Homélie du dimanche 5 septembre 2021- 23ème Semaine du Temps Ordinaire – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

« Jésus les yeux levés au ciel, soupira et dit au sourd muet « Effata ! », c’est-à-dire : « Ouvre-toi ! ». Ses oreilles s’ouvrirent aussitôt. »

Chers frères et sœurs, le fait de lever les yeux au ciel, en priant, est une attitude typique de la liturgie chrétienne, alors, que les Juifs se tournaient plutôt vers le Temple de Jérusalem. Au moment de multiplier les pains au chapitre 6 de l’évangile de Jean, on voit Jésus lever son regard vers le ciel, avant de prononcer la bénédiction et de rompre les pains. De même, alors qu’il s’est rendu auprès du tombeau de son ami Lazare décédé trois jours plus tôt, l’évangile de Jean nous dit que « Jésus leva les yeux au ciel et dit « Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé ». Prier en levant les yeux au ciel semble être une attitude typique de la prière de Jésus et de ses disciples à sa suite.

Dans l’évangile de ce jour, autre attitude de Jésus : « après avoir levé les yeux, il soupira » et dit « effata! » ; ce mot araméen qui signifie « ouvre-toi ». La liturgie baptismale chrétienne l’a repris tel quel quand elle célèbre, aujourd’hui encore (et jusqu’à la fin des temps, espérons-le), le baptême des petits enfants où le ministre du baptême après avoir fait sur la poitrine de l’enfant, une onction avec le saint chrême, peut toucher les oreilles et la bouche de l’enfant en disant « ouvre-toi » : « effata » ; et il poursuit « Que le Seigneur Jésus te donne d’écouter sa Parole et de proclamer la foi pour la gloire et la louange de Dieu le Père ».

Aussi, comprenons-nous que cet évangile, qui vient d’être proclamé, a une signification sacramentelle. Lorsque l’Église baptise un nouveau-né ou un adulte, lorsqu’elle étend les mains sur le pain et sur le vin en disant « ceci est mon Corps, ceci est mon Sang », lorsqu’elle trace le signe de la croix sur un pénitent en disant : « Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit, je te remets tous tes péchés », et encore d’autres actions sacramentelles, l’Église ne fait que reproduire et prolonger, aujourd’hui parmi les hommes, les gestes et les paroles que Jésus accomplissait durant sa vie terrestre ; un sacrement c’est cela.

Ce que Jésus a fait pour le sourd-muet en lui donnant de retrouver l’ouïe et la parole, Jésus continue de le faire par les ministres de son Église, en ouvrant par le Don du baptême, les oreilles du catéchumène, à l’accueil de la Parole de Dieu, et en déliant sa langue pour lui donner la grâce de chanter les louanges de Dieu. Voilà ce que l’Église a fait pour nous le jour de notre baptême.

Nous comprenons ainsi que les sacrements sont les évènements qui continuent, dans le temps de l’Église, les grandes œuvres de Dieu de l’Ancien et du Nouveau Testament. Les sacrements confèrent aux croyants individuels les mérites du Christ, que celui-ci nous a acquis par les souffrances de sa vie, de sa passion et de sa mort.

Je voudrais ici remarquer que, probablement trop souvent, on ne retient de l’évangile, que les paroles du Christ, comme si l’évangile n’était qu’un message. On oublie peut-être que l’histoire de Jésus est entièrement une histoire sacramentelle, et que la parole accompagne et éclaire toujours l’évènement du contact physique entre Dieu et les hommes.

Lorsqu’une maman tient son petit enfant dans ses bras dès sa naissance, il ne suffit pas qu’elle lui dise « je t’aime », ce qui est déjà beaucoup, mais qu’elle le manifeste par des gestes de tendresse – et la même chose dans toute notre vie. Le risque d’oublier cela, serait de conduire à faire de la foi chrétienne uniquement une doctrine, même très sublime, mais étrangère à ce qui est au cœur de la foi chrétienne, le Salut de l’homme « corps et esprit ». « Je crois en la résurrection de la chair », dirons-nous dans un instant dans le Credo.

