Homélie du Saint Sacrement

Dimanche 23 juin – Année C

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur – Le style oral a été conservé

 

Chers frères et sœurs,

Du pain eucharistique, dont nous célébrons aujourd’hui la glorieuse et réelle Présence, on a pu dire qu’il rassasie et qu’il affame. Chacun sait que ce pain n’est pas un pain ordinaire… que ce vin est plus que le fruit de la vigne.

Et à cela, frères et sœurs, nous adhérons par la foi, parce que nous croyons en ces Paroles de Jésus : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang, a la vie éternelle ».

Jésus ne dit pas « aura » la vie éternelle mais « a », dès aujourd’hui, la vie éternelle.

Mais frères et sœurs, de quelle chair au juste s’agit-il ? De quel sang est-il question ? « De la chair du Christ », répondons-nous ; « du Sang du Christ », affirmons nous. Et nous avons raison !

Mais peut-être, peut-on aller plus loin dans l’explicitation de cette foi eucharistique.

Nous pouvons aller plus loin, frères et sœurs, car la tradition de l’Église vient à notre secours. Cette Église, qui depuis plus de deux mille ans, se nourrit de cette Chair et boit ce Sang. Rappelons ici ce célèbre adage qui a cours dans l’Église :

« L’Eucharistie fait l’Église » mais nous pouvons dire, à contrario, avec justesse, que c’est l’Église qui fait l’Eucharistie : car s’il n’y avait pas parmi nous les successeurs des apôtres que sont les évêques, et leurs collaborateurs, que sont les prêtres… mais aussi, et cela n’est pas moins capital… des communautés d’hommes et de femmes, communautés de baptisés, qui reçoivent dans la foi, dans la foi de l’Église, le Corps et le Sang du Christ pour y trouver une nourriture nécessaire à leur exode en ce monde… car nous sommes, frères et sœurs, tous des pèlerins, ici-bas.

Pouvons-nous faire un pas de plus pour mieux comprendre ce que nous faisons lorsque nous célébrons l’Eucharistie ? Tout en sachant que nous n’épuiserons jamais, loin de là, le Mystère de sa Présence. Et déjà vraie, cette parole du saint Curé d’Ars, qui disait : « Prenez la communion ! Il est vrai que vous n’en êtes pas dignes mais vous en avez besoin ! »

Besoin pourquoi ? Besoin pour y trouver la force de vivre, jour après jour, en disciple du Christ. Besoin pour y trouver la force de prendre notre croix, jour après jour, et de suivre Jésus. Besoin, parce que, comme il le dit lui-même : « en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. »

Besoin aussi, comme le dit étonnement la prière après la communion : « pour y trouver l’avant-goût de la jouissance éternelle de ta divinité ».

Jouissance !

Ce nom peut nous surprendre, voire nous choquer. Peut-on jouir de Dieu ? Et pourtant !

Tel est Dieu, tel est bien notre avenir dans le Royaume des cieux… jouir de sa Présence. Non pas en un acte individuel, égoïste, tel que le suggère l’acception moderne du mot « jouissance », mais bien plutôt étreinte amoureuse de Dieu. Et si je désire cette étreinte de Dieu pour moi parce qu’elle est bonne, alors je la désire aussi pour tous les hommes de tous les temps ! Il faut ici préciser que cette irruption de Dieu dans l’âme d’un croyant – quel que soit son horizon spirituel, religieux – est absolument gratuite de la part de Dieu, et ce n’est pas parce que nous communions que nous avons « droit à »… dans l’Église on n’a jamais « droit à » ! Tout est Don ! Tout est grâce !

Dans l’Église, frères et sœurs, le « moi » est inséparable du « nous ». Le sacrement de l’Eucharistie nous enseigne, ou du moins devrait nous enseigner, à passer du « moi » au « nous ». En un mot, à nous décentrer !

Peut-on ici relater cette histoire vraie, dans une première Communion d’enfant sortant après la Messe, et partageant ce qu’ils avaient vécu. Les uns disaient : « Oh, c’était beau, j’ai reçu une belle montre ! » ; d’autres disaient « Oh, j’ai reçu un beau bracelet ! »… d’autres quand même, parlaient de Jésus et disaient qu’ils étaient heureux d’avoir communié au Corps de Jésus. Et le prêtre, qui était avec ces enfants, se tourne vers une petite fille qui ne parlait pas, et lui demande « et toi, qu’est-ce-que tu dis ? » ; et l’enfant de répondre « Il m’efface ! ».

