Homélie du dimanche 26 septembre 2021- 26ème Semaine du Temps Ordinaire – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur. Le style oral a été conservé.

 

Chers frères et sœurs

Tout le monde a entendu parler, ou presque tout le monde, de l’adage qui a fait couler beaucoup d’encre dans l’histoire de l’Église et qui continuera d’en faire couler beaucoup : « Hors de l’Église, pas de salut ! »

Les lectures de ce dimanche montrent que cette question du salut de ceux qui ne font pas explicitement partie de l’institution « Église » n’est pas d’aujourd’hui. Nous avons entendu en première Lecture dans le Livre des Nombres, un jeune homme courir vers Josué le Serviteur de Moïse, afin de se plaindre auprès de lui de ce que deux hommes, Eldad et Medad, prophétisent alors qu’ils n’ont pas reçu officiellement mission pour cela. Moïse leur donne raison en remettant Josué à sa place : « Serais-tu jaloux, Josué ? Ah ! Si le Seigneur pouvait donner de prophétiser non seulement à Eldad et à Medad, mais au peuple d’Israël tout entier ! »

Et puis, dans l’Évangile de St Marc qui vient d’être proclamé, un scénario semblable : l’apôtre Jean se scandalise de ce qu’il a vu quelqu’un chasser des esprits mauvais au nom de Jésus, alors que cet homme s’est auto-proclamé guérisseur sans que quiconque ne lui ait donné quelconque mandat pour cela. Comme Moïse, Jésus de façon surprenante prend la défense de ce guérisseur improvisé en disant « ne l’empêchez pas, celui qui n’est pas contre nous est pour nous ».

Alors, frères et sœurs, que penser de tout cela ? Est-ce-que cela voudrait dire que dans l’Église, aujourd’hui, chacun peut s’improviser au Nom de Dieu : qui, prophète ; qui, thaumaturge ; qui, prédicateur ; qui, catéchète et que sais-je encore… sans en avoir reçu mandat de la part de l’institution ‘Église’ ? Autrement dit, est-ce que le charisme de chacun peut se passer de l’institution ?

Remarquons tout d’abord que la grâce de Dieu est toujours gratuite, gratis data, dans l’étymologie du mot ‘grâce’, il y a ce qu’on traduit par « gratuit ».

Tout Don fait à quelqu’un dans l’Église (ce que nous appelons un charisme), est en vue du bien d’autrui, en vue de l’édification de l’Église. Il faut se garder d’instrumentaliser les Dons de Dieu à notre profit. Les exemples ne manquent pas dans l’histoire passée de l’Église, et pas seulement dans l’Église. Celui qui aura le Don d’enseigner, d’exposer avec clarté, le fera dans le but d’édifier, de construire la communauté et non pas pour s’attirer des louanges et pour constituer autour de lui un petit cercle d’admirateurs.

C’est pourquoi tout charisme donné par Dieu à des baptisés, a besoin d’être contrôlé par l’Église-institution pour éviter des dérapages dangereux… on en a vu de nombreux exemples dans l’histoire récente de l’Église.

Inversement, l’Église a besoin d’hommes et de femmes disponibles à la nouveauté de l’Esprit.

Elle en a besoin pour éviter de se scléroser, de se fermer sur elle-même, d’être frileuse, au risque de ne plus être disponible aux chemins nouveaux vers lesquels l’Esprit ne cesse de l’entrainer. Ce n’est jamais confortable, c’est vrai, d’aller sur des chemins nouveaux ! Et pourtant c’est un signe de maturité.

Si la grâce de Dieu passe de façon privilégiée dans le peuple de Dieu par l’Écriture, la Sainte Écriture, et par les sacrements de l’Église, elle ne s’y épuise pas. La grâce de Dieu, la grâce divine, déborde l’Église visible pour aller au-devant de tous les hommes, y compris de ceux (et ils sont la majorité) qui sont loin de l’Église.

