Frères et sœurs bien aimés,
Dans notre vie chrétienne la Présence de la Trinité remplit nos journées, remplit notre cœur. Dès que nous nous levons et au moment de notre coucher avant de nous endormir, si possible, nous faisons le signe de la croix. Quand nous entrons dans une chapelle ou une église, nous nous signons, qu’est-ce que ça veut dire ? Nous faisons le signe de la croix qui nous rappelle notre baptême, que nous sommes consacrés au plus profond de notre être, au niveau ontologique par la grâce et la Trinité. Nous sommes marqués, consacrés par la Trinité. Chaque être humain, dès sa conception, est en quelque sorte consacré. Chaque être humain est unique dans l’histoire de l’humanité. Il n’y a pas de clonage au niveau ontologique.
Nous sommes appelés à revivifier en nous cette Présence de la Trinité qui nous a marquée pour l’éternité. Notre âme a reçu un sceau, une marque spirituelle, qu’on appelle le « caractère spirituel » que l’on reçoit dans trois sacrements : le baptême, la confirmation et le sacrement de l’ordre, quand on est ordonné diacre, prêtre ou évêque. Nous sommes appelés à vivifier et à nous rappeler, à faire mémoire au sens biblique du terme, pas simplement faire mémoire « qu’a-t-on fait hier… », mais de nous rappeler de cette Présence vivifiante de la Trinité qui nous habite et nous meut.
Quand nous rentrons dans une église, nous nous signons « au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit » avec l’eau qui a été bénie (que nous avons bénie au début de la Messe dominicale) et qui nous rappelle le baptême ; l’eau bénie est un sacramental qui efface les péchés véniels. Pour les péchés plus graves, le sacrement de réconciliation nous est proposé (et qui est demandé par l’Église) pour être réconcilié avec Dieu et avec la communauté de l’Église, en fait toute l’humanité ! Si nous péchons, même de manière cachée, nous abimons la communion interpersonnelle au sein de l’Église et au sein de l’humanité.
Parfois nous pouvons jeter la faute sur ceux qui déclenchent les guerres, mais quelle guerre nous déclenchons dans notre propre âme, souvent ? Et de manière très feutrée, très cachée, mais avec autant de cruauté et de conséquences néfastes pour les autres.
Donc tout au long de la journée, au début des repas, à la fin des repas, et même de façon publique, nous pouvons nous signer sans aucune retenue, c’est un témoignage de foi … sous prétexte parfois de laïcité ou de respect des autres, nous sommes de parfaits lâches ! Nous appartenons au « club des dégonflés » qui n’osent pas affirmer leur foi, non pas l’imposer, jamais ! … affirmer notre identité de chrétien ! Parfois d’autres membres d’autres religions nous donnent des leçons indirectes de courage et d’audace. Nous avons une fausse crainte, nous avons le devoir de témoigner de notre foi, avec respect, avec douceur mais avec vérité, avec courage.
Donc tout au long de nos journées, la Présence de la Trinité nous est rappelée par le signe de la croix, l’eau bénie, mais aussi par les actes de foi que nous pouvons poser intérieurement – de manière cachée pour le coup – pour être en relation avec Dieu, pour vivre de ce mystère de la Trinité. Nous ne célébrons pas un principe aujourd’hui.
Nous célébrons Dieu qui est vivant, le Dieu vivant ! Le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob ! Comme Jésus disait aux Sadducéens qui ne croyaient pas à la résurrection d’entre les morts : « Il est le Dieu des vivants, non pas des morts ». La Trinité n’est pas simplement un concept élaboré par des théologiens qui auraient beaucoup travaillé, jour et nuit pendant des décennies et qui enfin auraient trouvé à peu près une solution ! C’est une révélation ! Dire que Dieu existe est une vérité qui peut être atteinte sans la foi. Cela a été défini par le Concile Vatican I en 1870, par la constitution dogmatique Dei Filius, rejetant ce que l’on appelle le fidéisme, comme si on pouvait toucher Dieu uniquement par la foi. Mais c’est une erreur. L’intelligence humaine à travers la philosophie, la sagesse (philosophie, cela veut dire « ami de la sagesse »), nous appelle avec la métaphysique à appréhender cet Être premier, ce « moteur premier » (Aristote) qui est la source de tout. Mais pour cela on n’a pas besoin de la foi. Aristote n’avait pas la foi ! il était précepteur d’Alexandre le Grand, il vivait 4 siècles avant Jésus Christ.
Nous sommes appelés à comprendre que notre intelligence est faite pour Dieu et nous pouvons toucher l’Être de Dieu et son existence par l’intelligence. Mais ça, ce n’est pas la foi, c’est la capacité de l’intelligence. Par contre, de dire que Dieu est Trinité ou que Jésus Christ a été créé homme né de Marie, ça, c’est uniquement la Révélation. C’est la foi ! Et dire que Dieu est Trinité de Personnes dans l’Unité de la nature divine, seule la foi nous le découvre, et nous le révèle. Et donc, cette connaissance de Dieu, cette connaissance au sens biblique (connaissance ça veut dire : c’est une relation entre un homme et une femme, une relation conjugale, c’est ça le mot « connaissance » dans la Bible), cet aspect humain est élevé jusqu’au rapport de Dieu avec l’âme humaine, une intimité profonde qui dépasse toute relation connue des expériences humaines, dans le parcours existentiel de l’être humain. Nous sommes appelés à accueillir aujourd’hui, à frais nouveaux, cette vérité que Dieu est Trinité de Personnes, et pas simplement comme connaissance intellectuelle (on additionne des informations…) mais pour en vivre. Dieu se révèle pour nous communiquer sa Vie.
