Homélie du dimanche 28 août 2022 – 22ème Dimanche Temps Ordinaire – Année C

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

« L’idéal du sage, c’est une oreille qui écoute » nous a dit Sirac le Sage dans la première lecture.

Frères et sœurs, cette sentence du Livre de Sirac résonne bien avec ce qui constitue la règle de st Benoit pour les moines : Écouter. Écouter est un mot clé de notre règle. Écouter est en effet non seulement une disposition d’accueil de la part de personne humaine, mais on pourrait dire aussi : écouter, c’est un art de vivre. Bienheureuses les personnes dont la capacité à écouter est supérieure à leur capacité de parler.

Un théologien du moyen âge, Nicolas de Cues, s’adresse à Dieu en ces termes : « tu appelles les créatures pour qu’elles t’écoutent et quand elles t’écoutent, alors elles sont ». La disposition fondamentale de l’homme (ontologique, pour employer un mot plus simple), c’est l’écoute de Dieu ; il a été créé pour cela. L’homme en sa nature intime est comme une parabole (au sens technologique du terme) tournée vers Dieu. On connait la parole de st Augustin dont c’est aujourd’hui la fête : « Tu nous as fait pour toi Seigneur, et notre cœur est sans repos jusqu’à ce qu’il repose en toi ».

Et c’est en disant « me voici ! » que je suis, en le disant non seulement à Dieu mais à notre entourage.

Nous sommes constitués par un appel, dans notre identité, comme dans notre responsabilité envers l’autre – l’autre avec une minuscule et l’Autre avec une majuscule, à savoir Dieu. Un appel à écouter. Bien plus, c’est comme si nous n’entendions l’appel que dans la réponse : « me voici ! »

Tous ceux qui sont appelés de Dieu savent très bien cela. Il y a simultanéité entre l’appel de Dieu et la réponse. Je pense que dans tous les évènements importants de nos vies, il y a cela : c’est en disant ‘oui ou me voici’ qu’on entend l’appel. Il est significatif que tant dans l’Ancien que le Nouveau Testament, il y a en réponse aux appels de Dieu, un « me voici » de la part de l’homme. Lorsque Dieu appelle Abraham pour l’envoyer avec son fils Isaac au pays de Moriah (pour le sacrifier), Abraham répond : « hinéni » (hébreu) : me voici ! Et un peu plus tard, au moment où il s’apprête à immoler son fils, Dieu l’appela du ciel « Abraham, Abraham » et ce dernier répond : « me voici ! ». Cette parole du « me voici » est constitutive de la voie chrétienne. Les disciples de Jésus sont des hommes et des femmes, qui à un moment ou l’autre de leur vie, ont répondu « me voici », faisant ainsi de leur foi, une réponse personnelle à Dieu qui appelle. Oui, personnelle parce que la foi chrétienne est à l’opposé du collectivisme.

« Quand quelqu’un t’invite à des noces, ne va pas t’installer à la première place de peur qu’il ait invité un autre plus considéré que toi ». Autrement dit : ne va pas imposer ta présence par un « me voici ! », alors que personne ne t’a appelé ! Cela est important dans la vie spirituelle ; les appels de Dieu, aussi discrets soient-ils (et on peut dire qu’ils sont discrets dans 99,9% des fois), précèdent toujours notre réponse.

Ou pour le dire avec le langage de st Paul : « La grâce (c’est-à-dire le Don de Dieu) est antérieure à la réponse de l’homme » ; et quand nous disons à Dieu « me voici », c’est déjà lui-même qui a insufflé en notre cœur la force, le courage, parfois l’audace, de répondre « me voici ».

Celui qui s’installe au banquet à la première place sans y avoir été appelé, est un usurpateur. Il est significatif que dans le rite de l’ordination d’un diacre ou d’un prêtre, celui-ci est présenté à l’évêque par son formateur, qui représente à ce moment-là le peuple de Dieu, et à l’appel de son nom – Pierre, Paul, André…- l’ordinand fait un pas en avant, répondant « me voici »

Cela signifie que dans l’Église, on ne se donne pas un ministère, on le reçoit ! (c’est important de le dire, dans notre monde, mais ce n’est probablement pas d’aujourd’hui, où il y a beaucoup plus de candidats pour la première place, dans tous les domaines). Et cela est fondamental dans l’anthropologie chrétienne. Pour prendre un autre exemple – profane, si j’ose dire – lorsqu’un jeune homme a le projet de prendre femme, on dit « qu’il demande la main » de celle qu’il désire épouser : il ne la saisit pas de force, et celle-ci répond (ou ne répond pas) « me voici » Deux libertés s’embrassent ; la voix chrétienne, frères et sœurs, est toujours une affaire de liberté.

Ce récit évangélique des invités à la Noce où chacun prend la place que le maitre de Festin lui assigne est pour chacun de nous un enseignement.

Le premier est que tous les hommes sont invités au Festin des Noces de l’Agneau, mais d’autres récits des évangiles nous disent que tous n’en sont pas dignes ! C’est le sens de cette autre Parole de l’Évangile qui dit, parlant du Festin : « Beaucoup sont appelés mais peu sont élus ». Beaucoup d’encre dans l’histoire de l’Église a coulé sur ce verset de l’Évangile.

Ceux qui ne sont pas élus se sont en fait, eux-mêmes, exclus du Festin ; au profond d’eux-mêmes, ils méprisent le Festin et Celui qui appelle au Festin ; mais il y a ceux qui ne participent pas au Festin parce qu’ils ne se sentent pas dignes d’y participer – et c’est ce sentiment que la liturgie de l’Église va mettre sur nos lèvres lorsque dans un instant avant de communier, nous disons : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir mais dis seulement une parole et je serai guéri ».

Voilà ici la juste attitude. Je n’impose pas ma présence, je me présente en creux, si j’ose dire, à la porte du Festin comme un mendiant qui attend tout du Maitre du Festin, parce qu’il sait qu’il n’a pas d’autres droits à faire valoir pour y entrer que son indigence, que sa pauvreté ; et le premier à nous montrer l’exemple, c’est Jésus, lui le Fils de Dieu, qui en s’abaissant par son incarnation a effectivement pris la dernière place. St Paul le dira dans sa lettre aux Philippiens : « Lui de condition divine ne retint pas jalousement le rang qui l’égalait à Dieu mais il s’anéantit lui-même prenant la dernière place ». À ceux-là, la porte du Festin est grande ouverte.

C’est peut-être le sens de la première des béatitudes : « Heureux les pauvres de cœur, le Royaume des cieux est à eux ». Ce que Tertullien au IIème siècle, traduisait en latin : beati mendici : bienheureux ceux qui ont un cœur de mendiant, un cœur de pauvre, le Royaume des cieux est à eux,

Amen !

Historique de nos Homélies

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