Le Concile Vatican II l’a clairement affirmé : l’Évangile est un Don de Dieu pour tous les hommes, et en un sens, déjà fait à tous les hommes. Les semences du Verbe créateur sont présentes en tout homme même s’il ne le sait pas (pour reprendre l’expression célèbre de Clément d’Alexandrie).

Depuis la résurrection et la Pentecôte, le Don de l’Esprit Saint est répandu pour tous les hommes. Dieu, notre Dieu, notre Seigneur, est le Dieu de tous, qui veut sauver tous les hommes et qui est accessible à tous les hommes. L’encyclique du saint Pape Jean Paul II sur la mission du rédempteur en 1990, a rappelé avec force que l’Église est la première bénéficiaire du salut et qu’elle a été établie dans le monde comme sacrement universel du salut.

Il faut toutefois tenir ensemble ces deux vérités, à savoir, la possibilité réelle du salut dans le Christ pour tous les hommes – qu’ils appartiennent à l’Église ou qu’ils n’y appartiennent pas – et la nécessité de l’Église pour le salut ; et ces deux vérités ne sont pas contradictoires.

Alors pour en revenir à notre adage que je citais au début de cette homélie : hors de l’Église, n’y a-t-il vraiment pas de salut ?

La réponse, vous le voyez, n’est pas univoque ! Comme vient de le rappeler St Jean Paul II, il faut tenir ensemble ces deux vérités : possibilité de salut hors de l’Église visible et nécessité de l’Église visible pour le salut !

En l’an 2000, un document publié par St Jean Paul II, qui a fait un peu de bruit à l’époque, intitulé « Dominus Iesus », mettait en garde, je le cite : « contre les solutions qui envisageraient une action salvifique de Dieu hors de l’unique médiation du Christ et qui, de ce fait, serait contraire à la foi chrétienne et catholique ».

Le Christ : unique médiateur entre Dieu et les hommes.

« Maitre, nous avons vu quelqu’un chasser des esprits mauvais en ton nom ; nous avons voulu l’en empêcher parce qu’il ne faisait pas partie du groupe des douze ; il n’est pas de ceux qui nous suivent ».

Les chemins que l’Esprit de Jésus empruntent, hier comme aujourd’hui, pour rejoindre le cœur des hommes, sont toujours des chemins déroutants ; ils font éclater nos plans les meilleurs… y compris les « plans B » ! C’est à nous de suivre les chemins que l’Esprit se fraie dans notre humanité, et non pas à l’Esprit de se plier à nos idées, fussent-elles excellentes…

La vie de grâce a été répandue en plénitude dans l’Église que Jésus a fondée. L’Église en est l’intendante et jamais propriétaire ; il en est de même de la Sainte Écriture, de la Parole de Dieu, l’Église en est la gardienne pour mieux la transmettre dans son intégrité.

Le salut apporté au monde par le Christ dans son Église, frères et sœurs, se réalise d’abord à l’intérieur même de l’Église ; celle-ci n’est pas seulement l’instrument du Christ dans le monde, elle porte en elle le Christ et son Esprit, se laissant continuellement renouveler, transformer, par ce Jésus qu’elle annonce… et qu’elle annonce parce qu’elle l’aime.

En 1713, le Pape de l’époque, condamnait par la constitution « Unigenitus », la proposition janséniste du théologien Quesnel, qui disait : « hors de l’Église, aucune grâce n’est donnée ».

Aujourd’hui, l’Église – c’est-à-dire, l’ensemble des baptisés, sous la conduite du successeur de Pierre et du Collège des évêques – poursuit courageusement le chemin sur lequel l’Esprit Saint l’entraine.

Le chemin est rude comme l’a été celui de Jésus et des apôtres à sa suite. Mais l’Église entend continuellement résonner en elle, la parole de Jésus à l’apôtre Paul : « Ma grâce te suffit ! ». C’est pourquoi elle garde l’espérance envers et contre tout, enveloppée et protégée par l’humilité de Celui qui a donné sa vie pour elle, le Christ Jésus notre Seigneur, à qui soient tout honneur et toute gloire pour les siècles des siècles,

Amen !

 

 

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