Homélie du dimanche 2 septembre 2018

22ème dimanche du temps ordinaire – Année B

Par le Frère Jean

Le texte de cette homélie n’a pas été relu par le prédicateur

Le style oral a été conservé

 

Chers frères et sœurs,

Voici qu’aujourd’hui, la Parole de Dieu – tant dans l’Ancien que dans le Nouveau Testament – nous interpelle quant à la vérité, à l’authenticité de nos attitudes religieuses de croyants.

Pour ce faire, Jésus cite cette Parole que nous avons entendue, Parole sévère du prophète Isaïe :

« Ce peuple m’honore des lèvres mais son cœur est loin de moi ! »

Ce que redira, à sa façon, Jésus, ailleurs dans les évangiles :

« Ce ne sont pas ceux qui disent ‘Seigneur, Seigneur’ qui entrent dans le Royaume des cieux mais ceux qui font la volonté du Père ».

Au reproche adressé par les pharisiens aux disciples qui ne font pas le lavage rituel des mains avant de prendre leur repas, on pourrait opposer la réflexion de Péguy qui disait à propos d’une catégorie de personnes : « Ils ont les mains pures mais ils n’ont pas de mains ! »

Nous avons entendu comment Moïse prescrivait au peuple de garder scrupuleusement les ordres prescrits par le Seigneur ; et en seconde lecture, l’apôtre Jacques rappeler à ses auditeurs qu’il est vain d’écouter la Parole de Dieu si on ne la met pas en pratique. Jésus connait tout cela et il le reprend à son compte mais il y ajoute cette précision qui n’est pas un détail :

« Ne confondons pas commandements de Dieu et tradition des hommes » ou plus précisément « n’appelons pas commandements de Dieu ce qui est tradition des hommes ».

Cela nous amène, frères et sœurs, à tacher de bien comprendre ce que représente la tradition avec un ‘T’ majuscule dans la vie de l’Église et dans notre vie personnelle de chrétien.

La tradition n’est pas la simple conservation ou la simple explication de ce qui est déjà présent, mais la croissance dans la compréhension de la réalité qui nous dévoile notre origine – tel que l’a mis en lumière la constitution Dei Verbum dans le concile Vatican II.

Le Christ par ses paroles, par ses attitudes, nous enseigne que la tradition est plus moderne que la modernité ! Il n’est pas nécessaire de conserver tout ce que l’on fît autrefois mais bien plutôt d’en transmettre l’essentiel. La tradition est plus jeune que la modernité ; parce que la tradition suppose que les pères sont d’abord des fils et donc des enfants ; ils n’ont pas eu l’initiative de la Parole, ils n’ont pas inventé la vie, ils l’ont d’abord reçue.

Joindre l’intérieur à l’extérieur, tel semble être l’enseignement principal du Christ aujourd’hui. Comme il le dit ailleurs en parlant toujours des prescriptions des pharisiens :

« Il fallait bien faire ceci sans oublier cela » ; non pas « ceci ou bien cela » mais « ceci et cela ».

Blaise Pascal, en son temps, le disait à propos des attitudes religieuses, je le cite :

« Il faut que l’extérieur soit joint à l’intérieur pour obtenir Dieu, c’est-à-dire, poursuit-il, que l’on se mette à genoux, que l’on prie des lèvres, etc… afin que l’homme orgueilleux qui n’a pas voulu se soumettre à Dieu soit maintenant soumis à la créature ».

Notre sensibilité contemporaine, frères et sœurs, répugne à l’accomplissement de gestes et d’attitudes qui ne seraient pas l’expression du fond du cœur (et cela se comprend) ; on aime bien aujourd’hui parler de sincérité, et nombre d’éducateurs, à la foi, diront aux plus jeunes « fais comme tu le sens ! »

Sans méconnaitre, la part de vérité qu’il peut y avoir en cela, on peut cependant se demander si on ne confond pas sincérité et vérité.

Nous vivons dans une culture qui substitue à la vérité comme idéal humain suprême, la véracité… qui n’est pas la même chose ! Et la certitude est remplacée bien souvent par la simple sincérité.

On en vient même à juger, même présomptueux, les croyants qui pensent posséder des certitudes objectives. Face à cela il semble que l’Esprit Saint, frères et sœurs, aujourd’hui, nous enseigne pour notre époque le juste comportement qui consiste à être humble dans la certitude et certain dans l’humilité.

En effet, notre Dieu est un Dieu qui prend chair en Jésus, qui vient assumer l’homme dans toute sa dimension « corps, âme et esprit », du psychique au spirituel, de l’humain à la transcendance, non pas l’un sans l’autre.

Le danger, frères et sœurs, d’une recherche religieuse faisant fi de sa dimension extérieure – autrement dit en terre chrétienne, de sa dimension sacramentelle entre autre ; Dieu dans le Christ se communiquant à travers des gestes et des Paroles que sont les sacrements – le danger est de faire de l’homme le centre de sa propre quête spirituelle… or il n’y pas de sublimation authentique de l’homme, si l’homme reste au centre de son expérimentation spirituelle. En somme une transcendance qui ne porte que le nom de transcendance mais qui est uniquement humaine.

Oui, frères et sœurs, la personne n’arrive à la plénitude de sa vocation humaine que si elle arrive à la rencontre avec Jésus-Christ, unique auteur de la Vie et du Salut. L’homme n’est pas appelé à faire une expérience spirituelle, aussi transcendante soit-elle, mais à rencontrer une Personne, Jésus-Christ, unique médiateur entre Dieu et les hommes. Telle est notre foi chrétienne ! Si cette rencontre n’a pas lieu, ce qui arrive n’est en définitive que la rencontre avec soi-même et parfois l’affrontement douloureux avec sa propre limite ontologique et sa propre angoisse existentielle.

La foi chrétienne, frères et sœurs, veut tenir les deux bouts de la chaine : la foi et les œuvres ! Saint Paul et Saint Jacques !

De la foi et des œuvres nait la foi ; la foi qui, en son centre, est le Don de la grâce, le Don d’un Salut gratuit en Jésus-Christ. Comme le dit St Jean dans son épitre, « Quant à nous, nous aimons, puisque lui-même nous a aimés le premier ».

Oui, frères et sœurs, c’est du Don de Dieu que nait le devoir, les attitudes extérieures, c’est-à-dire les œuvres et non l’inverse. Saint Bernard, en son temps, et les cisterciens parlaient de la vie monastique comme étant composée des spiritualia et des corporalia : des exercices spirituels et de ceux du corps ! Distinction bien connue de la tradition chrétienne et qui a été rappelée à plusieurs reprises par le Pape François, en appelant à pratiquer les œuvres de miséricorde en leur deux volets : les œuvres corporelles : donner à manger aux affamés, visiter les prisonniers, etc… et les œuvres spirituelles : conseiller ceux qui en ont besoin, consoler les affligés, et autres œuvres.

Oui, frères et sœurs, de la foi et des œuvres nait l’homme nouveau, qui est aussi passage du moi extérieur au moi intérieur. Accueil de la grâce et du don de soi !

Il s’agit de devenir cet homme unifié, que nous aspirons à être, par l’accueil de la Parole divine qui nous divinise, « corps, âme et esprit », extérieur et intérieur, toujours dans la simplicité des enfants de Dieu,

Amen !

 

 

 

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