Aujourd’hui, nous sommes appelés à nous laisser saisir à nouveau par cette Présence de la Trinité dans notre vie, cette Présence de Dieu.
Frères et sœurs, depuis ce matin, combien de fois avons-nous pensé au Seigneur ? Combien de fois ? Ce lien avec le Seigneur est très vivifiant par la célébration de l’Eucharistie dominicale mais on n’est pas chrétien une heure trente par semaine ! Et le reste du temps on serait « semi païens » … Non, nous sommes appelés à vivre de cette vie tout au long de nos journées, de vivre de cette vie trinitaire dans la foi. Le Seigneur Jésus nous dit dans st Jean : « Si quelqu’un observe ma parole, mes commandements, mon Père l’aimera, nous viendrons auprès de lui et nous nous ferons une demeure en lui, au fond de l’âme ». Ainsi la Présence de la Trinité nous habite. Nous sommes appelés durant cette Eucharistie, tout au long de notre vie, de vivre de cette Présence trinitaire dans notre âme. Et cela aussi a une conséquence : deuxième commandement, qui est la relation les uns envers les autres, les uns avec les autres. Si cette relation avec Dieu est le fruit de l’initiative divine qui se déverse dans les âmes, et qui est le but même de la création et de la rédemption, nous avons été faits pour devenir Dieu par participation ! C’est ça le cadeau que Dieu fait à l’humanité – c’est pas d’être gentil… – de vivre de la vie de Dieu ici-bas dans la foi sous le régime de la grâce et plus tard dans la vision béatifique, dans le bonheur éternel ; on est fait pour le bonheur.
Nous sommes appelés à vivre de cette vie. Mais cette vie de Dieu, cette vie trinitaire qui est une vie de relation, Dieu est relation permanente – les théologiens l’appellent la relation subsistante, voyez, l’Être même de Dieu est « relation » au sein même de la Trinité ; notre vie les uns envers les autres est une vie de relation.
Nous sommes appelés à travailler la qualité de nos relations des uns avec les autres. Nos proches : si on est marié, si on a des enfants … si on est en vie communautaire, monastique … quel est la qualité d’humanité et de vie de grâce des uns envers les autres ? Nous sommes appelés à travailler, ce n’est pas surérogatoire – si on a une possibilité, on peut améliorer … – non, nous sommes appelés à transfigurer nos relations. Évidemment, c’est là où nous avons les plus grands défis, les plus belles réussites et les échecs les plus cuisants, mais la miséricorde divine les ressaisit pour nous redynamiser dans cette relation des uns envers les autres ; la dynamique est donnée. L’être humain est un être de relation puisqu’il est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu qui est un Être de relation. Dieu n’est pas un bloc monolithique, il est Dieu dans une vie trinitaire. Ainsi nous sommes créés à l’image de Dieu pour être en relation les uns avec les autres et de vivre cette relation dans la vie-même de la grâce trinitaire. C’est pas seulement une histoire de sentiment, de ressenti … « Je le sens bien … je ressens rien du tout ! » mais je suis appelé à vivre cette relation dans la Vie trinitaire.
Alors que cette Eucharistie nous donne à nouveau de redynamiser en nous aujourd’hui cette relation avec Dieu, d’accueillir la Présence de Dieu aujourd’hui dans notre vie, dans notre âme ; de l’accueillir aussi dans les relations les uns envers les autres, dans toute sorte de relations, même les plus difficiles, même celles qui sont les plus brisées, Dieu peut tout réparer, et même l’irréparable ; et si on ne peut pas les réparer ici-bas, le Seigneur s’en occupera dans l’éternité ; il suffit de s’ouvrir à la grâce et d’offrir les impossibilités, les choses où l’on ne peut pas avancer ; nous les confions au Seigneur et Lui trouvera les clés pour ouvrir les portes, les coffres et les fenêtres.
Nous sommes appelés à transfigurer nos relations et d’être témoins les uns les autres de cet amour de Dieu ; Jésus nous dit : « c’est à l’amour que vous aurez les uns pour les autres que tous vous reconnaitront pour mes disciples ». Il ne dit pas « c’est à l’habit que vous porterez » (c’est important l’habit religieux, on est d’accord, c’est un signe, un symbole mais qui est second, qui est au service de cette Trinité), c’est la vérité de l’amour des uns envers les autres (les chrétiens et envers tout être humain) qui va être la qualité et l’identification de notre vie de baptisé.
Que le Seigneur nous fasse cette grâce aujourd’hui, qu’il nous donne cet amour, pour nous ouvrir à la puissance de la grâce et, n’ayons pas peur de nous laisser emporter par la puissance de Dieu qui vient surabonder en nous, et de la partager.