésion, pleine reconnaissance et plein accueil de l’amour lumineux de Dieu. Amour lumineux qui fait que tous nos manques de vérité se retrouvent consumés dans sa miséricorde, comme le dit si bien le prophète Isaïe : il enlèvera la honte de son peuple.
Aussi Jésus nous invite à veiller, à rester tendus vers sa Présence, réelle et voilée ici-bas, et qui sera manifeste au terme de la route. Cette veille est une forte incitation à commencer dès maintenant à lui ressembler, à l’imiter, à le reconnaître et à le servir en nos frères et sœurs en humanité, afin qu’il devienne vraiment l’Époux qui nous fasse participer au grand banquet de ses Noces.
Voici, je viens bientôt, nous dit-il, et ce bientôt accompagne et sollicite toute notre vie.
Prier pour nos défunts, c’est aussi nous-mêmes nous mettre en route, mettre nos pas sur le chemin du Christ, lui qui est le chemin, la vérité et la vie. Le Christ nous mènera au terme, dans sa gloire que le Père lui a confiée pour nous : « telle est la volonté de Celui qui m’a envoyé : que je ne perde aucun de ceux qu’il m’a donnés, mais que je les ressuscite au dernier jour ».