Le Christ est venu sauver l’homme jusque dans sa chair. Cette affirmation est centrale dans notre foi en la résurrection des morts. C’est Origène au IIème siècle qui disait :

« Par le corps, le Salut! Le corps, et seulement lui, est capable de rendre visible ce qui est invisible, à savoir le spirituel et le divin ».

Ce corps qui a été créé par Dieu pour transférer dans la réalité du monde le mystère caché de toute éternité en Dieu et pour en être le signe visible.

« Et le Verbe s’est fait chair, et il a demeuré parmi nous ».

Les tentations n’ont pas manqué dans l’histoire de l’Église de sous-estimer cela : que ce soit dans l’hérésie Cathare et Albigeoise, ou déjà dès les origines de l’Église, dans ce qu’on appelait « l’encratisme », qui était une hérésie née dans le milieu judéo-chrétien, qui disait que le mariage était une mauvaise chose… mais qu’on ne s’y méprenne pas, il n’y a pas pour autant dans le christianisme, un culte du corps humain – pour lui-même – détaché de sa relation avec Dieu et de ce qui anime le corps humain au plus intime de lui-même, à savoir l’Esprit Saint!

Le culte du corps humain pour lui-même, on en sait quelque chose dans certains aspects de la culture contemporaine, c’est ce qu’on appelle le paganisme.

Je pense entre autres exemples de déviation dans l’histoire de l’Église – momentanée, passagère, heureusement – dans ce qui a été l’exaltation de l’amour humain tel qu’il a été magnifié au XIème et XIIème siècle par les troubadours. Ces derniers plaçaient la femme sur un piédestal et lui vouaient un culte qui n’avait plus rien à voir avec le principe de la morale chrétienne. C’est à cette époque précisément que St Bernard, qui avait une âme de troubadour, plaça l’amour au centre de sa théologie mystique, mais enseignant que l’amour affectif de Dieu était le seul chemin menant au but final de la perfection chrétienne, à savoir l’union de l’âme humaine avec son créateur.

Oui! Dieu prend soin des corps. Parce que le corps humain est la forme où il s’est rendu visible aux hommes en prenant chair de la Vierge Marie.

Oui! « Par le corps, le Salut! »

Parce que le corps humain est le Temple de la gloire de Dieu et de son amour.

(Précisons que, même en dehors du baptême qui surélève la grâce, tout homme et toute femme est créé à l’image et à la ressemblance de Dieu, c’est-à-dire, le Temple de Dieu.)

Il est le Temple de la gloire de Dieu et de son amour!

La manifestation la plus haute de l’estime de Dieu par l’homme en sa corporéité, nous l’entendons dans le récit de l’institution de l’Eucharistie, dans un instant :

« Ceci est mon corps livré pour vous »… et non pas « ceci est l’idée de mon corps »!

Nous aussi, frères et sœurs, nous savons que nos comportements chrétiens peuvent être encore, plus ou moins, marqués par la surdité aux motions de l’Esprit Saint et par le manque d’audace de la confession de notre foi.

« Dans les rues comme dans les champs, je suis sinon sourd et muet, du moins dur d’oreille et bègue. Seigneur, pose ta main sur moi! Mets tes doigts dans mes oreilles! Touche ma langue avec ta salive ; que non seulement, mes oreilles entendent, que non seulement ma langue soit déliée, mais que mon cœur, et toute mon âme, s’ouvrent à ton Esprit et aux hommes, afin que Jésus de Nazareth passe aujourd’hui entre nous. »

Que le toucher du Christ, frères et sœurs, sur nos corps blessés par le péché, restaure en chacun de nous la dignité incommensurable de fils de Dieu.

Amen!

 

 

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