Bien chers frères et sœurs,
En ce jour où le Pape Léon XIV inaugure son pontificat à la tête de l’Église où il s’inscrit à la suite de l’apôtre Pierre, l’évangile de ce jour (qui n’est pas celui qui est lu à Rome ce matin) nous donne à réentendre le commandement nouveau : « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ».
C’est vraiment le cœur de ce que Jésus nous a transmis par sa vie, sa mort et sa résurrection … « Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés ». Il nous l’a transmis non seulement par sa Parole mais par des actes, et par l’Acte suprême d’amour qu’est la mort sur la Croix.
Mais où se trouve donc la nouveauté dont parle Jésus ? Pourquoi ce commandement est-il un commandement nouveau ? Jésus ne se contente pas de répéter ce qui était déjà exigé dans l’Ancien Testament : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » mais il établit comme motif et comme norme de notre amour sa Personne même … « comme Je vous ai aimés ».
C’est ainsi que l’amour devient véritablement chrétien en portant en lui la nouveauté du christianisme. À la fois cet amour doit s’adresser à tous sans distinction, mais surtout il doit parvenir jusqu’aux conséquences extrêmes, n’ayant d’autres normes pour reprendre la parole de saint Bernard : « N’ayant d’autres mesures que d’être sans mesure ! ». Ces Paroles de Jésus nous invitent à aimer « comme Je vous ai aimés » ; elles peuvent apparaître comme un objectif impossible à atteindre mais me semble-t-il, elles sont aussi un encouragement qui nous pousse à aller toujours plus loin, et c’est son Esprit Saint qui nous pousse à aller de l’avant. Comme disait le tout nouveau bienheureux béatifié hier à Chambéry, Camille Costa de Beauregard : « Plus la montagne est haute, plus l’horizon est lointain ».
Ce n’est plus désormais comme dans l’Ancien Testament « Aimer le prochain comme toi-même » – ce qui est déjà beaucoup – mais « aime le prochain comme Moi, Jésus, je l’aime ». Ce commandement avec l’Évangile n’est plus dès lors une loi à appliquer, à observer, mais il est une grâce, il est un Don qui se fonde sur la communion avec le Christ, qui n’est possible à mettre en œuvre que par le Don du Saint Esprit qui vient aimer en nous.
Saint Augustin se pose la question : Pourquoi le Seigneur appelle ce commandement « nouveau ? », ce commandement qui est manifestement si ancien. Il répond à cette question ainsi : Parce que celui qui écoute ce commandement et qui y obéit, est renouvelé par un amour qui n’est pas un amour charnel, mais par l’Amour du Seigneur lui-même qui nous dépouille de l’homme ancien et nous revêt de l’homme nouveau. Oui, frères et sœurs, le christianisme, c’est la religion de la nouveauté ! Et Augustin poursuit : C’est cet Amour-là qui nous renouvelle pour que nous soyons des hommes nouveaux, les héritiers du Testament nouveau, les chantres du Cantique nouveau. Et puis cette parole que j’aime tant de Saint Irénée qui écrit : En s’apportant lui-même, Jésus a apporté toute nouveauté car ce qui était annoncé par avance, c’était précisément que la nouveauté viendrait renouveler et revivifier l’homme.
Et ça sera probablement d’une façon ou d’une autre le message du Pape ce matin : ouvrez vos cœurs à la nouveauté du Christ qui fait toute chose nouvelle !
Avec l’avènement de Jésus, en effet frères et sœurs, tout devient nouveau ! Il s’agit d’entendre, si vous avez l’occasion dans votre entourage, des récits de convertis ou de catéchumènes quand on pose la question : « Qu’est-ce que cela change dans ta vie d’avoir rencontré le Christ ? » Et d’une façon ou d’une autre, ils disent : « Tout est nouveau, tout est nouveau ! ». Avec l’avènement de Jésus, oui, tout devient nouveau !
Cette nouveauté, c’est tout d’abord le Royaume des cieux qui se fait proche … cette proximité du Royaume, c’est Jésus lui-même ! Et Jésus fait de la proximité du Royaume le trait distinctif de son message : là où est Jésus, là est le Royaume des cieux ! Le Royaume des cieux est proche : c’est son kérygme, son annonce essentielle : « Le Royaume des cieux est proche, convertissez-vous et croyez à l’évangile » … Et convertissez-vous parce que le Royaume des cieux est proche ! Par sa Présence et par son Action, Dieu est entré dans l’histoire d’une manière tout à fait nouvelle ici et maintenant comme Celui qui agit.
C’est de cette nouveauté, frères et sœurs, de l’amour du prochain et de cette proximité du Royaume dont nous avons à vivre, à être les témoins, chacun selon notre vocation propre à la suite de Paul et de Barnabé qui, au milieu de nombreuses tribulations, rendaient gloire à la Parole du Seigneur, tandis que les disciples étaient remplis de joie et d’Esprit Saint. C’est cette même joie qui aujourd’hui se manifeste en nous et parmi nous par la Présence de Jésus ressuscité. Notre nouveau Pape Léon XIV, religieux disciple de Saint Augustin comme son prédécesseur Benoît XVI qui était aussi un grand ami de Saint Augustin … notre Pape Léon nous entraînera à n’en pas douter par sa parole et par son exemple sur ce chemin toujours nouveau de disciple du Christ.
Nous demandons à Dieu, frères et sœurs ce matin, par la puissance de son Esprit qui nous est communiqué dans chaque Eucharistie, de nous soutenir sur ce chemin et de nous renouveler. Nous le demandons pour tous les membres de l’Église dont nous sommes les membres vivants par le Baptême quelle que soit notre condition. Nous demandons aussi la puissance de l’Esprit Saint pour notre communauté de Sénanque – en cette année jubilaire placée sous le signe de l’Espérance, et nous avons tous besoin de grandir dans l’espérance – notre communauté qui s’engage dans un processus de renouveau afin de porter avec la grâce de Dieu un bon fruit pour la gloire de Dieu, pour le service de l’Église, et pour construire avec les frères que le Seigneur voudra bien nous donner, ce Royaume des cieux qui prend racine en cette terre de Vaucluse où depuis près de neuf siècles le Nom du Seigneur est honoré dans cette abbaye.
Que Marie, Mère du bel Amour, attire sur nous l’Esprit Saint, nous accompagne dans les joies comme dans les épreuves car elle est notre Mère et nous sommes ses enfants. Amen. Alléluia.