« Il m’efface ! »…c’est-à-dire qu’elle avait spontanément compris que la Présence de Jésus en elle, la décentrait d’elle-même.

Et maintenant, frères et sœurs, penchons-nous de plus près, à la lumière de la tradition de l’Église, sur ce que représentent le pain et le vin consacrés. Entrons plus avant dans le réalisme de l’Eucharistie, qui est un réalisme, comme on dit, « ontologique » ; signifiant par là qu’il ne s’agit aucunement dans l’Eucharistie d’une figure ou d’un symbole du Corps du Christ. Il s’agit réellement du Corps du Christ, qui fut, dans l’histoire de l’Église, longtemps appelé « mystique ». C’est-à-dire dans sa réalité même. Et que si on peut parler de symboles, c’est un symbole efficace du Corps qu’est l’Église. Car l’Hostie consacrée et l’Église, c’est tout un !

Ce serait, frères et sœurs, une lourde erreur de croire que la Présence réelle est une croyance tardivement apparue dans l’Église ; comme certains furent tentés de le penser dans l’histoire. Bérenger de Tours, au XIIème siècle, disait que « la Présence du Christ dans le signe du pain, n’était qu’une Présence symbolique ». En réaction, on affirma alors, l’identité totale entre le Corps eucharistique du Christ et son Corps historique. Son corps historique, c’est-à-dire, celui qui est né de Marie, qui a souffert sous Ponce Pilate, qui est mort, qui est ressuscité.

De nos jours, frères et sœurs, on tend à redécouvrir le caractère sacramentel – et non matériel – de la Présence du Christ ; Présence toujours réelle et substantielle, cependant.

C’est bien ce Jésus, né de Marie, ressuscité le troisième jour, et qui vit aujourd’hui dans le monde, que nous recevons dans l’Eucharistie ; mais sous le mode, absolument unique, que nous a laissé Jésus, pour rester à tout jamais l’Emmanuel, Dieu parmi nous.

Ce qui est vrai, frères et sœurs, c’est que si l’on s’attache à la seule idée de Présence, en oubliant son efficacité, on méconnait la force du Mystère de l’Eucharistie. C’est pourquoi la liturgie nous fait prier, par exemple, dans la prière après la communion de la 9ème semaine : « Toi qui nous a donné le Corps et le Sang de ton Fils, accorde nous de te rendre témoignage, non seulement avec des paroles mais aussi par nos actes, et nous pourrons entrer dans le Royaume des cieux. »

Oui, frères et sœurs, la foi chrétienne, et en particulier la foi en l’Eucharistie, est foi en un Mystère dont tous les articles sont liés. Et ce Mystère est un Mystère en acte.

Il s’agit d’entrer par l’Eucharistie, dans le Mystère de Dieu ! Faut-il préciser ici qu’un Mystère, ce n’est pas une énigme. C’est une lumière ! C’est une lumière, qui, comme le fait le soleil, éclaire toute chose sans que l’on puisse la regarder elle-même. Ainsi comme le dit Jésus : les tout-petits sont-ils souvent plus près du Mystère… « Si vous ne changez et ne devenez comme les enfants, vous n’entrerez pas dans le Royaume des cieux. »

Comme disait st Augustin : « Pour comprendre, il faut croire ! Et non pas comprendre pour croire ! » Non pas que l’intelligence du Mystère soit de peu d’importance, mais frères et sœurs, on n’y rentre que par la foi.

Seigneur Jésus, toi que nous adorons en ce jour, réellement Présent en ton Corps et en ton Sang :

« Fais que nous possédions, ici-bas, la jouissance éternelle », pour notre joie, pour notre marche de pèlerins, tout au long de notre vie ; dans l’espérance de te contempler et de t’aimer dans le Royaume dont nous avons dès ici-bas, un avant-goût dans le sacrement de l’Eucharistie, mais aussi et avant tout dans la charité à l’égard de Dieu et à l’égard de nos frères.

Amen !

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